Le secteur du livre au Maroc L'industrie du livre se porte mal au Maroc, malgré les efforts fournis par les acteurs du livre et le ministère de la Culture pour apporter un nouveau souffle à ce secteur. De l'auteur au lecteur en passant par l'éditeur et le distributeur, la crise sévit au niveau des différents maillons de la chaîne. Certes, le contexte international et la conjoncture mondiale ne favorisent pas l'émergence du livre, mais une politique clairement définie aurait pu sortir le secteur de la crise persistante qui le caractérise depuis bien des années et ouvrir au marché national des perspectives optimistes. Ce domaine, malgré sa dynamique culturelle propre, est resté longtemps conditionné par le poids de l'histoire et par l'évolution du pays, a constaté Mohammed Amine Sbihi, ministre de la Culture son interview (ci-après) à Al Bayane. Selon une étude réalisée en 2006 dans le cadre d'un partenariat du ministère de la Culture avec l'Unesco, sur 20 maisons d'édition ciblées par l'étude, 9 déclarent avoir réalisé des chiffres d'affaires ne dépassant pas les 3.000.000 DH avec un minimum de 300.000 DH alors qu'un seul éditeur a atteint un chiffre d'affaires de 50.000.000 DH. Plusieurs écueils freinent l'essor réel de l'édition au Maroc bien que cette dernière soit l'objet d'une subvention suite à l'application du décret n°2.00.353 du 1er novembre 2000. A cela s'ajoutent les aides octroyées par l'Institut français du Maroc aux éditeurs marocains qui répondent aux critères de sélection. Ces aides ne semblent pas satisfaire les éditeurs que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier d'ailleurs de trop restrictives et insuffisantes, soit 50% des frais de l'impression : « Cette aide, accordée pour deux à trois titres par an a cessé depuis 2008. L'ensemble de nos demandes de soutien n'a pas abouti », affirmait Annie Azzou en octobre 2010, dans le rapport du ministère de la Culture. Dans la même perspective, elle déclarait que «l'aide du service culturel de l'Ambassade de France est aussi en nette régression depuis quelques années. En 2009, seules des aides à la traduction ont été accordées pour les titres sélectionnés», alors que 12 éditeurs (soit 60 % de l'échantillon étudié) ne publient plus d'ouvrages de traduction au Maroc, 4 éditeurs (soit 20% de l'échantillon) publient annuellement, en moyenne, 4 titres et un seul publie 5 titres par année. La moyenne générale des titres traduits édités annuellement est, par voie de conséquence, un seul titre par éditeur. Par ailleurs, seuls les ouvrages à caractère culturel sont subventionnés par le ministère de tutelle avec une moyenne de tirages limités, soit 2447 exemplaires. Depuis la nomination de Mohammed Amine Sbihi à la tête du ministère de la Culture en 2011, on note une certaine volonté politique de redonner un nouveau souffle et une nouvelle dynamique au secteur avec la mise en place, pour l'année 2014, d'un fond de soutien à l'édition et au livre avec un budget de 10 millions de DH, a affirmé le ministre. Par ailleurs, dans la même perspective «un appel à projets concernant l'édition et le livre sera lancé durant ce mois de novembre et concernera six types de projets : les projets des maisons d'édition, les revues culturelles, la création et la modernisation des librairies, la résidence d'auteurs, la participation des éditeurs et des auteurs aux salons internationaux et nationaux, la promotion de la lecture ». En dépit de ces efforts déployés par le ministère de la Culture avec, entre autres, l'organisation en perspective de la vingtième édition du Salon international de l'édition et du livre prévue du 13 au 23 février prochain, l'élargissement et la modernisation du réseau des bibliothèques, l'émergence tant souhaitée du livre est un objectif loin d'être atteint. On enregistre une baisse spectaculaire du lectorat due à l'analphabétisme et à un faible pouvoir d'achat, ce qui contraint certains éditeurs à restreindre leurs tirages, soit un tirage moyen de 2411 qui varie entre 1000, 1500 à 3000 exemplaires par an. Face à cette crise de lecture, le ministère de tutelle entend mettre en œuvre dès l'année prochaine, un programme national de soutien à la lecture avec l'ensemble des partenaires concernés. Les déficiences de la distribution qui résultent de la nature des structures des réseaux de distribution et le manque d'accompagnement par les médias sont autant d'obstacles auxquels l'industrie du livre est confrontée, rendant ainsi difficile la diffusion et la promotion du livre à l'échelle nationale. Ainsi, l'ensemble des acteurs de ce secteur doivent conjuguer leurs efforts et mettre en place avec l'appui du ministère de tutelle une stratégie commune pour sauver l'industrie du livre d'une éventuelle faillite et faire de cette dernière un secteur florissant.