Le président de l'Union syndicale des retraités au Maroc, Abdelali Benabdellah, considère que faute d'une véritable politique sociale, le retraité a toujours été délaissé, tout en pointant du doigt la mauvaise gestion des caisses de retraites. Ainsi, il plaide pour la mise en place d'une véritable démarche participative afin de trouver des solutions adéquates concernant la situation sociale des retraités. Al-Bayane : Vous venez de créer un syndicat des retraités, pourquoi une telle initiative ? Abdelali Benabdellah : En fait, les retraités constituent une couche sociale qui représente pratiquement trois millions de personnes. C'est à peu près 10% de la population marocaine. C'est une catégorie sociale qui a beaucoup de préoccupations. Elle a toujours été délaissée par le gouvernement faute d'une véritable politique sociale. Ainsi, l'Union marocaine du travail qui est une organisation de classe, qui s'est créée pour défendre l'intérêt de la classe ouvrière s'est vue dans la lignée de la défense des intérêts des retraites. Soulignons que lors du 10eme Congrès de l'UMT, l'une des résolutions principales qui a jailli de ce congrès, figure la réactivation de la structure syndicale qui est l'union syndicale des retraités au Maroc. Cette tâche a été confiée à une commission nationale pilotée par des responsables syndicaux qui ont déjà acquis une certaine expertise voire une expérience solide au sein de l'UMT. Pour atteindre un tel objectif, nous avons commencé à travailler depuis janvier 2011. Notre plan d'action a porté, en premier lieu, sur la révision de nos structures à tous les niveaux : local et national. Ensuite, nous avons eu des contacts avec les responsables des fédérations professionnelles pour mettre en place des sections locales et constituer par conséquent des comités régionales, ayant pour objectif d'organiser un Congrès national qui s'est tenu le 1er Octobre 2011.Sans aucun doute, le Congrès fut un succès. Plus de 800 congressistes y ont pris part représentant les différentes provinces du royaume, y compris des provinces du Sahara marocain. Le Congrès a été marqué aussi par la participation des responsables des caisses de retraites, les représentants des directeurs et quelques formations politiques, sans omettre certaine associations qui ont pour but la défense des retraités. Qu'en est-t-il de l'aspect organisationnel du syndicat ? S'agissant de l'aspect organisationnel, nous veillons à ce que toutes les décisions soient prises d'une manière démocratique. D'ailleurs, c'est une chose qui n'est pas étrangère à l'UMT. Notre syndicat se compose de plusieurs sections. Il y a le Conseil national qui représente l'ensemble des professions : public, semi-public et privé. A cela s'ajoute les représentants des communes locales. Et puis, il y a le bureau national qui se compose d'une centaine de représentants, et le comité exécutif qui comprend 13 membres : le président, trois vice-présidents, un secrétaire général et son adjoint et les autres membres du bureau qui sont chargés de mission. Quel diagnostic faites-vous de la situation du retraité au Maroc ? Malheureusement au Maroc, il n'y a pas au niveau de l'Etat une politique qui s'occupe de la troisième génération. Autrement dit, nous l'avons pas ressentie en tant que retraités, en tant que personnes âgées. Je parle au nom des 80% des retraités qui ne perçoivent même pas le Smig. Pis !nous avons des veuves qui survivent avec 200DH comme pension. Nous avons, en outre, des retraités qui survivent avec 600 DH de pension. C'est très injuste. Lors du dialogue social, l'UMT a défendu les retraités pour ramener les 600 DH comme pension à 1000DH. Cela constitue un pas en avant, mais demeure en deçà des préoccupations des retraités. Notre objectif est de défendre une pension au moins à hauteur de 2000DH. Pour l'heure, et faute d'interlocuteur, nous attendons l'installation du prochain gouvernement pour débattre une telle revendication. Sachant que nous avons déjà adressé un mémorandum à la primature contenant quelques revendications. Malheureusement, nous n'avons pas eu de réponses. Le congrès a aussi mandaté une commission pour mettre à jour ce mémorandum et le présenter de nouveau a la présidence du gouvernement et les différentes directions des caisses de retraites. Et la vie quotidienne des retraités ? Le retraité vit l'isolement, l'inquiétude, l'incertitude, la misère vu la montée en hausse des prix et leurs impacts sur le pouvoir d'achat. Le retraité bien qu'il a paye ses impôts pendant son activité, il demeure toujours assujetti à l'impôt sur le peu de pension qu'il touche à la fin du mois. A votre avis Cela est dû à quoi ? Sans aucun doute à la mauvaise gestion des caisses. Prenons le cas de la CMR qui se trouve au bord du gouffre. Pourquoi cette dernière n'a pas rempli ses engagements durant plusieurs années. Et le mal c'est qu'on a favorisé des départs négociés. Ce qui a creusé encore le fossé. Après, on n'a pas trouvé de mieux que d'augmenter les cotisations et l'âge de retraite. Ces décisions sont prises à la hâte sans la moindre vision stratégique dotée de clairvoyance. Grosso modo, l'argent du retraité a été dilapidé, mal