Le Maroc , carrefour de civilisations de par sa situation géographique et bordé par deux mers est baigné par diverses et différentes cultures et plus particulièrement au niveau musical avec un genre spécifique dans la région du Maghreb dès la fin de la «conquista» du sud de l'Espagne pour offrir une nouvelle terre d'accueil et d'enracinement au style arabo-andalou. C'est donc dès le début du 17e siècle que la musique arabo-andalouse et connaît son rayonnement avec l'événement des Alaouites en 1660. Trois écoles existent au Maroc en musique arabo-andalouse : Fès, Tétouan et Rabat-Salé. Et au sommet de cet art lyrique, le nom du grand maâlem Mohamed Ben-Abdeslam Al Brihi (1860-1945) fait autorité pour avoir été le précurseur de toutes les recherches, innovations et autres richesses de ce patrimoine, depuis, légué à une autre figure légendaire du tarab el-Andalousi, feu Haj Abdelkrim Raïss, dépositaire de ce chant merveilleux qui fait entrer en transes tous les Marocains et toutes les Marocaines. Dès 1925, Abdelkrim Raïss fit la connaissance du grand maâlem de la musique andalouse. Il devint rapidement son disciple et bientôt son beau-frère puisque le maestro épousa une sœur de Abdekrim Raïss. Il perfectionna donc son éducation musicale auprès du maître incontesté d'Al-Ala et assura la relève après la disparition de son mentor (1945). Feu Haj Abdelkrim Raïss consacra toute sa vie à la musique arabo-andalouse en enrichissant le patrimoine d'Al-Ala avec l'introduction de nouveaux instruments orientaux comme le nây (flûte) et le qânun (Cithare ) tout en refusant d'en intégrer d'autres jugés tempérés. Considéré, à juste titre, comme le meilleur instrumentiste du Rebab, il est encore aujourd'hui inégalé dans sa virtuosité. Outre ses activités musicales diverses et la direction du conservatoire de musique de Fès, on doit à Abdekrim Raïss la publication de deux ouvrages de référence qui font toujours autorité : l'un publié en 1982 et l'autre en 1985. Une rencontre éblouissante Feu Haj Abdelkrim Raïss était très demandé pour animer des soirées musicales dans le cadre du privé, et c'est à ce titre que je l'ai personnellement découvert chez un parent, feu Docteur Si Mohamed Chami, grand militant et féru de la musique andalouse et qui fit de sa demeure un lieu de rencontres à tous les mélomanes d'Al-Ala. Tout un chacun guettait ces soirées chez le regretté nationaliste Dr Si Mohamed Chami pour vivre des moments inoubliables de bonheur et d'extase car aucune musique comme Al-Ala ne vous transporte aussi loin, dans un autre univers, celui de détachement et de l'élévation de l'âme jusqu'à l'apothéose. Il suffit de regarder l'auditoire d'Al-Ala pour voir que les visages sont transfigurés par la grâce et ce n'est pas sans raison que l'on évoque cette musique comme un remède thérapeutique. D'aucuns vont plus loin et soutiennent qu'elle relève de la biologie, dans le sens où ses 24 noubas correspondent aux 24 heures rythmant le jour et la nuit pour expliquer nos états d'âme ou humeurs. Il faut dont rendre un hommage appuyé à Haj Abdelkrim Raïss pour tout ce qu'il a donné à Al-Ala qui berce nos vies et nous transporte dans un monde magique pour sortir et échapper au train – train d'un quotidien dur, pénible et sans enchantement.. *** Télévision Twahachnak, un régal de nostalgie C'est avec plaisir que les téléspectateurs retrouvent, tous les samedis, l'émission «Twahachnak», préparée par Said Imam et qui permet de revisiter notre histoire artistique, en se plongeant dans une nostalgie fort bienvenue. En effet, cette émission retrace les carrières de chanteurs, acteurs et d'autres artistes qui ont marqué leur temps et dont la mémoire garde un souvenir indélébile. Les téléspectateurs ont retrouvé avec délectation l'inoubliable Aziza Jalal, le grand Brahim Alami, le regretté Mohamed Hayani, l'irremplaçable Mohamed Rouicha, l'ambassadrice de l'art et des bonnes causes, l'intellectuelle Rajae Benlamlih mais aussi des figures du théâtre, du cinéma et d'autres expressions artistiques. C'est ainsi que l'on a eu l'occasion de retrouver Ahmed Tayeb Laâlaj qui a brillé tout le long de sa carrière artistique aussi bien au niveau de l'écriture et de l'adaptation de pièces théâtrales que de l'écriture de textes de chansons aussi immortelles qu'inoubliables telles «Mana illa bachar», considérée à juste titre comme l'un des tubes les plus glorieux du répertoire de la chanson marocaine. Cerise sur le gâteau de cette plongée dans la réminiscence du patrimoine de la chanson marocaine, la voix mélodieuse de la chanteuse et actrice Ghita Ben Abdeslam (fille du grand compositeur Mohamed Benabdeslam) toujours aussi captivante et envoutante. Les téléspectateurs ont eu le plaisir de retrouver, également, le regretté Mohamed Majd qui a marqué aussi bien le Grand écran que le petit de par des prestations époustouflantes qui lui ont valu des distinctions de grande valeur. «Twahachnak», hormis le fait qu'elle lève le voile sur un pan de notre histoire artistique, offre aux jeunes qui ne connaissent pas le répertoire de la chanson marocaine l'occasion de faire la connaissance et découvrir les grands succès et les grands noms qui ont marqué notre vie artistique qui remonte à plusieurs décennies. L'émission intègre aussi des témoignages de connaisseurs et de chercheurs qui donnent plus de consistance au contenu. Nos jeunes, eux, penchent plus vers tout ce qui est khaliji et libanais, s'éloignant de plus en plus de leur propre histoire artistique qui est pourtant beaucoup plus riche et plus profonde. «Twahachnak» leur donne, en effet, l'opportunité de connaître cette histoire. Aussi, l'on se doit de saluer l'apport précieux du service des archives de 2M qui a puisé et dépoussiéré des chansons et des séquences de pièces théâtrales que l'on croyait disparues à jamais. Cette émission doit son succès à son concepteur Said Imam, auteur-compositeur et homme de médias qui n'est pas à sa première expérience à 2M où il a participé à la naissance de plusieurs émissions artistiques qui ont toutes connu un grand succès.