Noureddine Mhakkak et «Les sept vagues de l'amour» Si nous rendons grâce à ces mots superbes ouvrant le recueil de Noureddine Mhakkak c'est avant tout parce qu'à nos yeux, ils sont aptes à traduire toute la saveur et le sel maritimes du recueil : «Les Sept Vagues de l'amour». Ainsi, si le recueil m'a plu c'est essentiellement pour deux raisons voire trois : comme écrivaine française, le regard porté de l'écrivain marocain sur Paris ne pouvait que m'émouvoir : le café de Flore... la silhouette de Jean-Paul Sartre ou même de Camus... ce café noir qui revient à plusieurs reprises comme quintessence d'un plaisir toujours pris au même endroit, le quartier latin, dans un temps adonné, comme suspendu, couronné en tout cas, à regarder les femmes ou même être avec elles dans cet endroit de délices. L'autre attrait du livre réside en ce que les poèmes composant le recueil, tous, réussissent la gageure d'ouvrir nos cœurs en ce qu'ils s'adressent tout droit à notre imaginaire, aux réserves d'images drainées dans nos têtes qu'ils ravivent, charment, envoûtent et font sortir par la magie des mots tels des charmeurs de serpents. Et l'on reconnaît bien là le critique d'Art et de cinéma, Noureddine Mhakkak puisqu'il fait partie de l'Association marocaine des critiques de cinéma. En tant que spécialiste issu d'un comité scientifique de colloques littéraires internationaux portant sur l'Ecriture-femme organisés chaque année par l'Association féministe de Paris, Mix-Cité, cet hymne à «la» femme auquel se livre le poète marocain, du début jusqu'à la fin du recueil, ne pouvait que me ravir. Et là encore, un rapprochement avec la thématique femme dans la littérature française est tout à fait approprié ici. En effet, la Femme idéalisée en tant que «fée», «gitane» ou encore «femme mythique» ne peut que renvoyer tout lecteur un tant soit peu érudit au poète bien connu du 19ème Siècle, Charles Baudelaire. A l'instar du poète symboliste français, Les Sept vagues de l'amour est un véritable appel à l'idéal comme voyage intérieur mais alors que chez Baudelaire, une fois l'exaltation passée, l'idéal «chute» avec la brusque retombée dans le réel et se transforme en un spleen douloureux et esthète à la limite (n'ayons pas peur des mots) du masochisme, il prend forme de danse joyeuse comme hymne à la vie et à l'Amour en sa représentation première, chez le poète marocain Noureddine Mhakkak ; à l'exception de Je ne t'aime plus, Sylvie ! Le poème où le narrateur avoue à sa bien-aimée dans une simplicité touchante et déconcertante par sa simplicité même, que son feu s'est éteint et l'amour a désormais déserté son cœur: «Ô Sylvie, J'ai perdu l'envie De te voir [...] Ni nos deux corps Ne peuvent danser, En plein soleil, Ni ton sourire ne peut M'éloigner de mon sommeil.» D'ailleurs, le leitmotiv même qui traverse de sa vague bleutée le recueil et qui n'est autre que « la mer » ne peut que faire songer, nous faire songer dans une érudition commune de bon aloi, à L'Homme et la mer de Charles Baudelaire. La dernière strophe de la première section du recueil : «Dans la septième fois, La vague vient d'elle-même Vers ton chemin, vers toi... Pour te montrer dans son miroir : La jeune fille qui t'a brisé le cœur» Cette dernière strophe renvoie tel un écho sonore aux mots baudelairiens qui tendent à aspirer avec eux les maux de l'humanité et raisonnent en nous, au final comme chantre à la liberté : « La mer est ton miroir, Tu contemples ton âme». L'évocation du visage de la bien-aimée comme paysage, d'une certaine Céline qui revient à plusieurs reprises ou encore la synecdoque des « beaux yeux » ne peuvent que renvoyer comme réminiscence littéraire et en tant que critique littéraire française, au fou d'Elsa, Louis Aragon bien évidemment, et au poème plus précisément : Les yeux d'Elsa. En tout cas, autant de bonnes raisons de lire ces beaux poèmes qui nous font voyager à travers le cœur et le regard d'un poète marocain qui à l'évidence, aime la France, Paris et les femmes en délivrant si poétique hommage à leur charme et aux plaisirs que recèlent leurs attraits sensuels et savoureux. Je suis d'ailleurs à cet égard comblée que l'essayiste, chroniqueur, ouvert sur le monde qu'est Noureddine Mhakkak, ayant publié aussi bien en français qu'en arabe (et ce n'est bien sûr pas un hasard si le recueil a été édité l'année dernière aux éditions Universelle, Casablanca, Maroc ) m'ait retenue ainsi que ma complice italienne, Berta Corvi parmi d'autres femmes également, pour incarner «l'éternel féminin» dans une de ses prochaines publications ( ma modestie m'empêchant par ailleurs, d'employer l'expression que l'homme de lumière, Nour, a pourtant utilisé : «belles femmes») . Qu'il soit donc remercier par avance ici de cet honneur. Et si je fais sortir du lot féminin, la traductrice Berta Corvi, ce n'est pas seulement parce qu'elle est belle et qu'elle est mon amie, c'est aussi et avant tout parce qu'elle est italienne et que cela montre une fois encore, l'esprit d'ouverture et de tolérance de l'écrivain marocain. Ses écrits ne s'arrêtent pas au Maroc mais aspirent en effet, à s'étendre aux rivages d'un monde plus large comme miroir d'un monde intérieur, plus riche et coloré comme hymne à la liberté par-delà les frontières et appel à la joie de plaisirs simples mais néanmoins extatiques que nous tend et nous délivre l'Amour par l'intermédiaire de «la» femme, de tout temps intercétrice de ce monde dévoilé... comme le fait une fois encore, pour le plus grand plaisir du lecteur, le poète marocain, Noureddine Mhakkak et sans quoi, il faut bien l'avouer - je rejoins en cela l'épigramme lumineux -, la vie serait, si ce n'est totalement dépourvue de sens, du moins un îlot désertique et bien triste.