Selon les statistiques du Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc (CAPM), 900 cas d'empoisonnements par les pesticides ont été recensés en 2011. C'est la quatrième cause d'intoxications après les médicaments, les produits gazeux et les aliments. A vrai dire, ces statistiques restent très en dessous de la réalité, puisque de nombreux intoxiqués ne s'adressent pas automatiquement aux services sanitaires. D'ailleurs, les manipulateurs des pesticides sont mal informés et ignorent les risques et les dangers potentiels de ces produits. Il faut préciser que le Maroc utilise annuellement 14 mille tonnes de pesticides (herbicides, fongicides, insecticides, acaricides, raticides, nématicides et molluscides) qui contribuent sans aucun doute à la protection des cultures et à l'amélioration de la production agricole. Si ces produits sont mal utilisés, ils génèrent des effets négatifs dont les conséquences s'avèrent évidentes : effets à long terme sur la santé des utilisateurs et des personnes exposées, effets sur l'environnement (pollution des eaux, contamination des sols et de l'air, destruction des insectes pollinisateurs et auxiliaires, etc.), présence de résidus de pesticides dans les produits agricoles et développement de la résistance des adventices, des agents pathogènes et des ravageurs aux pesticides. Les risques des pesticides sur la santé de l'homme sont réels puisque ces substances sont susceptibles de pénétrer le corps humain par différentes voies (cutanée, respiratoire, orale, oculaire) lors de leur manipulation. Eviter l'intoxication par les pesticides est surtout une question de prévention. Le port systématique de vêtements de protection appropriés (combinaison, bottes, gants, lunettes, masque et chapeau) évite l'intoxication directe et aiguë, et prévient également des effets à plus long terme liés à une toxicité chronique. Il est malheureux de constater que les applicateurs de pesticides sont souvent réticents à porter ces vêtements de protection, certainement pour des raisons de confort. Cependant, il faut prendre conscience que ces accessoires de protection des applicateurs sont nécessaires et qu'il faut les porter systématiquement lors de l'utilisation des produits phytosanitaires. Former et encadrer les agriculteurs Les spécialistes sont convaincus qu'il est possible de réduire ou d'éviter les intoxications dues aux pesticides grâce à une meilleure information du public et une implication des médecins du Centre antipoison et de pharmacovigilance et des agronomes du ministère de l'Agriculture. Les sociétés phytopharmaceutiques doivent également y être impliquées. Il est urgent de procéder à la formation et à la sensibilisation des applicateurs de pesticides, à la distribution des accessoires et des vêtements de protection, à la distribution des fiches et dépliants concernant la sécurité des applicateurs et à la diffusion des spots publicitaires sur les radios et les télévisions. N'oublions pas que ces mesures préventives pourraient limiter la gravité des cas et les dépenses engendrées par la prise en charge des intoxiqués. Dans ce sens, la direction régionale de l'Agriculture de Chaouia-Ouardigha a organisé dernièrement à Settat des journées de formation sur «la sécurité des applicateurs de pesticides». Ces journées ont été organisées au profit de 181 agriculteurs de cinq associations qui exploitent 1000 hectares. Ces journées ont permis aux participants de prendre connaissance des bonnes pratiques agricoles en général et les techniques d'application des produits phytosanitaires en particulier. D'éminents spécialistes ont assuré la formation, et il est souhaitable à ce que d'autres directions régionales de l'Agriculture prennent la même initiative pour former les agriculteurs dans le domaine de l'emploi correct des pesticides sans nuire à l'environnement, aux applicateurs et aux consommateurs. * expert agronome