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«L'exécution d'un jugement est le maillon faible du secteur judiciaire au Maroc»
Ahmed Amine Touhami El Ouazzani, président du conseil de l'ordre des notaires
Publié dans Albayane le 21 - 01 - 2016

Le président du Conseil national de l'ordre des notaires, Me Ahmed Amine Touhami El Ouazzani , a reçu récemment la Grand-croix «Gran Cruz de l'Ordre du Mérite Notarial. Dans cette interview, il revient sur les scandales qui gangrènent la profession, les moyens d'y mettre fin ainsi que sur la réforme de la loi.
Al Bayane : L'Ordre des notaires veut amender la loi régissant la profession. Que faut-il revoir pour mettre à niveau la profession ?
Me El Ouazzani : La mise à niveau de la profession notariale a été entamée depuis 2012 avec l'entrée en vigueur de la loi 32.09 relative à l'organisation de la profession de notaire au Maroc. L'amendement de cette loi est une suite logique qui s'inscrit dans une démarche d'amélioration continue adoptée conjointement par le conseil national de l'ordre des notaires et le ministère de la justice et des libertés. Ainsi, une commission mixte composée des représentants des deux parties a été instituée pour discuter des difficultés surgies dans l'application des dispositions de la loi 32.09. En effet, le conseil national a recueilli plusieurs difficultés rencontrées par les notaires liées essentiellement à la pratique notariale. C'est dans ce contexte que des propositions d'amendement ont été soumises au ministère de la justice et des libertés, visant notamment le rehaussement de la qualité du service notarial à travers la formation et le développement de nouvelles compétences au profit de différentes composantes de la profession. Dans le même ordre, ces propositions visent aussi à élargir le champ de compétences du notaire et à moderniser la profession à travers l'introduction des nouvelles technologies de l'information (acte électronique, archive électronique...etc). Ces propositions portent aussi sur la protection juridique du notaire contre certaines dispositions à caractère pénal ainsi que sur le renforcement de la confiance du citoyen et de l'investisseur en l'institution notariale.
Est-il judicieux de l'amender alors que des notaires font l'objet d'enquêtes judiciaires?
Au contraire, je pense même que c'est le moment opportun pour s'y pencher.Toute profession dynamique et en pleine mutation est plus exposée à connaitre quelques dérapages. Le plus judicieux est d'y remédier de façon profonde dans le cadre d'une vision globale visant toute l'institution. C'est dans cet esprit que le conseil national s'est engagé dans un débat constructif et responsable avec le ministère de la justice et des libertés.Nous sommes conscients de l'ampleur des responsabilités qui incombent au notaire, pourvu qu'on lui donne les moyens pour les assumer.
Justement, la profession essuie des critiques acerbes liées à des affaires à scandales provoquées par certains notaires. Comment comptez-vous remédier à cette situation?
Encore une fois par l'amélioration du cadre juridique du notaire. Je ne suis ni entrain de justifier ni de rendre légitime des comportements peu scrupuleux que nous dénonçons haut et fort. Bien au contraire, car il en va de l'honorabilité de toute une profession et nous regrettons ces cas qui demeurent isolés. Cependant, il convient de rappeler que notre profession a souffert pendant des décennies d'un grand déficit législatif et réglementaire. Ce qui a impacté négativement son organisation et ainsi son développement.Aujourd'hui, le conseil national mène des actions en amont pour sensibiliser et accompagner notamment les jeunes notaires au début de leur exercice. Mais il faudra également agir en aval en mettant en place les mécanismes nécessaires pour faire face aux éventuels sinistres.
Des victimes de notaires n'arrivent pas à se faire indemniser alors qu'elles ont un jugement définitif. Comment expliquer cela ?
