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Décès du Professeur Driss Ben Ali
Un illustre savant s'en va
Publié dans Albayane le 05 - 02 - 2013


Un illustre savant s'en va
La communauté scientifique et la famille progressiste viennent de perdre un illustre savant et un patriote hors pair, à savoir le Professeur Driss Ben Ali. Le regretté Si Driss, décédé dimanche dans une clinique à Marrakech après une longue hospitalisation, sera inhumé au cimetière de Rabat ce mardi après la prière d'Addohr.
En cette douloureuse circonstance, nous présentons nos sincères condoléances à toute sa famille, ses proches et ses amis. Puisse Dieu avoir le défunt en Sa Sainte miséricorde. «Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournons».
Un homme de science et un militant pour la démocratie
Cher ami Driss, tu viens de nous quitter prématurément, à la suite d'une maladie dont tu n'as pas pu te remettre. J'ai eu la chance de te voir trois jours avant ta disparition dans la clinique où tu fus hospitalisé à Marrakech sous les soins bienveillants de ta petite famille. Je t'ai trouvé abattu par ta maladie, mais sans rien perdre de ta vivacité et de ta générosité intellectuelle. Tes derniers sourires me manqueront à jamais ! Je t'ai connu il ya plus de trente ans, plus exactement en 1976. Ce fut à Grenoble. Tu étais sur le point de soutenir ta thèse d'Etat en sciences économiques sur « la formation économique et sociale précoloniale », thèse soutenue brillamment. Une fois ton diplôme dans la poche et amplement mérité, tu décidas de rentrer au Maroc, ton pays que tu as tant aimé et auquel tu as tant donné sans chercher la moindre récompense. Tu rejoignis l'université en tant qu'enseignant-chercheur. Ainsi, tu as enseigné à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, à l'Université Hassan II Ain Chock de Casablanca et à l'université Mohamed V Agdal. Les milliers d'étudiants qui ont suivi tes cours, dont une grande partie occupe aujourd'hui des postes de responsabilité, peuvent témoigner de ta rigueur, de ta probité et de ton engagement scientifiques. A toi seul, tu formais une école de pensée. Parallèlement à tes activités académiques, tu menas ton combat sur le front démocratique. Dès ton jeune âge, tu adhéras au Parti de Libération et du Socialisme, devenu en 1974 Parti du progrès et du Socialisme avec lequel, j'en suis témoin, tu n'as jamais rompu du moins sur le plan affectif. Tes analyses et contributions au sein de la Commission économique du Parti ont été d'un grand apport. Etudiant en France, tu étais omni- présent dans les assemblées générales de l'UNEM (Union Nationale des Etudiants du Maroc) où tu étais apprécié par tes amis et redouté par tes adversaires grâce à tes talents d'orateur et à tes capacités de l'argumentaire. Tu ne cédais jamais sur les principes et les intérêts suprêmes de la Nation surtout en ce qui concerne la défense de notre intégrité territoriale. Connu par ton franc-parler et ta sincérité dans les propos, tu étais un homme entier. Tu savais dire non quand il le fallait. Tu es resté fidèle à tes idées et à tes idéaux qui t'ont donné le sens de la vie jusqu'au bout. Partout où tu intervenais- télévision, tables rondes, presse écrite- tu n'as jamais mâché tes mots ou cherché à plaire à qui que ce soit. Pour toi, la seule chose qui compte, c'est de dire la vérité et d'exprimer tes convictions. Fils de peuple, issu du quartier populaire de Lâakkari à Rabat, tu as consacré toute ta vie à défendre les déshérités et à dénoncer l'injustice sous toutes ses formes. Tes écrits constituent un véritable manifeste pour la démocratie. Ta formation en économie, ne t'a pas empêché d'embrasser d'autres domaines de la connaissance au point de devenir une « encyclopédie vivante ». Tu faisais partie, et tu le resteras, de ces rares intellectuels qui ont su allier la théorie à la pratique. La communauté scientifique et universitaire dans sa diversité te rend aujourd'hui un vibrant hommage. Les forces sociales éprises de justice et de démocratie t'expriment toute leur reconnaissance. Les nouvelles générations feront de ton œuvre et de ton expérience un modèle à suivre.
