La fédération nationale de la santé affiliée au syndicat de l'Union Marocaine du Travail appelle à un débrayage de 2 jours (14 et 15 mars 2012) dans le secteur de la santé. Une grève qui est destinée à remettre sur le tapis, certaines doléances, c'est du moins ce qu'avancent des syndicalistes de la fédération National de la santé (UMT). En réalité le problème est ailleurs. Les raisons de la colère On se souvient tous de la signature par l'ancien gouvernement de Abbas El Fassi et de quatre centrales syndicales d'un accord d'un montant de 672 millions de DH (MDH) relatif à l'amélioration des conditions du personnel du secteur de la santé. Cet accord, dont la cérémonie de signature avait été présidée par le Premier ministre Abbas El Fassi, signé, côté gouvernement par les ex-ministres de la Santé, Yasmina Baddou, de l'Economie et des Finances, Salaheddine Mezouar, celui chargé de la modernisation des secteurs publics, Mohamed Saâd Alami, et côté syndicats, par la Confédération Démocratique du Travail (CDT), la Fédération Démocratique du Travail (FDT), l'Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM) et l'Union Nationale du Travail au Maroc (UNTM). La fédération Nationale de la santé (UMT) n'a jamais gobé ce protocole, le jugeant inadapté, incomplet, injuste et donc irrecevable. La fédération avait estimé en son temps que les revendications des professionnels de santé ont été amputées et que ce que proposait l'ancien gouvernement ne représentait nullement les doléances légitimes des différentes catégories d'agents du secteur public de la santé. Il s'agit entre autre des médecins, des chirurgiens, des réanimateurs, des anesthésistes, des radiologues, mais aussi des infirmières, des infirmiers, des sages-femmes, des techniciens de laboratoires … Des revendications légitimes Les responsables du syndicat UMT ne comprennent pas le peu de cas qui est fait au sujet de tous ces professionnels qui sont pourtant mobilisés 24H/24H, de jour comme de nuit, les week-ends et les jours fériés pour soigner, soulager, réconforter les malades. Et d'ajouter que ces mêmes professionnels de la santé travaillent souvent dans des conditions difficiles, au moment où ils ne sont pas reconnus dans la noblesse du travail qu'ils accomplissent, ils se sentent sous-payés par rapport aux autres départements (finance, justice, enseignement ….) qui bénéficient d'avantages, d'indemnités, de primes de rendement et de responsabilité, mais aussi qui ont d'autres avantages tels des prêts logements, l'acquisition de terrain, des sites de vacances pour eux et leurs enfants, des œuvres sociales, des crèches, des espaces pour la pratique sportive… Vu sous cet angle, on peut comprendre aisément ce qui anime la fédération Nationale de la santé (UMT), mais il faut reconnaître que le timing de ce débrayage prête à confusion, cette grève n'est nullement justifiée, elle prête à confusion et pose des questions sur le pourquoi de cette grève ? En effet comment concevoir que l'on fasse grève au moment où l'ensemble des revendications des professionnels de santé (médecins – infirmiers – administratifs …) ont été au centre des travaux du Conseil de gouvernement le 8 Mars 2012 à Rabat, des projets qui ont été approuvés. Gain de cause satisfaisant, mais … En effet, on ne peut que se réjouir de constater que sept des dix projets de décret inscrits à l'ordre du jour de ce conseil de gouvernement ont tous reçu l'aval des membres du gouvernement de Abdelillah Benkirane, ce qui est très appréciable et annonciateur du sérieux, de la promptitude et de la célérité avec laquelle ce nouveau gouvernement traite les affaires qui concernent les revendications légitimes des fonctionnaires de l'Etat. C'est un point important qu'il convient de souligner, tout en mettant en exergue le rôle et l'implication personnel du ministre de la Santé qui a fait de ce dossier une de ses priorités. Parmi ces décrets, il y a lieu de citer 1 / Celui relatif à la protection et l'indemnisation de certaines catégories des fonctionnaires du ministère contre les risques professionnels. 2 / Celui du statut particulier du corps interministériel des médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes 3 / Celui relatif à l'indemnité de surveillance et l'indemnité pour les services obligatoires effectués par certains fonctionnaires du ministère de la santé et employés des centres hospitaliers 4 / Le décret instituant une prime de responsabilité en faveur de certains fonctionnaires du ministère deb la santé 5 / Le statut particulier du corps des infirmiers relevant du ministère de la Santé, 6 / Le statut relatif à la situation des médecins externes, internes et résidents des CHU 7 / Le décret concernant l'octroi d'un salaire complémentaire aux enseignants-chercheurs exerçant dans les facultés de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire. Suite à l'approbation de ces sept décrets concernant le secteur de la santé, les infirmiers et les assistants médicaux bénéficieront d'une indemnité mensuelle de 400 DH pour risque professionnel alors que les catégories classées à l'échelle 10 et plus auront droit à 250 DH. Pour ceux classés à l'échelle 6, 7, 8 et 9, ils verront leur salaire augmenter de 200 DH tandis que ceux classés à l'échelle 5, il leur sera accordé un 150 DH dont bénéficieront également les techniciens, les ingénieurs et les administratifs. Toutes ces indemnités s'appliquent avec effet rétroactif à partir du premier juillet 2011. Aux termes de ces décrets, les médecins internes auront, eux, droit à une indemnité de 500 DH tandis que d'autres catégories bénéficieront de 600 DH. Par ailleurs, l'indemnité sur la garde et la