En pleine période de crise que traverse l'Espagne, le travail domestique se distingue comme l'activité la plus dynamique. Ceci est confirmé dans les données globales de la Sécurité sociale de 2012, selon lesquelles 114.000 nouveaux affiliés à cet organisme proviennent du travail domestique alors que le total des travailleurs actifs a baissé de 4,57%, soit une perte nette de 787.240 personnes. Mercredi, l'Organisation internationale du travail (OIT) a rendu public un rapport intitulé «Travailleurs domestiques: estimations mondiales» élaboré sur la base des statistiques officielles de 117 pays et territoires, qui relève que l'Espagne se place en tête des pays européens en nombre de travailleurs domestiques. Le rapport, qui présente une nouvelle estimation de 52,6 millions de travailleurs domestiques de par le monde en 2010, constitue un document de grande signification pour les chercheurs, syndicats, hommes politiques et défenseurs des droits de l'homme. Selon les estimations de l'OIT, 52,6 millions de personnes exerçaient comme travailleurs domestiques en 2010 contre 33,2 millions en 1995. La même source exclut de cette estimation près de 7,4 millions de mineurs employés dans ce secteur. Au niveau mondial, le travail domestique représente 3,5% des emplois des femmes et même, dans certaines régions, jusqu'à un emploi féminin sur cinq (Moyen-Orient) ou un sur six (Amérique latine et Caraïbes), observent les rédacteurs du rapport. Ce qui est surprenant dans cette étude est la description faite de cette catégorie d'activité où «les travailleurs domestiques sont souvent confrontés à des salaires très bas, des horaires de travail excessifs, l'absence d'un jour de repos hebdomadaire garanti, et sont parfois en butte à des violences physiques, psychologiques et sexuelles ou se voient imposer des restrictions à leur liberté de mouvement». L'OIT va trop loin dans son rapport en accusant les gouvernements d'un certain laxisme du fait que «l'exploitation des travailleurs domestiques, en partie imputable à des lacunes dans les législations nationales du travail, est souvent le reflet de discriminations fondées sur le sexe, la race et la caste». A titre d'exemple, 15,7 millions de travailleurs domestiques ne sont pas soumis à la législation du travail nationale ou sont régis par des régimes intermédiaires. Ceci a pour conséquence l'absence de protection du travailleur domestique en cas de litige, de maladie ou de vieillesse. L'étude diagnostique trois problèmes essentiels qui viennent souvent dans les revendications syndicales : la réglementation du temps de travail, le régime de salaire minimum et les paiements en nature, et, la protection de la maternité. A l'instar du reste du monde, le travail domestique a doublé en Espagne en l'espace de quinze ans passant de 335.000 en 1995 à 747.000 en 2010. En comparaison avec les autres pays de l'Union européenne, la France compte 589.900 travailleurs domestiques. Elle est suivie de l'Italie avec 419.400 travailleurs. Aux Etats-Unis, ce chiffre atteint 667.000. Il y a seulement quelques mois, l'Espagne a connu une amélioration au plan législatif concernant cette activité à la suite de l'adoption par le parlement de la loi de régularisation du service domestique, après un combat qui avait duré plusieurs années et mené par les associations de femmes de ménages, les ONG et les syndicats. Jusqu'à 2011, seuls 297.000 employés de ménage étaient affiliés au Régime spécial du travail au foyer de la Sécurité sociale. L'Enquête sur la population active révèle en outre que 700.000 ménages déclarent avoir engagé un employé domestique. Le reste (plus de 400.000) exerce dans la clandestinité sans déclarer sa situation professionnelle. La nouvelle norme leur permet de cotiser au Régime général de la Sécurité sociale qui les place au même pied que le reste des travailleurs avec davantage de protection sociale. Actuellement, le travail domestique en Espagne est considéré comme une niche professionnelle fortement associé au phénomène migratoire et au secteur informel. Devant la croissante incorporation de la femme étrangère au travail domestique rémunéré et le progressif abandon par les femmes autochtones de cette activité, se sont développés des travaux de recherche sur la manière d'améliorer le statut de la femme de ménage aussi bien au plan législatif que professionnel. La préoccupation de tous ceux qui s'intéressent à cette activité provient surtout de la marge qui est lui est accordée dans le cadre législatif et à la Sécurité sociale. La situation des travailleurs domestiques conduit souvent à des situations de conflit dans les relations entre employeur et employé et à la prolifération de la précarité au marché du travail. Pour l'enchevêtrement des aspects affectifs et professionnels, il est difficile de déterminer le degré de transparence qui pourrait prévaloir dans l'engagement des employés de ménage et dans les rapports avec son entourage. Comme il s'agit d'une activité qui se développe dans un espace de travail particulier, trois valeurs de difficile quantification dans le contrat prédominent, à savoir l'intimité, la loyauté et la confiance. Les modalités qui régissent le travail domestique (interne, externe, demi-journée, soins de vieux et de mineurs, etc.) conduisent à une forte charge professionnelle et à un haut degré d'instabilité affective pour la constante peur de perte de l'emploi. De manière que la femme de ménage se convertit en «esclave» d'un travail qui est dans la majorité des cas moins rémunéré en comparaison avec les autres activités. Le travail domestique se définit souvent comme «une forme d'exploitation invisible qui a son origine, d'un côté, dans la pauvreté des pays d''origine des victimes, et de l'autre côté, dans la récente demande de services domestiques pour la généralisation du travail des femmes dans la société occidentale. Une telle réflexion ouvre le débat autour de la relation employée/employeur et les droits et devoirs de chaque partie. Comme il est admis qu'il s'agit d'une activité rémunérée pour la prestation de services, l'intervention du législateur devient indispensable pour réguler la relation professionnelle qui existe entre l'employée et son contractant.