Une illustration d'une bonne administration de la justice Le procès des 24 prévenus de Gdeim Izik a alimenté en articles la presse marocaine et étrangère depuis plusieurs jours. Si le report du procès pour une semaine donnera matière à publication pour ces mêmes médias, il est fort à parier que peu nombreux seront ceux qui verront dans ce traitement médiatique effréné, une justification probable du report. Pourtant, la décision du report du procès ne peut s'expliquer que par un souci de bonne gestion de la justice. En effet, les articles 23 et 199 de la Constitution marocaine de 2011, consacrent le droit à la présomption d'innocence pour tout individu soumis à une juridiction marocaine. L'article 117 de la Constitution dispose, quant à lui, que le juge est en charge de la protection des droits et libertés ainsi que de la sécurité judiciaire des personnes. Cette sécurité judiciaire s'exprime, entre autres, par la préservation des droits devant les juridictions pénales. Dès lors, le juge a un devoir constitutionnel de garantir à tout prévenu la protection de la présomption d'innocence, tant que tout jugement définitif n'a pas été prononcé. Dans ce cadre, le traitement réservé au procès de Gdeim Izik sur plusieurs sites d'information étrangers, en particulier ceux tenus par les séparatistes et l'Algérie, ont nourri différents commentaires passionnés. Des débats intenses ont alors fleuri et ont fini par reléguer au second plan les faits juridiques présents dans le dossier. Il est donc évident, dans ce contexte, que la préservation de la présomption d'innocence, aux yeux de l'opinion publique, était devenue une gageure. Un des outils à la disposition des magistrats pour l'accomplissement de leur devoir constitutionnel est la capacité de prendre des actes juridictionnels. Contrairement aux actes judiciaires, qui consistent à dire le droit, les actes juridictionnels s'inscrivent dans le cadre de la bonne administration de la justice. Il s'agit de gérer le fonctionnement de la justice, du déroulement du procès pénal par exemple, dans un souci de bonne gouvernance qui serait propre à la sphère juridictionnelle. Les magistrats du siège ont ainsi une totale liberté pour organiser les débats, ouvrir et ajourner les séances et décider de l'ordre des auditions. Dans le cadre du procès des 24 prévenus de Gdeim Izik, il était certain que plusieurs éléments étaient réunis pour porter atteinte à l'exercice paisible de la justice pénale. Dans ce cadre, le report du procès d'une semaine peut s'expliquer par cette volonté de préserver la sérénité des débats ainsi que la présomption d'innocence dont jouissent les prévenus. Il s'agirait alors d'une grande maturité dont aurait fait preuve la justice marocaine, maturité qui fut, par ailleurs, constatée par les observateurs internationaux qui se sont exprimés à la suite de la première journée du procès. Il reste alors à savoir si les médias prendront également leur responsabilité en ne confondant pas droit à l'information et droit à la polémique. * Spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis d'Amérique Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales