Un rendement à l'épreuve d'appréciations différenciées Dans quelques jours le gouvernement dirigée par M. Abdelilah Benkirane aura soufflé sa première bougie, dans un contexte ambivalent quant aux appréciations portées sur le bilan du gouvernement et sur sa gestion des différents dossiers, des appréciations partagées entre ceux qui considèrent que l'équipe gouvernementale n'a pas vraiment entamée les réformes promises à l'électoral et ceux qui qualifient son rendement de satisfaisant malgré les multiples contraintes d'ordre économique, politique et social. De l'avis du Pr. Khaled Yaymout , chercheur en sciences politiques, on ne peut parler de bilan du gouvernement sans prendre en compte les circonstances générales qui l'ont secrété, à savoir le contexte des révolutions arabes et la crise économique qui a frappé le monde, particulièrement l'Europe , avec ses répercussions négatives sur le Maroc, de par la nature de ses relations avec ce continent, premier partenaire économique du Royaume. Evoquant le contexte national, M. Yaymout a déclaré à ce sujet à la MAP, que le gouvernement actuel est le premier issu d'élections créditées du plus haut degré d'honnêteté dans l'histoire du Maroc, ce qui a donné lieu à une composition gouvernementale consécutive à l'adoption de la constitution de 2011 consacrant les repères pour l'ancrage démocratique du pays. Pour sa part, M. Mohamed Darif, professeur de sciences politiques, a fait savoir à la MAP que l'évocation du bilan du gouvernement actuel amène plusieurs interrogations, particulièrement en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle loi fondamentale, faisant remarquer à ce propos que le processus de mise en œuvre du plan législatif, après une année d'exercice gouvernemental, est marqué par la lenteur. Il a noté, à cet égard, que seul un projet de loi organique, celui relatif aux hautes fonctions a été adopté alors que le processus d'adoption d'autres textes tout aussi fondamentaux, comme les dispositions relatives aux élections locales, n'a pas encore été entamé au moment même où l'on évoque l'année 2013 comme échéancier pour l'organisation de cette consultation. Pour Le pr. Darif, le débat sur le bilan est en relation étroite avec les grands engagements contractés par le gouvernement, qui sont sujet à des interrogations de la part des citoyens, ainsi qu'avec certaines grandes promesses relatives à l'amélioration des conditions sociales et économiques de larges couches. Il souligne que ces promesses ont été contrariées par la hausse des prix de certains produits de base et des carburants, avec de surcroît un climat d'incertitude entourant l'orientation à imprimer à la caisse de compensation, d'autant plus que le Parti de la justice et du développement (PJD), qui dirige la coalition gouvernementale parlait auparavant d'une centaine de mesures à prendre dont certaines n'exigeant aucune incidence financière. En revanche, le président du groupe de la Justice et du développement à la chambre des représentants, M. Aballah Bouanou considère que le gouvernement s'est dès le début attelé à la tâche, en se fixant trois priorités à savoir la lutte contre la corruption à travers la concrétisation du programme gouvernemental en matière de lutte contre le monopole , l'économie de rente et les prévarications dans le domaine des marchés publics . Il a évoqué à ce propos certaines décisions importantes allant dans ce sens, en particulier la publication des listes des associations bénéficiant de subventions dans différents domaines d'activités surtout ceux en rapport avec la société civile. Il en a été de même pour les listes des exploitants de carrières, des titulaires d'agréments de transport et des bénéficiaires des logements de fonction dans le secteur de l'enseignement. M. Bouanou a cité, dans ce même registre, les mesures consistant à supprimer le recrutement direct dans le but de consacrer le principe de l'égalité de chances entre tous les lauréats et l'interdiction du cumul des fonctions dans les secteurs public et privé, particulièrement dans le secteur de la santé. Au niveau social, M. Bouanou a estimé que le gouvernement a procédé à la mise en œuvre de plusieurs propositions qui ont porté notamment sur la mise en place du Fonds de cohésion sociale et l'augmentation des bourses réservées aux étudiants en faisant observer que les modalités de concrétisation de ces mesures se sont ressenties sur l'amélioration des conditions d'un million de familles à travers les prestations du programme d'assistance médicale ( RAMED) , outre la création par le gouvernement de quelque 50.000 emplois, soit un nombre plus élevé que l'ensemble des postes créés entre 2007 et 2011. A ce propos, le pr. Khaled Yaymout considère que les mesures prises pour combattre l'économie de rente, source d'avantages divers, constituent un début de solution pour remédier aux dysfonctionnements et dérèglements constatés , que ce soit à travers les dispositions de la loi de finances ou à travers la vision première qui s'est dégagée pour la réforme de la caisse de compensation, de sorte à l'habiliter à jouer pleinement le rôle qui lui est dévolu en matière économique et sociale. Sur le registre économique, M. Bouanou soutient que le gouvernement s'est employé à instaurer une relation rénovée et claire avec le patronat à travers l'activation des mécanismes de concertation et de dialogue et s'est attaché, à l'occasion des rencontres qu'il a eues avec les hommes d'affaires, à décliner une panoplie de mesures visant faciliter le climat des affaires et à lever les obstacles qui entravent les efforts de densification des investissements . Il a fait savoir à ce sujet que la commission des investissements a approuvé récemment 35 projets d'un montant de 18, 7 milliards de dhs qui devront générer environ 4700 postes d'emploi. Il a de même signalé la création d'une commission de suivi de la mise en œuvre des projets d'investissement ayant compétence en matière de réalisation des projets menés avec la participation de l'Etat , outre le soutien apporté aux petites et moyennes entreprises . Au regard des attributions nouvelles conférées par la nouvelle constitution au chef de gouvernement, le Pr. Darif invoque la thèse avancée par certains observateurs selon qui le rendement mitigé du gouvernement serait lié à la nature de sa composition ( une coalition composée de quatre partis très différenciés dans leurs repères et référents), ce qui, par conséquent, obère son action pour faire accéder le Maroc à une phase nouvelle . M. Darif fait observer que le Parti de la Justice et du Développement, qui pilote la coalition gouvernementale doit sa crédibilité aux critiques adressées aux équipes qui l'ont précédé. Or le fait qu'il côtoie aujourd'hui dans le même gouvernement des partis qu'il ne ménageait de ses critiques, a créé chez une partie de l'opinion une certaine perplexité, au point que certains, selon M. Darif, qualifient ce gouvernement, de gouvernement Abbas El Fassi remodelé. Bien que, selon le pr. Darif, des interrogations se posent avec insistance au sujet de la concrétisation des engagements du gouvernement sur la base du programme gouvernemental, M. Abdallah Bouanou n'en exprime pas moins sa satisfaction du bilan et du rendement du l'actuelle équipe. Le pr. Yaymout, lui, dégage le constat que la période qui s'est découlée depuis l'investiture du gouvernement actuel, soit une année, a été celle du défi économique, un défi qui s'impose comme première priorité au vu du passif considérable laissé par les politiques antérieures, avec ses contrecoups sur les structures de l'économie nationale.