sécurité sera aussi augmentée de 50%. A rappeler que toutes ces indemnités faisaient partie de l'accord du 5 juillet 2011 signé par les syndicats les plus représentatifs du secteur et le ministère de la Santé. On peut donc légitimement au regard de tout ce que nous venons de voir et d'énumérer comme acquis dont vont bénéficier les agents du secteur public de la santé de se poser pourquoi donc cette grève ? Les principaux reproches de la fédération nationale de la santé (UMT) La fédération nationale de la santé (UMT) n'a pas apprécié la manière dont se sont déroulé les choses, ni la précipitation avec laquelle ont été conclu les accords du 5 juillet 2011 signé par les syndicats les plus représentatifs du secteur et le ministère de la Santé du temps de Mme Yassmina Badou à l'exception de la FNS (UMT) et du syndicat indépendant des médecins qui ont refusé de participé jugeant ces accords comme étant insuffisant , ne répondant pas aux attentes des professionnels de la santé. La suite on la connaît : les grèves qui se sont succédé, les médecins internes qui se sont fait tabassés, les sit-in organisés devant le ministère de la santé. Avec la nomination du nouveau ministre de la santé, qui rappelons-le se retrouve du jour au lendemain héritier d'une situation complexe caractérisée par des problèmes divers dont celui des revendications des agents du secteur. La FNSUMT essaie de renégocier certaines clauses, elle fait du pressing, organise une première grève les 1er et 2 Février 2012 avec sit-in devant le ministère de la santé. Le Pr Houcine Louardi en homme responsable a reçu les représentants du syndicat, il les a longuement écouté et a promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour remédier à cette situation. Le résultat ne c'est pas fait attendre, le ministre de la Santé a présenté les projets de décrets relatifs a l'amélioration des conditions des professionnels de santé toutes catégories confondues. Ces projets ont quasiment tous été adoptés par le gouvernement. Les choses se présentent très bien, la procédure suit son cours normale, les professionnels de la santé ont eu gain de cause. La FNSUMT demande une harmonisation concernant les indemnités de surveillance, les indemnités pour risques professionnels, les indemnités de garde et les primes de responsabilité. En outre et concernant la fondation Hassan II des œuvres sociales des fonctionnaires et agent du ministère de la santé la FNSUMT insiste pour que 2% du budget du ministère soit versé annuellement à cette fondation. Du Bien fondé de la grève Comme on le voit, il est très difficile de dire en toute honnêteté que cette grève est justifiée. Ces deux points auraient pu être discutés dans un climat serein entre les représentants du syndicat et ceux du ministère sans que l'on soit obligé d'en arriver là. Nous voici donc face à une grève qui aura peu de visibilité, dont le message complexe et pointu aura grand mal à passer, qui ne sera pas ou mal relayée dans les médias qui suivent comme il se doit tout ce dossier depuis le début, une grève qui n'a pour ainsi aucune chance de provoquer autre chose auprès du grand public qu'incompréhension, agacement et ressentiment, qui va donc contribuer à brouiller l'image des professionnels de la santé, une grève qui n'a que peu de chance de placer les syndicats en position de force vis-à-vis du ministère. Et puis il y a les malades, ceux qui souffrent et auxquels on ne pense pas, comment vont-il interpréter ce débrayage surtout que les revendications ne pèsent pas lourds Personnellement je souhaiterais que quelqu'un m'explique l'intérêt d'une telle grève ? Je pense pour ce qui me concerne qu'il y a de bonnes grèves et de mauvaises grèves, et que la qualité et la portée des revendications des bonnes grèves seraient décuplées par la disparition des mauvaises. Trop de grève tue la grève. C'est un mode d'expression intéressant, un outil qui peut être efficace si on l'utilise avec parcimonie et à-propos. Une grève est un message, il faut bien réfléchir à sa formulation, à son contenu, se poser la question du destinataire, observer la qualité du contexte, chercher à savoir quelles sont les chances de se faire entendre. Tout message mal porté contribue à brouiller le discours de l'émetteur. Autrement dit la pertinence d'une grève doit se mesurer à l'impact qu'elle peut avoir, négatif et positif finement soupesés, aux conséquences potentielles eu égard à des objectifs clairement établis. Mes amis de la FNSUMT me comprendront très bien, ils savent mieux que quiconque que leurs revendications quand elles sont justifiées nous les faisons nôtres, nous les défendons et nous n'avons jamais hésité à le dire haut et fort conformément aux missions qui sont les nôtres car nous estimons qu'une grève dont le bienfondé est démontré mérite d'être soutenue. A l'inverse, nous ne pouvons adhérer à des grèves à répétition, surtout dans un secteur aussi sensible que celui de la santé où ces débrayages peuvent coûter la vie à de pauvres citoyens. C'est trop facile de faire grève, de mettre à mal la majorité de notre population en particulier les malades et leurs familles qui se retrouvent pris en otage au moment ou ils ont besoin de soins, d'être hospitalisés, de faire tel ou tel examen, radiographie, de bénéficier d'une consultation spécialisée. Tous ces malades qui supportent de longs trajets, une fois à l'hôpital trouvent ces établissements vides, leur rendez-vous annulés. Malade comme ils sont, ils doivent prendre leur mal en patience. Mais humainement est-ce acceptable ? Tout cela est fort regrettable, désolant, pénible surtout ces grèves se substituent à toute négociation normale.