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Ciel mon journal !
Publié dans Albayane le 22 - 10 - 2013


Ciel mon journal !
2/3. Près de deux siècles après l'introduction du media-journal au Maroc, dans les bagages des troupes coloniales, le Maroc est sommé de faire le saut depuis un néant concernant le droit à l'information, vers la médiasphère mondiale actuelle où l'information déferle sur lui comme un tsunami, au moyen des TIC, des réseaux sociaux et de divers médias et supports numériques, remettant en question et l'existence du journal-papier et la légitimité même du journalisme et du journaliste.
Notre droit à l'information entre optimisme et nihilisme
Mais il a fallu près d'un siècle et plus, de fait de presse, avant et après l'indépendance, pour qu'on invite enfin nos juristes et nos politiques à légiférer sérieusement pour un droit bien contemporain au XXe siècle et a fortiori au 21e : le droit à l'information, le droit à la vérité, cette «Kibla» du journal identifié comme rendez-vous quotidien de prière par Hegel. Maintenant, près de six «siècles lumières» loin de la Galaxie Gutenberg, le trône de la vérité semble vaciller de plus en plus dangereusement, au point que d'aucuns, professionnels, chercheurs et spécialistes annoncent sa raréfaction, voire sa disparition programmée, dans le journalisme d'aujourd'hui, par l'invasion des TIC chevauchées sans repos, jour et nuit, par les «citoyens-médias». Quand Hegel nous parle de prière, à chaque matin, on devine aisément qu'il a en tête un «homme moderne» pieux qui ressent le besoin, voire le devoir «religieux», chaque jour, d'implorer... la vérité pour que sa substance, c'est-à-dire tout simplement l'information, l'abreuve, l'inonde, le protège, le bénisse et surtout l'aide à vivre, à mieux vivre le lendemain; pour qu'il ne soit plus dans l'erreur ou la déviance par rapport, justement, à la vérité des choses, du monde, des hommes et de leurs actes et intentions. L'homme moderne de Hegel consacre donc une vie quasi monastique à la «collecte de l'information» (vraie et complète)... Vue prémonitoire hégélienne, au vu de l'homme de 2013, qui passe plus de la moitié de sa journée à surfer partout, à cliquer sur tout écran ou souris qui se présente pour apprendre quelque chose de plus, de nouveau sur le monde qui l'entoure, le proche comme le plus lointain. Il cherche à s'informer, suppose-t-on, il «prie» jour et nuit, plus que du temps de Hegel, mais est-ce vrai et à quel prix?
Pour Friedrich Wilhelm Nietzsche, né dix ans après la mort de Georg Wilhelm Friedrich Hegel dont il critiqua fortement l'optimisme confiant en l'humanité, la lecture du journal chaque matin peut tourner à l'abrutissement : «L'introduction de l'imbécilité parlementaire est jointe à l'obligation pour chacun de lire son journal au petit déjeuner»... Êtes-vous pour Hegel l'optimiste ou pour Nietzsche le «nihiliste» qui voyait en la presse une source d'«imbécilité» autant que l'institution parlementaire?