géré, investi dans des projets sans aucune réelle valeur ajoutée : terrains de golf, hôtels de haut standing. Et tout cela se passe à l'insu de l'acteur principal qui est en l'occurrence le retraité. Je souligne que l'une de nos revendications, c'est que les l'union syndicale des retraités soit représentée en tant que membre à part entier dans les Conseils d'administration des caisses. C'est notre droit. Quelles sont en fait vos revendications ? Un retraité qui vient s'installer au Maroc n'est imposé qu'à 20% de sa pension alors que le retraité marocain est imposé à 60%. Nous voulons que nous soyons exonérés sur la totalité de la pension. Nous exigeons en outre la généralisation de la dernière augmentation. Les 600 DH devraient être généralisés à toutes les pensions. Il n'y a pas de raison pour que nous soyons écartés, alors que le pouvoir d'achat augmente pour tout le monde. Une autre revendication qui nous tient a cœur, celle qui concerne la veuve. Vous savez qu'une femme quand elle perd son mari, la pension est réduite à 50%. Nous demandons que la pension reste la même pour la veuve. Il faut rétablir cette injustice. Une autre revendication pour les gens qui n'ont pas atteints les 3240 jours. Nous sommes favorables à ce que le Conseil d'administration de la CNSS révise cette question et paie les gens au prorata en fonction des jours travaillés. On demande aussi l'amendement des articles qui interdisent les augmentions concernant la caisse marocaine de retraites. On exige aussi qu'il y ait un décret ministériel qui généralise les représentativités des syndicats des retraités au sein du Conseil d'administration. Notre dossier revendicatif porte en plus sur la gratuité pour des frais de la couverture médicale et sociale. Qui plus est, on voudrait qu'il y ait des facilités en matière de transport, la mise en place des structures de réintégration : espaces verts, maisons de culture et de repos. Bref, nous nous attachons fermement à la consécration du principe de l'égalité en matière des droits de l'homme conformément à l'esprit de la nouvelle Constitution et la philosophie de la solidarité intergénérationnelle. Nous voulons juste une vie digne. Il faut que notre pays soit reconnaissant à ses enfants. Vous avez critiqué la mauvaise gestion de retraites, mais, la CIMR est une caisse qui se porte très bien, partagez-vous cet avis ? Evidemment oui. C'est une caisse viable jusqu'à 2067. D'ailleurs, c'est la direction qui le confirme. Lors d'une réunion avec le directeur général de la dite caisse, nous lui avons proposé de répartir les sept années. En fait, la CIMR paie par points. . Chaque point coute 11 DH. Cette valeur na pas bougé depuis 2003. Sachant que la CIMR s'est désengagée concernant plusieurs acquis, notamment au niveau des allocations familiales, et au niveau de la valorisation des points. En 2011, la CIMR a procédé à une augmentation de 0,70, c'est-à-dire même pas un point. C'était vraiment une insulte pour les retraités. Nous voulons que cette révision soit conséquente et qu'elle suit l'échelle mobile. Estimez-vous que la fameuse étude du cabinet actuariat va contribuer à résoudre la problématique des caisses de retraites ? L'étude établie par le cabinet actuariat n'a de sens que son appellation. Car en fin de compte, il ne s'agit nullement d'une véritable étude, étant donné que celle-ci n'est juste qu'une complication de quelques études nationales contenant des propositions que n'importe citoyen lambda peut reformuler, telle l'augmentation de la part des cotisations de l'âge de retraites. En fait, le bureau n'a rien conclu et il a touché des millions et des millions. Et c'est encore l'argent des retraités. C'est une malversation de l'argent des caisses des retraites. Quand les autorités ont le courage de dire voila le problème c'est là qu'on va arriver à élaborer de véritables scénarios pour trouver des solutions. Je souligne que le camarade Moukharik s'est engagé à ce que notre structure soit représentée dans la Commission nationale de la réforme des retraites. Nous plaidons pour une approche participative voire démocratique pour l'élaboration de toute solution. En d'autres termes, nous voulons être considérés en tant que partenaires dans la gestion de ce dossier. Quelle seront vos actions dans l'avenir ? Notre priorité porte pour l'heure sur le renforcement de notre capacité organisationnelle au niveau national et occuper toutes les régions, du nord au sud pour avoir des structures locales et régionales bien implantées et fortes. C'est le pilier de notre union. La bataille vient de commencer. Un travail de sape en profondeur de terrain nous attend. L'action syndicale est une action collective et de militantisme qui requiert la mobilisation de tout le monde. Nous sommes ici pour défendre les intérêts des gens démunis et non pas pour faire de la politique politicienne. Nous voulons que nous soyons écoutés et que les gens responsables nous écoutent activement, comprennent notre problème et essayent de trouver une solution. Le message est destiné à tous les gens qui sont au gouvernail. Et toute solution prise en dehors des retraités sera une décision boiteuse vide de sens.