L'exposition «Etincelles III» raccourcit en dix jours (7 au 17 mai) le spatiotemporel d'arts traditionnels marocains et islamiques de dix siècles (Xe au XXe) tout en mettant sous le feu des projecteurs, à travers 999 œuvres uniques pour une grande partie et irremplaçables ayant résisté à l'usure du temps, une richesse de ce legs culturel immémorial. Cette invite au voyage initiatique temporel fait rejaillir du fin fonds de l'histoire, telles des étincelles, cet héritage collectif révélant, pour la première fois, des inaccoutumés chefs-d'œuvre afin de les rendre accessibles à tous, connaisseurs, amoureux, profanes ou simples curieux, des objets rarissimes et surtout d'interpeler et de sensibiliser le plus largement possible sur ce patrimoine. L'objectif principal de cette exposition, produit de la collection particulière de Abderrahmane Choukri assemblée au fil des achats et des pérégrinations de 50 ans, est d'inciter les générations montantes à prendre conscience de l'importance et la diversité de leur patrimoine et de la nécessité de sa sauvegarde. Cet étalage où s'allument les étincelles crépitant, jetant tout autour des flots de lumière dans une semi obscurité enveloppante, d'éclairage et de témoignages sur cette richesse, et ravivant des lueurs de souvenirs sur ce florissant et ancestral passé, dévoile une multitude d'expressions, différentes facettes déclinées en une sorte d'expositions dans l'exposition avec seul leitmotiv «l'art de faire partager». L'espace visuel se nourrit, le temps de l'exposition dans l'écrin de la galerie Eldon et Choukri à Casablanca, en scrutant ces objets afin d'assouvir cette quête ininterrompue de l'histoire du pays, au carrefour des civilisations, et de l'identité de cette transmission du foisonnant brassage culturel au fil des siècles, et de transporter l'imagination dans une autre temporalité, autres époques. Ce panachage étant souvent conséquence de conquêtes, une épée ayant servi lors de la Bataille d'oued Al Makhazen (des Trois Rois) en 1578 trône dans une vitrine au beau milieu de bijoux comme jouant le rôle de garde. La lame de cette arme, dont la poignée a été «retravaillée selon le style dit de Meknès» et estampillée du blason de l'ordre de chevalerie de l'écharpe (Banda) institué par le Roi de Castille (Espagne), témoigne encore de cette épopée, explique avec grande modestie tout en s'effaçant devant ce chef-d'œuvre Abderrahim Choukri, antiquaire. Les différentes facettes de ce pétillant trésor s'exhibent en une succession de strates de l'histoire, des patrimoines marocain et islamique, révèle ce passionné qui s'est inoculé ce virus, tout comme sa famille, depuis plus de cinq décennies. Pièces par pièces, il assembla une collection de 2.800 objets d'arts dont 1.800 de céramiques. Des œuvres acquises le long de ces nombreuses pérégrinations. Mais à chaque fois qu'un objet d'origine marocaine lui échappait 'faute de moyens financiers'', c'est un 'grand pincement au cœur'', conte avec un brin de regret ce collectionneur assoiffé et initiateur de cette manifestation à but non lucratif. La cape (Selham) de soie brodée d'or et perles de corail offerte par le Sultan Moulay Abdelaziz au Prince Corsini (Florence) en 1905, que Choukri a acquises à Londres, l'aigle bicéphale (XVe siècle), une survivance de l'art Andalous, des éléments de parure (Xe), une grande jarre mérinide, la ceinture de soie nasride (XVe), les céramiques inédites figurant papillons et escargots (XVIe), l'armure provenant de l'Arsenal Impérial de Hagia Irene (empire Ottoman XVIe) sont ainsi agencés dans 'un but de sauvegarde, conservation et partage du passé collectif mais aussi de transmission de l'amour, de la fierté de notre identité et de notre culture''. Le coffre du XVe siècle, des tapis du Haut-Atlas, un ensemble de caftans en soie brochés d'or de Tétouan et Fès, de photos du XIXe siècle, des broderies d'un peu partout du Maroc (Tétouan, Azemmour, Rabat, Salé et Meknès) dont les plus anciennes remontent au XVIe siècle, la paire de porte Coran de Don Rafael Contreras Y Munoz, les tissages du Nord Est du pays, des poignards Moghols en jade, or, émeraude et rubis du XVIIIe siècle, des manuscrits de calligraphie et de Noubas et autres armes dont un tromblon à silex Ottoman, boiseries, céramiques, dinanderie et orfèvrerie rendent, à travers cette manifestation, hommage à la richesse et la beauté de ce patrimoine. La Saga des «Etincelles», après celles de 1997 et 2001, n'est pas prête pour s'arrêter en si bon chemin. Loin de là. Une quatrième, plus spécialisée, mijote déjà dans la tête de la famille Choukri et sera probablement consacrée à la numismatique ou bibliophilie, laisse entrevoir ce président fondateur dans les années 80 de l'Association Nationale des Antiquaires et Brocanteurs.