La quotidienne, interminable et répétitive besogne ou peine - du lecteur pas du journaliste ! - d'aller chaque matin à la quête de l'information s'apparente pour l'homme de ce siècle (homme «postmoderne»?) à une religion dont on doit exécuter les préceptes et pratiques, comme la prière, en l'occurrence. Mais force est de constater qu'elle vire de plus en plus à un fondamentalisme, tant les contenus de nos journaux (ici et ailleurs), du monde des médias en général, s'éloignent de la Raison, la raison, ce postulat chéri et célébré par Hegel et qui explique la foi du philosophe en la lecture du journal comme rituel canonique de la modernité. Les contenus médiatiques (de journaux ou autres supports et canaux), on le constate tous les jours, on l'admet, on l'analyse, on le crie (au Maroc et ailleurs), tournent/ se réduisent à la proclamation de pseudo-vérités brandies ainsi, à coup de manchettes et de «Une» , à l'opposé de tout rationalisme, à l'encontre de la Raison, comme des dogmes décrétés, sur la foi de «révélations», de vérités absolues. «L'éloignement fréquent du monde médiatique de la raison l'entraîne dans un fidéisme (doctrine excluant la raison, NDLR) qui conduit au fondamentalisme, faisant des acteurs principaux du monde médiatique des ayatollahs des temps modernes, s'arrogeant le titre de guides spirituels de la révolution médiatique», relevait un spécialiste français tout récemment. En écho, le fort controversé Robert Ménard, ex-président de «Reporters Sans Frontières», admettait que la grande majorité des journalistes est convaincue d'être dans le camp du Bien. De sorte que le journaliste invoquera souvent une dimension morale, de fidéiste, rétif à la raison, pour se défendre et défendre ce qu'il avance, ce qu'il publie et diffuse. Il défendra tous azimuts sa production par fidéisme, en ayant une foi inébranlable en ce qu'il prétend être la vérité, tournant le dos à quelconque raisonnement que ce soit et qui, pourtant, doit être, en journalisme, basé et fondé sur des faits, sur de l'information.
«Infobésité» et information «low cost»
Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Situation que ne pouvaient prévoir ni Hegel, ni Nietzsche, ni l'américano-hongrois Joseph Pulitzer (1847/1911) ni le Français Albert Londres (1884/1932), deux grands noms consacrés par des prix prestigieux de la profession, le premier américain, le second pour le monde francophone... Alors, comment pourriez-vous, citoyens, ici et ailleurs, espérer jouir pleinement et qualitativement de votre droit à l'information, quand bien même vous seriez bénéficiaires d'une législation conséquente à cet effet ?
Diriez-vous crise du journal ou crise du journalisme? Crise de journalisme ou crise pour cause de web 2.0, web.3.0, de réseaux sociaux, pour cause de crise structurelle du marché publicitaire, pour cause d'effondrement de lectorat et des aides publiques, directes ou indirectes, crise pour cause de forêt rampante d'écrans, fixes et mobiles, crise pour cause de mutations des usages et des usagers, vivant, à un rythme effréné, une vie trépidante au gré des clicks et modes de communication sans cesse changeants, surtout chez les jeunes, majoritaires au Maroc et dans le monde . Autant de paramètres, d'hypothèses, d'explications, les unes plus convaincantes que d'autres, les unes pertinentes ici mais peu ou prou ailleurs... In fine, pour ce qui concerne le journal, notre ancêtre, vieux de près de quatre siècles, il nous faut croiser les doigts, prier pour son salut ici bas, c'est-à-dire dans la vaste et si variée médiasphère. L'entreprise industrielle de presse est bel et bien agonisante, du moins dans la forme qui l'avait fait imposer sur la place publique et dans les têtes des prieurs de journal, pendant près d'un demi-millénaire.
Maintenant, l'homme lecteur, s'il se met en situation de prière devant l'autel de la Vérité, il ne récite ni marmonne aucune prière, il est comme absent, s'adonnant à une prière de l'absent : la Vérité. D'ailleurs, comment pourrait-il invoquer une quelconque vérité alors qu'il est submergé de rumeurs, d'ouï-dire, d'expressions d'émotions et «vidanges/défoulements» de violence, de stéréotypes, de frustrations, de fausses croyances, d'insultes, de diffamations, de fausses expertises, de fausses nouvelles, de fausses photos, de fausses vidéos, de fausses déclarations, d'usurpations de titres et de gloires...
