Le Parti du progrès et du socialisme (PPS) a organisé jeudi à Casablanca un colloque fructueux en hommage à l'esprit et au parcours militant du leader Ali Yata, avec la participation de plusieurs dirigeants du parti et de personnalités du monde de la politique, de la presse et de la culture ayant connu et côtoyé le défunt pour témoigner de ses exploits. La manifestation ne constitue pas une fin en soi pour se décerner un satisfecit ou une occasion de présenter des oraisons funèbres. Loin s'en faut. La rencontre a offert aux participants l'opportunité de revisiter et repenser le patrimoine de Si Ali, dont le nom est évoqué avec beaucoup de considération et de reconnaissance dans la mémoire collective du peuple marocain. Il a été aussi question de tirer de ce patrimoine les enseignements nécessaires pouvant servir à réaliser les aspirations populaires à davantage de progrès, de démocratie, d'égalité, de justice sociale et de modernité. Feu Ali Yata n'était pas un responsable politique ordinaire. Il était le leader, le fondateur, l'homme des positions et la personnalité charismatique dont se souviennent aujourd'hui ceux qui l'ont connu. Il était pour nous, à Al Bayane, le fondateur, le directeur, le premier responsable de cette maison nationale progressiste qui lui a permis de diffuser idées, valeurs, positions et tout ce qui a trait au projet sociétal qu'il défendait. Certains d'entre nous se rappellent plein d'histoires vécues avec le défunt à la Gironde, faits divers et scènes qu'ils continuent de se raconter tout en soulignant avec fierté avoir participé à son œuvre malgré les difficultés, les contraintes et les moyens limités. Ali Yata n'était pas seulement le directeur et le propriétaire, mais également l'acteur qui participe à la confection et à la préparation du produit. Il était l'écrivain et l'homme de plume et de caractère pour prendre position sur telle ou telle question, un brillant journaliste très attentif et intelligent dans ses lectures de l'actualité et ses visions pour l'avenir. L'écrit journalistique et l'action politique de Si Ali pivotaient autour du réel et du vécu des gens tout en étant ouverts sur les perspectives du progrès et de l'aspiration à une vie meilleure, éléments qui distinguent son école politique et journalistique des autres expériences. Au départ de son histoire, il a y a 70 ans, Si Ali avait très vite saisi l'importance stratégique de renforcer la présence et l'efficacité des militants marocains à l'intérieur du Parti communiste marocain (PCM). Ce faisant, il avait réussi à faire connaitre le parti et les idéaux socialistes dans les milieux des ouvriers, des agriculteurs, des étudiants et des intellectuels, malgré les circonstances difficiles de l'époque. Dès cette époque, Ali Yata avait entrepris l'œuvre de renforcer l'enracinement du parti dans sa terre natale en défendant avec acharnement «le contenu progressiste du patrimoine arabo-islamique...» et en procédant de manière dialectique à «la marocanisation» du PCM, défi pour lequel il a dû faire face à l'incompréhension idéologique des uns et des autres et en particulier de la part du mouvement communiste international aussi bien en Europe qu'en ex-Union soviétique, ce qui lui a permis de relancer aisément son parti et de réaliser ce que son grand compagnon de lutte, le défunt Abdeslam Bourquia appelait «l'intégration politique et l'intégration culturelle» et ce au moment de la dislocation expériences semblables dans la région arabe. C'est là où se manifeste la grandeur d'Ali Yata, un stratège qui a lancé le concept de «la révolution nationale démocratique» dans le cadre de l'intégration politique du parti. La commémoration du 70e anniversaire offre aussi l'occasion de rendre hommage à Si Ali pour son action au profit de l'amazighité et de la promotion des droits linguistiques et culturels de notre peuple ainsi que pour la reconnaissance de la participation des Juifs marocains dans les luttes du parti et le renforcement de ses structures. C'est l'occasion aussi de lui exprimer toute la considération requise pour son action au profit du lancement du mouvement démocratique des femmes, la célébration de la journée mondiale de la femme et l'appel à l'égalité homme-femme. L'école politique et militante d'Ali Yata se distingue ainsi par le fait qu'elle est au service de la nation tout entière et ses enseignements sont toujours d'actualité. Ali Yata, le grand visionnaire défendait avec audace ses prises de position comme il l'a toujours fait au sujet de l'intégrité territoriale du pays, de la lutte démocratique, de la promotion de l'Etat des institutions et du pluralisme politique. C'est aussi avec courage qu'il avait pris position contre l'invasion du Koweït par l'Irak de Saddam Hussein et contre la guerre du Golfe. Tous les observateurs s'accordent à dire qu'il était pionnier en la matière. Ali Yata et son parti défendaient aussi avec acharnement l'unité syndicale des travailleurs et l'unité des forces progressistes et nationales dans leur lutte pour «l'alternance nationale démocratique». Ali Yata se distinguait non seulement par ses postions mais également par son style. Au sein du parlement, il était connu par la force de sa langue arabe qu'il maîtrisait parfaitement dans ses interventions, ses références aux textes religieux, ses plaisanteries et la particularité des exemples qu'il donnait, outre ses ripostes spontanées à tout agissement autour de lui qu'il commente dans ses discours. Le nom d'Ali est resté lié à ses éditoriaux publiés dans tous les journaux qu'il avait fondés et dirigeait, dont la présente publication qui rappelle à nombre d'entre nous un itinéraire fort éloquent et impressionnant. C'est pour rendre hommage à la longue lutte d'Ali Yata et au riche patrimoine qu'il a légué à son parti et à la nation toute entière qu'il a été décidé de lui consacrer le colloque de jeudi à Casablanca, dans le cadre du 70ème anniversaire de la création du parti pour en tirer les leçons requises et élaborer les instruments nécessaires pour affronter l'avenir et poursuivre l'œuvre de développement du pays et le combat pour la démocratie et le progrès. Qu'ils reposent tous en paix ces pionniers et ces fondateurs...