Les pharmaciens arabes se refont une santé à Ifrane Durant le week-end dernier, la paisible ville d'Ifrane a servi d'écrin pour les travaux de la 28e édition du congrès scientifique de l'Union des pharmaciens arabes (UPA) qui ont été couronnés par l'adoption de la déclaration d'Ifrane. Cette dernière appelle les gouvernements des pays arabes à adopter de nouvelles approches et à placer le pharmacien au cœur des politiques nationales du médicament et de la santé. Un cadre naturel parfait et une source d'inspiration idéale. Les apothicaires du monde arabe ne pouvaient rêver mieux que la ville d'Ifrane pour se procurer une cure de jouvence et évoquer, avec vitalité et dans le calme, l'avenir du secteur de la pharmacie et de la politique de la santé dans le monde arabe. Pas moins de 300 congressistes représentant 14 pays arabes ont répondu à l'invitation de l'Union des pharmaciens du Maroc, coorganisateur avec l'UPA de ce congrès initié sous le thème : «Le secteur du médicament et de la pharmacie, un acteur principal de la couverture médicale et un levier essentiel de l'économie nationale.» Officinaux, laborantins, industriels, juristes et une kyrielle d'éminents spécialistes du domaine de la santé se sont relayés durant les séances de débats de cette rencontre pour jeter la lumière sur les différentes questions que se posent aussi bien les pharmaciens que les gestionnaires politiques du secteur de la santé : les enjeux et les perspectives de la biotechnologie, la couverture médicale, l'accès aux médicaments, la baisse des prix et les contraintes de qualité, la lutte contre la contrefaçon des médicaments, la couverture médicale et les politiques pharmaceutiques dans le monde arabe... A travers les interventions solennelles, sessions thématiques, ateliers interactifs..., la rencontre d'Ifrane que les sceptiques craignaient de voir dériver en conclave corporatiste à la quête du Graal, notamment après la bronca suscitée par la baisse des prix, a été plutôt une intéressante plateforme de débats et de partage des expériences du monde arabe dans le domaine des politiques pharmaceutiques, ses avancées, ses carences et ses perspectives. Comme l'a bien expliqué, le Docteur Laghdaf Rhaouti, président du comité d'organisation de ce congrès. «La rencontre d'Ifrane vient à point nommé pour faire valoir le sens de l'intérêt général qui anime le rôle du pharmacien d'officine souvent mal compris » et sur, ajoute-t-il, «les dysfonctionnements constatés dans différents pays arabes dont l'organisation du secteur des médicaments est sujette à question.» Les intervenants au cours de ce congrès ont été unanimes à indexer en effet les discordances des textes régissant les lois du secteur pharmaceutique qui influencent négativement sur la coopération et les échanges interarabes notamment l'absence d'une politique de santé commune susceptible de baliser l'accès aux médicaments aux citoyens arabes. D'aucuns estiment que la généralisation de la couverture médicale doit être le marqueur de toute politique de santé. Dynamisme résilient «On ne peut parler d'un modèle de développement socio-économique sans couverture médicale», insistera un congressiste soudanais. L'expérience marocaine a été largement évoquée et défendue par le ministre d'Etat A. Baha, qui s'est attardé au cours de son intervention lors de la séance inaugurale, sur «l'évolution positive que connait le secteur pharmaceutique depuis l'indépendance», considérant, chiffres à l'appui, l'industrie pharmaceutique come un fleuron et un champion de l'industrie nationale. M. Baha ne manquera à cette occasion de forcer tout le trait sur «la nouvelle politique nationale en matière de santé», sous toutes ses formes, notamment la mise en place des régimes de couverture médicale comme l'AMO et le nouveau-né, le RAMED, sans oublier la PPN (Politique pharmaceutique nationale) qui ambitionne de répondre aux attentes des malades tout en tenant compte de la viabilité des laboratoires, des pharmaciens et de tous les professionnels du secteur. Pour beaucoup d'autres, les pays arabes, dans le contexte actuel caractérisé par une économie mondialisée toujours en mouvement, doivent s'adapter à des changements de situations quitte à favoriser «un dynamisme résilient» capable de protéger leurs citoyens des réseaux internationaux de la contrefaçon et des médicaments de mauvaise qualité . D'où l'intérêt de la déclaration d'Ifrane qui regroupe une série de recommandations dont l'axe nodal est la nécessite d'harmoniser les outils de régulation du secteur pharmaceutique dans les monde arabe tout mettant le pharmacien d'officine au cœur de la politique de santé. La rencontre d'Ifrane n'aura-t-elle été qu'une grand-messe ou peut-elle déboucher sur des engagements des Etats ? S'il est trop tôt pour le dire, la qualité des débats et les résolutions adoptées permettent, au moins, comme le résume si bien le Docteur Rhaouti, de définir une série de priorités, de préciser les enjeux et les options à explorer. Les officinaux repartent, eux, avec une conscience plus aiguë des défis à relever. Quant aux Etats, «qu'on ne s'y trompe pas», déplore un congressiste.