A sa création en 1989, l'Union du Maghreb arabe (UMA) a suscité l'euphorie générale des peuples de la région qui y voyaient la concrétisation d'un rêve maghrébin légitime et nécessaire. Un rêve qui a trouvé sa plus belle illustration dans la photo légendaire ayant fait à l'époque le tour du monde, montrant les chefs des cinq pays membres, qui venaient de signer le traité de Marrakech fondant l'UMA, main dans la main symbolisant la fraternité et la solidarité maghrébines sous leur plus beau jour. Mis à l'épreuve du terrain, l'ambitieux projet du grand Maghreb, destiné à devenir une puissance politique et économique régionale, n'a pas réussi à atteindre les objectifs initialement tracés, malgré les bonnes volontés affichées de part et d'autre. Peu importent les causes, les faits sont là, têtus: abstraction faite d'une cinquantaine de conventions signées dans divers domaines de partenariat, de manifestations scientifiques et culturelles organisées ça et là, et de visites de travail échangées au niveau diplomatique, l'UMA se trouve, pratiquement, en état de mort clinique depuis une quinzaine d'années déjà. Sauf qu'aujourd'hui, il semble que la donne est en train de changer, à la faveur des derniers développements intervenus sur la scène maghrébine, qui ont apporté la démocratie en Tunisie et en Libye et consolidé le processus de démocratisation déjà enclenché au Maroc. Selon Mohamed Zakaria Abouddahab, professeur des relations internationales à l'Université Mohammed V Agdal de Rabat, l'UMA en tant qu'organisation subrégionale ne saurait rester insensible au nouveau contexte géopolitique dans la région. «La quête de démocratisation en cours dans plusieurs pays du Maghreb implique qu'on donne la parole aux peuples de la région qui ont été jusque-là écartés du projet de construction du grand Maghreb. Cela laisse espérer une prochaine reconstruction de l'UMA sur des bases plus démocratiques», souligne M. Abouddahab, dans une déclaration à la MAP. En effet, les déclarations des nouveaux dirigeants de la Tunisie et de la Libye exprimant, sans ambages et à maintes reprises, leur attachement indéfectible à l'Union maghrébine et leur engagement à œuvrer à son développement, sont de bon augure. Lors de sa première visite officielle au Maroc en tant que président de la Tunisie (du 8 au 10 février), Mohamed Moncef Marzouki a ainsi exprimé son souhait que l'année 2012 soit l'année du Maghreb et l'occasion de redynamiser l'Union maghrébine après plusieurs années de blocage, en mettant à profit le Printemps arabe qui a donné, selon lui, un nouveau souffle à cette organisation intermaghrébine. Il a plaidé dans ce sens pour l'organisation d'un sommet maghrébin dans les plus brefs délais, en vue de remettre l'Union du Maghreb sur les rails. Le président tunisien, qui effectuait une tournée dans la région, a suggéré l'adoption d'une politique sécuritaire, étrangère et de défense commune entre les pays de l'UMA, ainsi que la mise en place d'un parlement maghrébin, où tous les citoyens du Maghreb élisent dans la même journée un parlement avec des attributions maghrébines, et ce dans le cadre d'une Union où chaque pays garde son indépendance et sa souveraineté à l'instar de l'UE». Ce n'est donc ni la volonté, ni la vision qui manque pour édifier un espace maghrébin intégré et complémentaire où chacun trouve son compte, un projet dont la concrétisation semble n'être plus qu'une question de temps. Rabat et Alger sur la même longueur d'ondes concernant l'UMA Auparavant, la visite à Alger du ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Saâd Dine El Otmani, les 23 et 24 janvier, avait permis le rapprochement des points de vue entre le Maroc et l'Algérie concernant la relance de l'UMA. La question a occupé, en effet, une place centrale dans les discussions entre M. El Otmani et les responsables algériens qui l'ont assuré de leur disposition à «amorcer une nouvelle étape d'action intermaghrébine» et à poursuivre la coopération et la concertation pour dépasser la stagnation que connaît l'organisation et redynamiser ses institutions. En soi, le «réchauffement» des relations maroco-algériennes, qu'a permis cette visite, première du genre depuis 2004, constitue un pas important pour dépasser un statu quo qui n'a que trop duré. En se focalisant sur les points de convergence et en engageant un dialogue franc sur les points de discorde, comme le préconise M. El Otmani, les deux pays, poids lourds aux niveaux politique et économique, peuvent servir de locomotive au chantier du grand Maghreb. M. Abouddahab plaide, à cet effet, en faveur d'une nouvelle approche «plus pragmatique» et progressive dans les relations entre Rabat et Alger. «Il serait important de commencer par le rapprochement économique et social et l'ouverture des frontières maroco-algériennes pour permettre la création d'un espace d'échange humain et culturel. Le reste suivra nécessairement», préconise-t-il. Selon lui, la normalisation totale des relations bilatérales, en plus d'être garante de la stabilité et du développement de la région et déterminante pour la relance de l'UMA, est de nature à impulser une nouvelle dynamique à d'autres projets d'envergure, notamment au niveau de la Méditerranée et de l'Afrique subsaharienne. Dans ce climat positif, de grands espoirs sont fondés sur la réunion des ministres des affaires étrangères du Maghreb, prévue fin février à Rabat. «Cette réunion devrait, notamment, donner un coup d'accélérateur à la coopération sectorielle entre les pays membres, réactiver le travail des commissions ministérielles maghrébines et préparer le sommet des chefs d'Etats membres en vue de donner une nouvelle impulsion politique à l'UMA». Force est donc de constater que le terrain est plus que jamais propice à l'instauration d'un nouvel ordre maghrébin que SM le Roi Mohammed VI appelle de ses vœux, un ordre basé sur la fraternité, la confiance, l'entente, le bon voisinage et le respect des constantes nationales et de l'unité territoriale de chacun des cinq pays membres, pour reprendre les termes de M. El Otmani. Les pays de la région, gouvernements et peuples, ont finalement pris conscience qu'hors du Maghreb, point de salut!