Le quotidien espagnol Publico, d'une diffusion moyenne de plus de 100.000 exemplaires, a mis fin, vendredi dernier, à son aventure en décidant de boucler définitivement et se retirer du marché faute d'investisseurs et d'un nouveau support financier. Cette décision était prévue comme étant la plus douloureuse des options à prendre. Déjà, le 3 janvier dernier, Mediapubli, l'entreprise éditrice, avait présenté à la justice compétente à Barcelone une sollicitude de déclaration volontaire de cession du journal à tout éventuel acquéreur. L'intensification de la crise publicitaire, la profonde transformation dont souffre la presse écrite et les difficultés d'accéder à de nouvelles sources de financement ont obligé l'entreprise à soumettre en vente ses actions pour sauvegarder de la meilleure manière possible les intérêts de toutes les parties affectées. C'est le résumé d'un communiqué de presse diffusé par Mediapubli pour signer l'acte de mort de Publico. L'édition électronique s'est maintenue. Faute de nouvel investisseur, les travailleurs ont décidé, lors d'une assemblée générale, vendredi dernier, de cesser la publication définitivement de leur journal. C'est la fin d'un grand quotidien qui a toujours voulu être différent des autres journaux d'audience nationale. Il voulait rompre l'hégémonie de la presse conservatrice et être une alternative au journal El Pais. Pourtant, il ne manquait pas de lecteurs. Son site web Public.es est visité quotidiennement par plus de 5,5 millions d'internautes, selon l'Office de Justification de Diffusion (OJD). Le cas de Publico n'est pas inédit dans le paysage médiatique en Espagne. D'autres grands journaux ont connu le même sort, les 12 derniers mois. Le cas le plus récent est celui du journal de distribution gratuite, ADN, qui avait, selon l'OJD jusqu'à novembre dernier, une diffusion quotidienne moyenne de 509.646 exemplaires. Le quotidien catalan AVUI devait remercier 51 professionnels alors que le grand quotidien régional Voz de Galicia a dû recourir à la réduction de 3% des salaires de ses travailleurs. Il s'agit, pour la Fédération des Associations de la Presse d'Espagne (FAPE) d'une « autre année noire » pour le journalisme, « une année historique quant à la destruction d'emploi dans le secteur des mass médias ». En réalité, au moins 4.841 postes d'emploi ont été perdus dans le secteur depuis 2008, selon les données de l'Observatoire de la Crise de la FAPE. Au total, les médias espagnols ont perdu, durant 2011, 1.677 emplois, un chiffre qui est cinq fois supérieur à celui enregistré en 2010, année où 350 professionnels avaient renforcé les rangs des chômeurs en Espagne. Le principal coupable de cette hécatombe est la baisse des recettes publicitaires dans l'ensemble du secteur. L'Association des Editeurs des Journaux d'Espagne (AEDE) parle d'une chute accumulée de 42,9% depuis 2007. En 2012, les recettes publicitaires devraient baisser de 4%, selon une agence spécialisée d'études de médias, Zenith Vigia. Toutefois, la FAPE invite à prendre avec énormément de préoccupation l'état de dégradation dont souffre le secteur puisqu'au moins 1.000 postes d'emploi pourraient disparaitre au cours du premier trimestre de l'année en cours. Elle s'appuie dans ce pessimiste diagnostic sur des données apportées par des entreprises de presse. C'est le cas du géant multimédia, le groupe Prisa (propriétaire d'El Pais, As, Cinco Dias et Radio Ser) qui a appliqué un plan de restructuration qui va concerner le licenciement de 258 salariés de Prisa Radio et 190 autres de Prisa TV. Au moins 700 licenciements vont toucher aussi les contractuels du groupe. La vague des Télévisions Numériques Terrestres (/TNT) a eu peu de gloire. La fin des programmes de Veo7 a provoqué le départ de 170 travailleurs. Los pronostics les plus pessimistes n'écartent nullement l'effondrement du secteur des TNT. De même, le doyen de la presse espagnole, ABC, a dû ramener le nombre de ses correspondants à l'étranger à deux seulement (un à Washington et un autre à Londres). Le reste des correspondants, dont celui à Rabat, ont été rappelés à la rédaction centrale à Madrid à la demande de l'entreprise. La situation des médias en crise en Espagne démontre à tel point la relation entre l'économique et le médiatique est forte. Devant la baisse de la demande, les entreprises réduisent les budgets de promotion de leurs produits et, du coup, condamnent les médias à une crise financière. La solution la plus douloureuse à prendre sera l'application d'un plan de réajustement qui se traduira par le licenciement des professionnels et la mort subite du media. Avec la perte de Publico, disparaît la pluralité d'opinion et le journalisme expérimental en Espagne.