Le gouvernement est confronté à l'un des grands problèmes auxquels il doit absolument apporter une solution au cours de son mandat. C'est un problème du pays tout entier hérité du passé, mais dont la complexité n'a fait que s'aggraver. Il s'agit de la problématique de la compensation et de son coût excessif sur le budget de l'Etat pour des résultats fortement disproportionnés. Ce constat fait aujourd'hui l'unanimité car personne ne peut nier le fait que ce sont les riches qui s'accaparent la part de lion des subventions publiques allouées à la Caisse de compensation et à l'ONICL (Office interprofessionnel des céréales et légumineuse). A en croire certaines déclarations de presse, le ministère chargé de la gestion de ce dossier, en l'occurrence celui des Affaires générales et de la gouvernance, a déjà ficelé la réforme sur le plan technique et il ne reste plus que «la décision politique». La réforme envisagée, semble-t-il, va dans le sens d'une libéralisation progressive des prix couplée à un ciblage des foyers pauvres et défavorisés dont le nombre est estimé à quelque 2 millions de manages, soit pratiquement les 8,5 millions de personnes éligibles au RAMED (Régime d'assistance médicale). Bien sûr, en l'absence de données officielles du gouvernement qui expriment clairement ses véritables intentions en la matière, nous ne pouvons pas discuter sur la base des informations partielles et des déclarations circonstancielles. Ce qui ne nous empêche pas pour autant d'exprimer un avis en guise de contribution à un débat national que nous souhaitons de tous nos vœux, ne serait-ce que pour couper court à la médiocrité ambiante du débat politique de ces dernières semaines ! Ainsi, qui dit réforme de la compensation, ne dit pas nécessairement libéralisation des prix. La différence est de taille. Or, il ya plusieurs manières de procéder sans bouleverser l'ordre social et l'équilibre du pays qui reste malgré tout fragile. Dans ce sens, on ne peut pas, on ne doit pas, appliquer la même thérapeutique aux quatre produits subventionnés à savoir, le pain (la farine), le sucre, les produits pétroliers et le gaz butane. Les problèmes de ces filières sont de nature différente et les montants alloués à chacune sont variables, sachant que ce sont les produits pétroliers et le butane qui drainent l'essentiel des subventions, soit près de 84%. Il faut par conséquent procéder au cas par cas. Mais auparavant, il y a un travail préliminaire à faire, celui de la clarification de la gouvernance de ces filières et d'une réforme interne de leur fonctionnement. Une telle action épargnerait au budget entre 20 et 30 % des subventions ! Dans un deuxième temps, nous pensons qu'il serait utile de renforcer la récupération pour certains produits, notamment pour le sucre utilisé dans les industries de transformation, ce qui nous ferait épargner plus de la moitié des subventions allouées au sucre. Pour les produits pétroliers, on doit renforcer les mesures adoptées dans les lois de finances 2012 et 2013 consistant à augmenter le prix des vignettes annuelles sur les véhicules dont la charge fiscale dépasse les 11 chevaux par d'autres mesures à caractère fiscal, notamment en instaurant une TVA de 30% et une taxe de «solidarité nationale appropriée». De la sorte, le budget récupère sinon la totalité, du moins une grande partie, de la subvention dont bénéficieraient les riches. Notons par ailleurs que les produits pétroliers rapportent au budget de l'Etat, sous forme de TIC (taxe intérieure de compensation), la coquette somme de 13 milliards de DH ! Pour ce qui est du ciblage, qui a donné de bons résultats dans certains pays et de moins bons dans d'autres, nous ne pensons pas qu'il soit approprié de l'appliquer dans notre pays, du moins dans le contexte actuel. Son coût est prohibitif sur le plan financier. Ainsi, croyons-nous, il vaudrait mieux cibler les riches dans un premier temps pour réduire substantiellement le nombre de pauvres. Dans un deuxième temps, la démocratisation de notre pays et l'amélioration du fonctionnement de ses institutions aidant, on pourra cibler les pauvres. Tenons nous pour l'heure au programme gouvernemental qui dit expressément : «le gouvernement œuvrera à poursuivre la réforme du régime de la compensation dans le but de maîtriser son coût en rationalisant la composition des prix des produits subventionnés et la manière dont bénéficient les différents secteurs, tout en préservant le pouvoir d'achat des classes pauvres et moyennes et en ciblant les populations démunies à travers une subvention monétaire directe liée à la scolarité et l'accès à la santé tout en les incitant à adhérer aux programmes de lutte contre l'analphabétisme et des activités génératrices de revenu, subvention financée par la création d'un Fonds de solidarité alimenté par des participations de solidarité» (traduit par nous même). C'est donc cette vision de progressivité et de réforme qui doit prévaloir, celle qui s'inscrit dans la logique même poursuivie par le Maroc depuis l'adoption de la nouvelle constitution. Toute autre solution qui opte pour la rupture et la radicalité et qui ne cadre pas avec cette démarche globale est vouée à l'échec. A bon entendeur salut ! *Membre du Bureau Politique du PPS et Professeur à la FSJES Rabat Agdal