Confrontée à la chute des cours du pétrole, l'Arabie saoudite a adopté lundi son budget 2016 avec un déficit prévu de près de 80 milliards d'euros et des mesures d'austérité incluant des augmentations de plus de 50% du prix de l'essence. Première économie arabe et premier exportateur mondial de pétrole, le royaume saoudien a aussi annoncé avoir enregistré en 2015 un déficit budgétaire record de 89,2 milliards d'euros, sous l'effet d'une baisse de plus de 60% des prix du brut depuis l'été 2014. Des analystes estiment que Ryad, chef de file de l'Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep), est en partie responsable de cette dégringolade des cours en raison de son insistance à défendre ses parts de marché plutôt que les prix. En présentant le budget 2016, le ministère des Finances a précisé que le gouvernement allait «reconsidérer» les prix de l'électricité, de l'eau et des produits pétroliers, largement subventionnés, dans le cadre de mesures d'austérité pour faire face à la chute des revenus pétroliers. Peu après, à l'issue d'un Conseil des ministres présidé par le roi Salmane, les premières annonces sont tombées: 50% d'augmentation du prix de l'essence sans plomb 95, à 0,90 riyal (0,21 euro) le litre, et 67% pour l'essence 91, à 0,75 riyal (0,18 euro) le litre. Des hausses qui entrent en vigueur dès mardi. Emirats, Koweït et Bahreïn L'Arabie saoudite emboîte le pas aux Emirats arabes unis, devenus cette année la première des pétromonarchies du Golfe à libéraliser les prix du carburant. Parmi les autres monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le Koweït aussi a levé les subventions sur le diesel et le kérosène et envisage maintenant d'autres réductions pour l'électricité et l'essence. Et Bahreïn a suivi l'exemple lundi en annonçant une réduction des subventions sur le diesel et le kérosène à partir de janvier. Le marché de l'or noir est récemment tombé à ses plus bas niveaux depuis 2004 à Londres et 2009 à New York, avec les préoccupations sur la surabondance qui ont déprimé le marché pétrolier toute l'année. Lundi, les cours du pétrole se repliaient à l'ouverture à New York, le cours du baril de «light sweet crude» pour livraison en février perdait 89 cents à 37,21 dollars sur le New York Mercantile Exchange. Malgré la chute des cours du brut, le gouvernement saoudien a maintenu en 2015 un niveau élevé de dépenses, ce qui l'a amené à puiser dans ses réserves en devises, accumulées durant les années où le prix du pétrole était élevé. Cette année, les revenus ont atteint 608 mds de riyals (147,5 mds d'euros), bien en-dessous des projections pour cette année et des revenus de 2014, et les dépenses 975 mds de riyals (236,6 mds d'euros). Ce déficit de près de 90 mds d'euros marque un record dans l'histoire du royaume mais est moins élevé que prévu. Le Fonds monétaire international (FMI) tablait sur un déficit de plus de 110 mds d'euros. Sous l'effet des cours bas, la part des revenus pétroliers dans le budget a chuté à 73% en 2015, alors que les revenus non-pétroliers ont bondi de près de 30%. En 2016, les revenus de l'Arabie saoudite devraient être de 513,8 mds de riyals (124,8 mds d'euros), au plus bas depuis 2009, a indiqué le ministère des Finances qui prévoit un taux de croissance de 3,35%. Selon le ministère, les dépenses publiques devraient s'élever à 840 mds de riyals (204,1 mds d'euros) et incluent pour la première fois une enveloppe spéciale de 44,7 mds d'euros afin de soutenir le budget en cas de nouvelle baisse des revenus. Plus de 25% du budget 2016 sont par ailleurs consacrés aux dépenses militaires et de sécurité du royaume, de plus en plus engagé dans des conflits au Moyen-Orient, en premier lieu au Yémen voisin. Ryad entend par ailleurs augmenter les taxes sur les services, imposer de nouvelles taxes et finaliser les «dispositions nécessaires pour l'introduction d'une TVA», en coordination avec les autres monarchies du CCG. Parmi les autres réformes prévues, le ministère a annoncé un programme pour contenir l'augmentation des dépenses courantes, notamment les salaires et autres avantages et allocations qui ont avalé jusqu'à 109 milliards d'euros en 2015. Ces dernières années, le FMI a demandé avec insistance aux pétromonarchies du Golfe de réduire les subventions et de diversifier leurs économies. Faute de quoi, a-t-il averti, elles risquent d'épuiser leurs réserves en cinq ans. Le roi Salmane, qui a accédé au trône en janvier, a annoncé la semaine dernière avoir ordonné des réformes économiques pour diversifier les sources de revenus et réduire la dépendance vis-à-vis du pétrole.