La couverture, lundi et mardi, par les médias espagnols des incidents à Laâyoune comme conséquence du démantèlement du camp de Gdim Izik, surprend par l'abondance d'éléments informatifs, interprétatifs et graphiques. Le traitement médiatique des affrontements entre habitants de ce camp et forces de l'ordre marocaines invite à une lecture multiple des motivations des commentateurs, analystes et animateurs de colloques et tables rondes sur la question du Sahara. Cette position démontre à quel point les médias en Espagne aspirent à un rôle qui va au-delà de la mission d'informer et à assumer l'exercice de quatrième pouvoir en toute règle. C'est un message qui est principalement dirigé au gouvernement socialiste et à l'ensemble des forces politiques de leur pays. Le thème du Sahara a été donc instrumentalisé à outrance du fait que le flux d'informations et de commentaires sur les incidents de Laâyoune, qui ont meublé, le long de la journée, les bulletins d'informations et télé-journaux, déborde toutes les expectatives et place, en même temps, l'Espagne dans une position inédite en comparaison avec son entourage européen. Dans aucun autre pays de l'Union Européenne et aux Etats-Unis, ces incidents n'ont eu droit à un exceptionnel traitement de faveur au détriment du reste de l'actualité nationale et internationale ni parus à la «Une» de leurs médias. Usant au maximum du discours de persuasion et des nouvelles technologies, les informations sur Laâyoune ont été présentées par les agences de presse et en version numérique de la presse dans un format multimédia. Les supports informatifs - texte, son et vidéos - sont une ressource supplémentaire à laquelle ont recouru les médias pour appuyer le message, qui révèle les gros moyens mis en service et le temps investi. Cet exercice fait partie, en outre, des techniques de persuasion qui visent à faire coïncider les codes de communication entre l'émetteur et le récepteur en diffusant le même message à travers des perceptions différentes. Le but final est d'inciter le récepteur à évaluer la source, qui n'est autre que le média/émetteur, et admettre comme évidence le commentaire qui l'accompagne. Dans cette circonstance, la cible qui est visée n'est autre que les téléspectateurs et internautes qui scrutent les pages numériques des agences de presse (Efe et Europa Press surtout) et journaux d'audience nationale et gratuits. Les grands journaux se sont vus impliqués dans une concurrence directe avec les agences de presse en procédant à une continuelle actualisation du contenu de leur version numérique. Certains journaux, tels El Pais, El Mundo et Publico se sont distingués par un suivi incessant en reproduisant des témoignages, déclarations officielles et synthèses d'entretiens avec des éléments du Polisario. Les effets de cet exceptionnel suivi d'un événement, qui se déroule hors des frontières de l'Espagne et n'affectant nullement ses intérêts nationaux, ne peuvent qu'altérer les fondements du journalisme et conditionner la manière d'informer le public. Les télévisions, publiques et privées d'audience nationale ou Télévisions Numériques Terrestres (TNT) ont, pour la première fois opté pour un traitement unanime et sans faille d'une même thématique. Dans ce contexte, elles ont reproduit les mêmes vidéos Youtube des incidents de Laâyoune et donné libre court aux adversaires des thèses marocaines. Le représentant du Polisario en Espagne, à titre d'exemple, a été la vedette des plateaux de télévisions de CNN Plus et de Télé Madrid. D'autant plus, il fut sollicité par les autres canaux à défendre les thèses séparatistes et la version du Polisario des incidents de Laâyoune. Par contre, aucune source marocaine n'a été approchée, une initiative qui serait salutaire, selon des observateurs impartiaux contactés par Albayane, pour élaborer une idée équilibrée et argumentée des événements qui se sont déroulés dans un territoire relevant de la souveraineté du Maroc. Il s'agit là d'un néfaste exercice professionnel donnant l'impression que le journalisme paraît être soumis à de fortes pressions de la part d'une caste de journalistes qui se convertissent en leaders d'opinion. Ils s'obstinent à substituer les leaders politiques dans la mission d'orienter l'opinion publique ou deviennent des entrepreneurs du spectacle, à tel point que le directeur de El Mundo s'est proposé de diriger un colloque et commenter directement les incidents de Laâyoune à VEO7, un canal de télévision TNT, propriété de son groupe de presse. Le service d'information est ainsi devenu un instrument idéologique destiné à donner une vision unilatérale des événements de Laâyoune et affaiblir la position du Maroc au profit de celle des adversaires de son intégrité territoriale. Il existe le risque que soit montée de toutes pièces une latente campagne de dénigrement à son égard au lieu d'élaborer des informations objectives, ou, transformer un débat télévisé en un tapage au lieu d'une analyse critique. Le public espagnol a été donc contraint de consommer un seul plat cuisiné selon la même recette et assaisonné avec des ingrédients identiques. Il a été ainsi privé d'amples informations qui traitent de ses préoccupations immédiates, de l'activité du Parlement ou de la dégradante situation sanitaire à Haïti. Mardi, la presse écrite a battu tous les records, depuis l'incident de l'îlot de Toura/Laila (Persil pour les espagnols) en nombre de pages publiées sur un seul événement d'actualité internationale, les incidents de Laâyoune. S'il est permis de réunir tous les articles d'opinion, chroniques et éléments graphiques uniquement de l'édition papier de six journaux de la presse d'audience nationale, publiés ce jour (9 novembre) sur le Maroc, il serait aisé d'éditer un numéro entier d'un grand journal espagnol. Cette hypothèse s'appuie sur des données concrètes du fait que El Pais a mentionné les incidents de Laâyoune dans sept pages de son édition nationale; El Mundo dans sept pages; Publico dans huit; La Vanguardia dans quatre; La Razon dans six; Abc dans neuf ; les quotidiens économiques Expansion et Cinco Dias dans deux. Ce traitement sélectif s'inscrit dans un contexte d'interprétation qui se fait habituellement de la chose marocaine. C'est une attitude qui se distingue curieusement, dans le cas des incidents de Laâyoune, par une vision synchronisée de la presse espagnole qui expliquait avec ravissement un fait dramatique d'actualité en excluant toute référence aux positions officielles exprimées par Rabat. C'est aussi une tactique qui est d'ailleurs bénie par les hommes politiques. Dans la confection de leur agenda politique, ceux-ci sont en quête de l'appui de la presse pour atteindre le plus grand nombre de sympathisants et communiquer leurs messages concernant les grands dossiers en suspens entre le Maroc et l'Espagne tels les contentieux de Sebta et Melilla, la délimitation des espaces maritimes ou les quotas de marché des agrumes et tomates marocains en Union Européenne. Une partie du travail a été donc faite par les médias en prévision des prochaines échéances électorales.