Turquie Le mouvement de contestation ne cesse de s'amplifier en Turquie. Les manifestations gagnent l'ensemble du pays. Les déclarations du vice-premier ministre, Bülent Arinç et du président Abdullah Gül n'ont pas pu calmer les esprits. Après plus d'une semaine d'agitation, les protestations se poursuivent et se durcissent dans les rues d'Istanbul et d'Ankara. Les manifestants demandent toujours le départ du premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002 à la tête du parti pour la justice et le développement turc (AKP). Les organisations de défense des droits de l'homme évoquent un bilant de deux morts et plus de 2800 blessés alors que les autorités d'Ankara avance le chiffre de 300 blessés. Les syndicats du secteur public, en grève, ont été rejoints par la confédération syndicale des ouvriers qui ont appelé leurs membres à un arrêt de travail par solidarité pour les manifestants. Les excuses du vice-premier ministre, Bülent Arinç, n'ont rien arrangé. Au contraire, le mouvement s'amplifie et rassemble désormais toutes les couches de la population Turque. Ce qui n'était au départ qu'une simple manifestation s'est transformé en un véritable soulèvement. Les médias ont recensé des sit-in dans plus de 67 villes. L'origine de cette colère est la réponse brutale de la police à une mobilisation contre un projet immobilier menaçant 600 arbres centenaires dans un parc d'Istanbul. Les médias turcs ont, eux aussi, été vivement critiqués durant les manifestations. Des slogans comme «On ne veut pas d'une presse soumise ! » les accusent d'être complaisants à l'égard des autorités. Les leaders du mouvement contestataire ont rencontré, mercredi, Bülent Arinç. Ils ont réclamé la tête du chef de la police et la libération des manifestants interpellés par les forces de l'ordre. Depuis le début de la contestation, les manifestants parlent de radicalisation de la politique d'Erdogan et disent que le parti AKP souhaite «islamiser la Turquie laïque». En juin 2012, le gouvernement avait proposé une loi remettant en cause le droit à l'avortement. Des élus locaux sous la bannière du AKP ont toujours tenté d'interdire la vente d'alcool aux jeunes. Des initiatives qui n'enchantaient guère les milieux laïcs. Cette fois-ci, les manifestants vont encore plus loin et évoquent un «autoritarisme» du Premier ministre et «une mainmise» sur l'armée et la justice. Recep Tayyip Erdogan, lui, reste inflexible. Il déclare qu'il ne cédera rien «aux pillards» qui «vivent mains dans la mais avec le terrorisme». Le président Abdullah Gül se montre plus conciliant et appelle les manifestants «au calme». Gül affirme qu'une «démocratie ne signifie pas seulement une victoire aux élections», ce à quoi Erdogan riposte : «je ne sais pas ce qu'a dit le président, mais pour moi la démocratie vient des urnes». Sur fond de tension social, les deux hommes qui jusqu'ici paraissaient comme les meilleurs alliés du monde se tirent dessus pour des raisons politico-politiciennes. Alors que Recep Erdogan veut garder le contrôle du parti, Abdullah Gül, lui espère lui succéder au poste de Premier ministre. Bien qu'Erdogan ne puisse plus prétendre à un nouveau mandat, il ne cache plus sa volonté de changer la constitution afin de donner plus de pouvoir au président, qui était jusqu'à maintenant un poste honorifique, afin de pouvoir y postuler et continuer ainsi à diriger la Turquie.