Il faut reconnaitre que l'exécution d'un jugement est le maillon faible du secteur de la justice au Maroc et n'est pas propre aux jugements liés aux membres de la profession.S'agissant du notariat, il existe un fonds de garantie des notaires qui a été institué par le Dahir de 1925 et a été repris par la loi 32.09 actuellement en vigueur. Ce fonds est destiné à garantir le paiement des sommes à verser aux parties lésées en vertu d'une décision judiciaire, en cas d'insolvabilité d'un notaire ou de son suppléant, et d'insuffisance des sommes versées par la compagnie d'assurance au titre de dommages et intérêts, ou de défaut d'assurance. Il sera activé dès publication du décret d'application.
Les relations entre notaires et CDG n'étaient pas toujours au beau fixe. Qu'en est-il aujourd'hui ?
La CDG est le partenaire historique de la profession de notaire au Maroc.
Cette relation privilégiée a été entérinée par la signature d'une convention de partenariat le 12 décembre 2013 entre le conseil national et la CDG.
Il est vrai qu'aujourd'hui nous rencontrons quelques difficultés pour l'exécution de certaines clauses de cette convention du côté de la CDG notamment, en ce qui concerne ses engagements pour la mise en place des offres de financements au profit des notaires et la mise au point d'une application d'échange de données électroniques permettant au notaire de mettre à jour automatiquement sa comptabilité. Nous espérons pouvoir surmonter ces difficultés aussitôt.
En vertu de la nouvelle loi, les notaires doivent déposer tout l'argent des clients chez la CDG. Quel est le montant déposé à ce jour ?
Le conseil national n'est pas habilité à s'enquérir de la valeur des fonds déposés par les notaires chez la CDG, car il s'agit des comptes nominatifs gérés par cette caisse conformément aux dispositions en vigueur, sachant que tout notaire dispose d'un sous compte propre à chaque affaire qui lui serait confiée.
Vous estimez dans votre rapport d'activité de 2014 que «le champ des réformes entreprises est difficile». Où se situent les plus grandes difficultés?
Dans son plan d'action annuel, le conseil national a exprimé sa ferme volonté de faire aboutir la mise à niveau de la profession et assurer son rayonnement à l'échelle nationale et internationale.Mais il est vrai que tout changement est confronté à une résistance surtout après la première expérience démocratique qu'a connue la profession en élisant son premier conseil national le 15 juin 2013. En résumé, nous avons rencontré deux types de contraintes. La première concerne l'environnement interne de la profession qui est lié au niveau d'adhésion et d'implication des différentes composantes de la profession.
Deuxièmement, il est question de faire face aux aléas liés à l'environnement externe de la profession dont les conséquences peuvent compromettre le chemin de son développement.
Vous vous êtes entretenus avec le ministre de la justice pour discuter, notamment de votre bras de fer avec les Adouls. Pourquoi êtes-vous contre le fait qu'ils exercent le notariat?
La question n'est pas là. Il ne s'agit pas d'être pour ou contre. La position de notre profession à ce sujet est claire : nous ne permettrons ni aux adouls ni à aucune autre profession d'usurper notre fonction. La profession de notaire est régie par une loi spécifique conforme à des standards internationaux. Nous veillons à ce que toute personne qui exerce la profession de notaire réponde aux conditions imposées par cette réglementation.
Diplômé en droit, Me Touhami El Ouazzani a très vite connu sa vocation: faire carrière dans le notariat. Une ambition qu'il va réaliser dès 1994 lorsqu'il a été désigné notaire titulaire. Impliqué dans le processus de mise à niveau de la profession, il va rejoindre en 1999 la commission d'inspection des notaires. Entre temps, il intègre dès 1997 le Conseil d'administration de la chambre nationale des notaires. Il a été chargé d'un dossier stratégique lié à l'action des notaires: participer à l'élaboration des lois sur la copropriété et sur VEFA. Il gravit rapidement les échelons jusqu'à être porté à la tête de la Chambre en 2009, après avoir été conseiller de son président entre 2003 et 2006. Il a été réélu à ce poste en 2012, avant de prendre les commandes du nouveau Conseil national de l'ordre des notaires en juin 2013.


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