Patrick de Saint-Exupéry et Laurent Beccaria, fondateurs de la singulière revue spécialisée de reportages en France («VINGTETUN».XXI.) parlent d'«infobésité» pour décrire le tsunami d'«informations» qui submerge quotidiennement et toutes les nuits l'homme moderne du 21ème siècle. Un déluge qui amène ces deux professionnels, derniers «mohicans» du journalisme noble (reportage et enquête) à utiliser cette formule si juste : aujourd'hui «on veut être au courant, pas être informé»! En vérité, d'une part on ne s'agite comme utilisateur pressé des médias que pour être «au courant», et d'autre part, au vu des offres de la médiasphère (journaux compris), on ne peut prétendre qu'à «être au courant»...Être au courant d'une rumeur, d'une supposition, d'une allégation, d'un début d'information, d'une investigation inachevée ou superficielle, d'un «sous-entendu», d'une «supputation» etc. Si on a la chance de tomber sur une information répondant à «qui a fait quoi, où et quand?», il arrive le plus souvent que le comment soit imprécis ou approximatif. Quant au pourquoi, il est rare, vraiment rare, qu'il soit fondé, quand bien même il serait évoqué ou effleuré. Il ne faut pas s'étonner alors de voir, partout dans le monde, les journalistes assister amèrement à une érosion de leur crédibilité et, partant, de leur légitimité, voire de vivre une vraie crise identitaire qui menace dramatiquement leur existence et remet en question de plus en plus leur utilité socio-économique : en 2007, 2000 journalistes américains perdent leur emploi, en 2008,16.000 autres les rejoignent au chômage, alors qu'en France 1089 cartes de presse ont disparu entre 2009 et 2011...! Crise sismique pour les milieux professionnels qu'aggrave la mutation de leur entreprise de presse, de plus en plus, en entreprise de services (20 à 30% en moyenne des activités des grandes entreprises de presse en Occident sont des activités de commerce, de ventes de marchandises, pizzas comprises, et de services, via le Net)... Crise qu'aggrave le grand phénomène de la gratuité qui déverse de plus en plus d'informations (presse gratuite, portails Internet...). L'information n'a plus sa valeur marchande originelle et directe. Alors que paradoxalement, l'information (vraie et journalistiquement valable et crédible) devient une denrée rare, plus accessible aux riches (presse spécialisée de qualité et chère) qu'aux pauvres pour qui pullulent à volonté des informations «low cost» et qui, dans le meilleur des cas, reprennent juste des dépêches d'agences. Sinon, la rumeur et le titre-manchette (ou capsule titre pour supports du Net) sont le lot offert – gratuitement, qu'à cela ne tienne!- aux pauvres descendants du pieux homme moderne de Hegel!
La crise de la presse écrite est bien avérée également par le fait de la fragmentation à l'infini de l'offre et des supports et canaux et qui a induit un bouleversement des usages. La presse écrite ne traverse plus une crise «conjoncturelle», qui serait liée juste à la crise de la publicité (les ressources publicitaires de la presse américaine ont chuté de 2/3 entre fin des années 90 et 2011, 60 contre 20 milliards $) ou liée à la concurrence – bien déloyale et plagiaire souvent- des supports électroniques. Elle est face à une crise structurelle, partout dans le monde, car son utilité est remise en question. La chercher, la «prier» chaque jour ne convainc plus grand monde dans des sociétés de surabondance indigeste d'«informations» ou pseudo-informations qui vous tiennent «au courant», sans plus; dans des sociétés atteintes d'«infobésité» comme l'avance la revue XXI en alignant, dans un manifeste (in numéro 21. Hiver 2013) avec comme éléments de diagnostic : hyper connexion de tous («many to many», «tous s'adressent à tous»), après le «One to many» («Un - le journal- s'adresse à tous»); gratuité conquérante, voire mortelle, des contenus et offres de produits multimédia, migration massive de la publicité vers le Net, fragmentation des publics et mutations incessantes des usages, généralisation du besoin de divertissement que les réseaux sociaux amplifient, hypertrophient au détriment du besoin d'information et de connaissance...Bouleversement radical du monde du journal, du journalisme. Au point d'ailleurs, que même les plus grands journalistes, au journalisme de bonne facture sur support papier, se sentent bien obligés de soutenir leur article de journal par des apparitions et relances sur Face book, Twitter... Un éditorialiste ou reporter de la presse écrite est hors zone s'il n'est pas présent sur ces places, canaux et forums de la médiasphère virtuelle. Fini le pouvoir de «la Tribune» journalistique qui prétendait détenir, juste par l'imprimé, un «4e pouvoir» ? Pour un jeune d'aujourd'hui, internaute forcément, le journal papier ressemble à une relique... pour vieux amateurs ou amateurs vieux !


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