Lettre de Khouribga Premiers films en compétition officielle à Khouribga, premières impressions autour des films vus et surtout premières grandes interrogations autour du devenir du cinéma africain et de son rapport, forcément problématique, à l'imaginaire des sociétés loin d'être monolitihiques. Ce sont des films du Maroc, du Niger, du Sénégal, et de la Côte d'Ivoire qui ont constitué le menu des deux premières journées de cette seizième édition du festival du cinéma africain de Khouribga. D'emblée, la confirmation d'un constat historique : le vocable de cinéma africain est à lire au pluriel. Le cinéma africain est plus une connotation géo-politique que strictement cinématographique. Les formes, les modes de production, les grammaires narratives mises en jeu...renvoient à une pluralité d'approches. Ajouter à cela une donne biologique, l'arrivée de nouvelles générations de cinéates, de comédiens...et d'univers diégétique. Le scénario des cinémas africains est à l'image même de ce continent en mutation. Une image peut éloquemment illsutrer ces propos : le cinéaste sénégalais Moussa Touré était venu à Khouribga en 1992, avec un joli film, Toubab-bi, une comédie presque noire sur les déboires d'un taxi à Dakar. Vingt ans plus tard, Moussa Touré revient à Khouribga avec un film emblématique des temps modernes, La Pirogue, qui laisse loin la ville de Dakar pour suivre un groupe de harragas africains à la dérive dans le vaste océan qui les sépare d'un mythique Eldorado, en l'occurrence les Iles Canaries. Un dépalacement que l'on ressent également dans le traitement de ce huis clos au mileiu de nulle part un style et image qui confinet au documentaire. La Pirogue s'offre in fine comme une métaphore de tout un continent...à la dérive. Déplacement également au sein du cinéma marocain avec le film de Hamid Zoughi, Boulanoir, inscrit en compétition officielle et proposé également comme film d'ouverture dans un cérémonial qui relève d'une avant-première nationale ;geste d'autant plus symbolique que l'essentiel du cast du film est originaire de la ville de Khouribga et de ses banlieues. Le concept de banlieue pourrait jouer comme clé de lecture du film. D'abord en déplaçant le lieu de tournage et de production, loin du centre névéralgique, l'axe Rabat- Casa ; ensuite en déplaçant son récit à « la banlieue » de la chronique sociale et intimiste qui marque le cinéma marocain contemporain ; en s'installant dans une période historique cruciale, allant de la fin des années 1920 à la fin des années 1940. Pour ce faire, Zoughi est « parti » du roman éponyme de Othmane Achkra qui relate les débuts de l'organisation syndicale moderne autour des gisements miniers de la banlieue de Khouribga. Le film est ambitieux, c'est une tentative de reconstitution historique, inédite dans la filmographie marocaine. Par rapport au roman initial, le scénario a puisé la matière dramatique mais en l'ancrant dans une forme diématralement opposée : à la forme « moderne » d'écriture du roman, le film oppose une « forme classique» dans la conduite de sa narration. Celle-ci cependant semble buter à plusieurs reprises sur l'écueil du film africain, celui de l'emprise de la monstration sur la narration ; le didactisme du scénario a noyé le récit dans une multitude de tableaux donnant parfois au film une dimension « éthnographique » et quasi-documentaire ; or ce souci, louable et légitime ne epeut aboutir sans la logistique adéquate, en termes aussi bien de moyens et d'écriture. On y reviendra. Pour le film nigérien, et ivoirien, le moins qu'on puisse dire est notre surprise de les voir concourir à un festival d'envergure comme Khouribga tant ils se démarquent par leur approche quasi « naïve » des nouvelles réalités africaines, très complexes, et leur écriture très approximative.