Rachid Andaloussi: regard d'un architecte sur la ville de Casablanca (13) Al Bayane : A voir votre parcours professionnel, on découvre que vous avez travaillé un certain temps en tant que consultant urbain auprès de l'ex-Wali de Casablanca, en l'occurrence Driss Benhima. Pouvez-vous nous situer les circonstances dans lesquelles vous avez fait connaissance avec lui ? Rachid Andaloussi : J'ai eu l'honneur de faire connaissance avec Driss Benhima lorsqu'il a été désigné par S.M le Roi Mohammed VI en tant que président du Comité national chargé de présenter la candidature pour le Mondial 2010. Au moment où il voulait accueillir une délégation de la FIFA, il m'a demandé de lui prêter la maison de mon grand-père, située à Mers Sultan, à proximité du Palais Royal. Il y avait eu ensuite une succession de rencontres. Un jour, lors d'une émission de 2M, préparée par Réda Benjelloun sur la ville de Casablanca, ce dernier est venu nous voir à l'association Casa-mémoire pour avoir notre avis sur la situation de la métropole. L'animateur de l'émission m'a posé une question qui m'est resté gravée dans la mémoire, et ce en m'interrogeront sur la bonne décision à entreprendre si j'étais responsable de la ville. Ma réponse a été on ne peut plus claire : je vais détruire, une fois pour toutes, l'immeuble fantôme qui se situe à la corniche de Ain-Diab et qui porte atteinte au paysage urbain de la ville, et ce depuis 30 ans. Ma surprise fut énormément grande quand j'ai regardé la diffusion de l'émission, car je ne savais point que je vais passer à l'émission avec Benhima. Après, on s'est contacté, on s'est parlé au téléphone. Il m'a exprimé son estime et sa grande considération pour le travail que nous déployons à Casa-mémoire. Je pense qu'une amitié est née à partir de là... Comment vous avez accueilli la nomination de Benhima en tant que Wali du Grande Casablanca ? Je pense que la désignation de nouveaux Walis, jeunes, cultivés et dynamiques en juillet 2001, fut l'un des grands changements opérés par S.M le Roi Mohammed VI après son intronisation. Il s'agissait vraiment d'une équipe énergique qui incarne le nouveau Makhzen. Je dirais un Makhzen au service des citoyens. En ces moments, on sentait que même le ministère de l'Intérieur n'est plus cette machine lourde qui pesait sur les citoyens. Et la décision de nommer Driss Benhima à la tête de la Wilaya de du Grand Casablanca, a suscité tout un espoir auprès des Casablancais, même chez les plus pessimistes, car ils savaient très bien qu'il s'agit d'un homme intègre, honnête et un grand intellectuel qui vient de prendre les commandes de la ville. Et je me suis dit que, enfin, la ville de Casablanca a eu sa chance pour sortir de son marasme. Avez-vous donc déjà l'idée de travailler avec lui en tant que consultant ? En fait, il m'a téléphoné et m'a fait la proposition de travailler avec lui en tant que conseiller en urbanisme. Apres moult réflexions, j'ai accepté, pour la simple raison que c'est un homme de bonne volonté. Avec son staff, on a commencé à élaborer une stratégie de développement pour Casablanca, car il était d'abord dans l'obligation de préparer un diagnostic de la situation, deux mois après sa nomination. Le nouveau Wali a-t-il déjà une vision pour le développement de Casablanca ? Dans une première étape, le nouveau manger de la ville avait une vision étalée sur 10 ans. Il avait au début l'idée de communiquer à tous les Casablancais qu'un nouveau pouvoir vient de s'installer, un nouvel ordre qui n'a rien à voir avec l'ancien Makhzen. Cette nouvelle conception du pouvoir n'était, en fin de compte, que celle de S.M le Roi Mohammed VI que Benhima voulait concrétiser. Un pouvoir qui gouverne avec les citoyens et non pas contre eux. Le pouvoir n'est plus cette manie de gouverner seul en faisant abstraction des citoyens, comme le souligne le penseur Allemand Julien Freund dans L'essence du politique. Au contraire, on va assister à l'émergence d'un pouvoir qui s'inscrit dans une logique interactive, à l'instar de la notion de la polyarchie développée par le politologue américain Robert Dahl. C'était quoi son objectif exactement ? Il était déterminé à doter la ville de tous les paramètres de développement. Bref, le nouveau Wali était là non pas pour faire la chasse aux sorcières mais pour retrousser les manches et travailler en faveur des intérêts de la ville. Pas plus. Je dois souligner une chose importante, c'est que Driss Benhima est une personnalité qui avait toujours le cœur à gauche quand il était étudiant-ingénieur à Paris. En fait, peu de gens savent qu'il avait des fréquentations avec le mouvement de gauche marocain en France. Autrement dit, c'est une personnalité qui est socialiste dans son esprit. En rentrant au Maroc, encore jeune, sa famille l'a envoyé pour faire une formation d'une année au sein de l'armée. Elle voulait que son fils se consacre entièrement à sa carrière. Je dois préciser aussi que quand j'ai travaillé avec lui, j'ai aussi découvert en lui une facilité de compréhension et une capacité d'anticiper les événements. Des qualités dont seuls les véritables managers disposent. Au final, on n'avait nullement besoin de fournir beaucoup d'efforts pour lui expliquer...