Abdeslam Seddiki, Professeur de l'Enseignement Supérieur
et fidèle ami du regretté Si Driss ben Ali
Le modèle de l'intellectuel
Un des meilleurs fils de la Patrie nous a quittés. Le professeur Driss Benali est entré dans la Grande Harmonie des âmes qui n'ont pas vécu pour rien. Sa vie a été et restera une grande valeur ajoutée à la construction de la conscience collective autour des valeurs de probité, d'intégrité et de respect de la dignité humaine.
Il est le modèle de l'intellectuel marocain qui n'a pas vendu son âme au tout offrant. Parmi ses apports scientifiques et méthodologiques celui de ne jamais dissocier l'analyse économique d'une approche systémique et de la profondeur historique indispensables à la compréhension du monde et à l'action efficiente pour le transformer. Mon grand ami, mon maitre tu n'as pas succombé aux sirènes des économistes standardisés par les approches dites projets qui ne voient dans la résolution d'un problème économique ou social que sa seule propension à générer de nouvelles affaires. Des malheurs d'autrui ils arrivent à fonder la richesse des rapaces. Par ta vie tu es entré dans le cercle restreint des Hommes d'honneur, des CHORAFA comme on le dit si bien chez nous. Dieu reconnait les siens : ceux qui ont fait, qui ont bâtit, qui ont élevé la conscience de l'être vers le firmament de son humanité. Au Paradis des gens du Bien, nul doute que tu auras une place des meilleures dans la Grande Harmonie. «Nous sommes à Dieu et à lui nous retournons». Quel beau retour tu viens de faire mon ami, mon maitre.
Abdelmajid Temsamani
Economiste et habile communicant
Universitaire brillant, acteur associatif, habile communicant et grand habitué des médias, feu Driss Benali est avant tout un grand économiste qui s'est, de plus en plus, fait remarquer pour son franc-parler et ses analyses sans détour des questions économiques et sociales, au fil de dizaines d'années de parcours.
Benali, décédé dimanche à Marrakech des suites d'une longue maladie à l'âge de 69 ans, a grandi à Rabat entre les quartiers Diour Jamaâ et Akkari, fief du mouvement national à l'époque du protectorat. Il perd son père alors qu'il n'avait que deux ans et est élevé par sa mère, tangéroise, et ses grands-parents paternels.
Le jeune Driss intègre le lycée Moulay Youssef à Rabat, puis une année au lycée Belkhatib à Tanger avant de partir en France pour poursuivre ses études. Il a 18 ans quand il assiste à la constitution du premier Parlement marocain en 1964.
Son Bac français en poche, il choisit de faire des études universitaires en Economie à Grenoble, au terme desquelles il décide de revenir au bercail puisqu' il n'imaginait tout simplement pas sa vie en dehors du Maroc. Sa motivation première fut, selon lui, de "donner un sens à sa vie et d'apporter sa contribution à la société". Sur la trajectoire professionnelle qu'il s'est greffée, il est tout aussi catégorique : "J'ai commencé par des études commerciales puis l'expertise comptable, mais tout cela ne m'avait pas vraiment emballé. Mais l'économie, oui !", tenait-il à nuancer.
Il commence sa carrière au Maroc à la Faculté Hassan II de Casablanca avant de rejoindre l'Université Mohammed V à Rabat.
Durant plus de trois décennies, il a marqué de son empreinte des générations de cadre et de décideurs, surtout par sa stature d'économiste qui sort des sentiers battus pour donner son avis sur les grandes problématiques de l'économie.
Père d'un fils unique, le défunt était professeur à l'université Mohammed V de Rabat, spécialiste du Maghreb, consultant national et international et président de la commission d'aide à la production cinématographique. Il est aussi l'un des fondateurs de l'association Maghreb Plus.
Il est l'auteur d'une série de livres et écrits, dont "développement et transition vers l'économie du marché", "commerce Nord-Sud", "analyser les relations Nord-Sud" et "économie du développement". Il a en particulier estimé nécessaire pour le Maroc, dans le contexte de crise économique mondiale, de revoir la construction de ses bases économiques, de s'industrialiser davantage et de ne plus dépendre de secteurs vulnérables tels que le tourisme et l'offshoring qui eux mêmes relèvent de la conjoncture mondiale.


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