«Le cinéma est la synthèse de tous les arts» Hakim Noury est l'un des fondateurs du cinéma marocain. Il s'agit là d'un acteur et réalisateur qui illustre très bien la réalité de notre quotidien. Ce réalisateur d'une pléiade de films dont «Angoisse» (un téléfilm pour la chaine marocaine 2M en 2011), «Elle est diabétique et hypertendue et elle refuse toujours de crever» (long métrage en 2005), Islamour (long métrage en 2006) et bien d'autres, est né en 1952 à Casablanca. Hakim Noury, a été président de la Chambre marocaine des techniciens du film de 1992 à 1997, puis vice-président de la Chambre marocaine des producteurs de films. Al Bayane : Que veut dire le cinéma pour Hakim Noury ? Hakim Noury : Le cinéma pour moi est la synthèse de tous les arts, peinture, musique, littérature, et c'est le moyen d'expression le plus complet et le plus impactant. La force de l'image est inégalable. Pour moi le cinéma est un outil parfait pour dénoncer les injustices sociales et tous les maux dont souffre notre société. C'est le miroir de notre quotidien. Quelle est votre histoire avec les chaînes marocaines ? Mon histoire avec les TV marocaines est incroyable mais vraie ! Avant 2001, je ne faisais que des films de cinéma, mais quand Nour Eddine Sail est devenu directeur général de 2M, il a eu l'intelligence de produire des fictions marocaines. Et en homme intelligent, il a fait appel à des réalisateurs de cinéma. Les films produits à l ‘époque étaient bien faits, avec une écriture cinématographique, une esthétique, une direction d'acteurs. Malheureusement, et depuis que Salim Cheikh a pris la destinée de la chaine en main, il a eu la bonne idée de me dire qu'il fallait laisser la place aux jeunes (sic !). C'était en 2008, j'avais 56 ans et selon lui j'étais bon pour la retraite. Ce que ce monsieur ignore c'est qu'un réalisateur n'est pas un joueur de foot qui finit sa carrière à 34 ans ! Selon sa logique, messieurs Clint Eastwood (84 ans) Steven Spielberg (67 ans), Martin Scorsese (70 ans), James Cameron (60 ans) Woody Allen (78 ans) et j'en passe devraient être aussi à la retraite depuis très longtemps ! C'est quand même triste d'entendre ce genre de discours de la bouche d'un directeur général d'une chaine ! Et pour finir, sachez que depuis 2007, mes projets sont systématiquement rejetés. Quant à la SNRT, je viens de voir aujourd'hui que le premier appel d'offres pour la production de séries, téléfilms, etc., pour le Ramadan a été lancé. Enfin, on va commencer à voir le bout du tunnel. Je déplore seulement qu'il est déjà trop tard pour commencer à partir du mois de mars à préparer une série qui doit être prête une semaine avant le ramadan, et qui nécessite plusieurs mois de préparation. En tout cas c'est mon point de vue, on ne peut pas faire un travail de qualité en faisant vite parce qu'on est tenu par une échéance. J'espère que désormais les appels d'offres pour les projets du ramadan soient lancés un an avant afin que les sociétés de production puissent planifier leur travail et surtout travailler à l'aise sans la pression de l'échéance pour que la qualité soit assurée. On a entendu dire que votre dernier long métrage a été rejeté par la commission du fonds d'aide. Avez-vous une justification à ce propos ? En effet, cette commission a rejeté mon film en m'envoyant une lettre sommaire dans laquelle il est écrit en gros que le scénario est mauvais, que les personnages sont superficiels, bref que c'est nul quoi ! Quelle est votre appréciation de cette réponse défavorable ? Avec une commission pareille, je n'attends plus rien. Alors j'attendrai une autre commission pour présenter mon projet, qui, soit dit en passant, a été lu par de nombreuses personnes, et non des moindres, et qui ont été surprises de voir ce scénario traité de la sorte par ladite commission. Nous sommes en plein délire dans ce pays. Et ce qui est encore plus grave, c'est qu'une commission d'une poignée de personnes décide de ce que le public doit ou ne doit pas voir. Nous ne sommes pas loin du dirigisme totalitaire dans toute sa splendeur! D'après vous, existe-il un cinéma marocain ? Bien sûr qu'il existe, avec une poignée de cinéastes nous avons assis les fondements de ce cinéma depuis 35 ans. Je crois que le cinéma marocain ne peut exister que sur la base d'une production de qualité. Nous avons d'excellents techniciens professionnels, du très bon matériel, bref tout pour qu'une véritable industrie existe, malheureusement, tant qu'il existera des commissions qui décident pour tout un peuple, et qui rejettent les projets de réalisateurs qui ont construit ce cinéma, nous irons droit dans le mur. D'après votre longue expérience dans le domaine du cinéma, vous pensez que les jeunes réalisateurs d'aujourd'hui auront une chance pour réaliser leurs rêves ? Et s'il fallait leur donner un conseil, que diriez-vous ? Nous avons des jeune réalisateurs qui promettent et il n'y a aucune raison qu'ils ne réalisent pas leurs rêves, d'autant plus qu'ils ont la tâche beaucoup plus facile que nous lorsque nous étions jeunes. Je n'ai de conseils à donner à personne. Tout ce que je peux dire c'est qu'ils aient la même passion que leurs aînés qui ont commencé à faire des films de manière artisanale et qui ont fait en sorte par leurs efforts et leur lutte que ces jeunes réalisateurs puissent travailler plus aisément aujourd'hui. Ils doivent être conscients qu'ils ont une lourde responsabilité. Quel regard portez-vous sur la production «cinématographique» marocaine ces dernières années ? Il y a du bon et du mauvais comme cela a toujours été le cas. Avez-vous un appel à lancer ? J'aimerais que le public soit consulté sur les réalisateurs et les sujets qu'il a envie qu'on lui présente. Les commissions devraient lancer des sondages à ce sujet. Il est injuste de décider ce qu'un public doit obligatoirement voir.