«Mon œuvre n'est pas le fruit d'une appartenance à une école bien définie mais l'aboutissement d'une réflexion de longue haleine et d'une expérience toute personnelle», a affirmé Adellatif Laâbi. Le poète marocain qui s'exprimait lors de la présentation de l'ensemble de son œuvre au Salon International de l'Edition et du Livre à Casablanca (SIEL), a rejeté toute appartenance généalogique à une certaine école, concédant toutefois qu'il a puisé comme d'ailleurs tous les représentants de sa génération, dans la poésie des immenses poètes du siècle dernier, notamment les espagnols Garcia Lorca et Antonio Machado, le Grec Yannis Ritsos, le Turc Nazim Hikmet ou encore le russe Vladimir Maïakovski. Le prix Goncourt de la poésie en 2009 confie même qu'il se surprend parfois en train de céder à l'influence de la nouvelle génération des poètes pour porter sa voix rebelle dans ses poèmes, ne cachant pas, par ailleurs, une certaine amertume de l'hommage timide qui lui est réservé dans son pays alors qu'il est célébré et que son œuvre est encensée sous d'autres cieux Outre-Atlantique et en Europe et même dans certains pays du Proche et Moyen-Orient, notamment au Liban et en Palestine. Visiblement fier aussi un tantinet dépité, le poète a brandi devant l'assistance un exemplaire de ses œuvres complètes paru récemment chez une maison d'édition syrienne, qualifiant cette parution comme étant “miraculeuse” au vu des soubresauts qui traversent depuis plus d'une année ce pays. C'est pour le moins, considère-t-il, une reconnaissance juste des efforts qu'il ne cesse de déployer avec le concours des intellectuels de sa génération pour jeter des passerelles entre le Maghreb et le Machrek, espérant que le vent du Printemps arabe parviendra à lever toutes les barrières devant le vœu d'un véritable brassage des cultures arabes pour sortir enfin, selon lui, de l'ornière de la polarité stérile Maghreb-Machrek. Tout en se disant fort ému par l'accueil réservé à son œuvre par les lecteurs, Abdellatif Laâbi n'est pas en revanche tendre avec les éditeurs et certains institutions culturelles dans le pays qui, à l'en croire, n'accordent que peu d'intérêt à son œuvre. Mais cela ne semble pas pour autant réprimer l'inspiration de ce poète engagé qui milite contre toutes les formes d'exploitation et d'injustice et qui croit toujours que l'homme est capable de rendre ce monde si bas meilleur. Et malgré tout, il persiste pour dire comme il le pense depuis toujours que “la poésie n'est pas prête à rendre les armes”. Poète, romancier et dramaturge prolifique, Abdellatif Laâbi natif de Fès en 1942 et fondateur en 1966 de la célébrissime revue “Souffles”, compte à son actif des recueils de poèmes notamment, “le Règne de la barbarie” (Ed le Seuil-1980), “l'écorché vif” (Ed l'Harmattan-1986), “Ecris la vie” (Ed la Différence-2005) et son dernier sorti cette année chez le même éditeur “Zones de turbulences”. Sur le registre des romans des textes théâtres, on cite, entre autres, “les Rides du lion” réédité en 2007 aux éditions la différence, “le Chemin des ordalies” (Ed Denoël-1982) ainsi que les pièces de théâtres “le Juge et l'ombre” et “Rimbaud et Shéhérazade”. Abdellatif Laâbi a publié aussi en 2002 aux éditions Gallimard une autobiographie qui porte l'intitulé évocateur “le Fond de la jarre”.