La santé des travailleurs n'a pas de prix Il y a des sujets qui paraissent décalés par rapport à la gravité prégnante de l'actualité. Mais la question de la santé et de la sécurité au travail ne peut être maintenue dans l'impasse, tant que les accidents liés au travail, particulièrement dans des secteurs à hauts risques (BTP, chimie et parachimie, textile...) évoluent, chez nous, à une fréquence alarmante. Aujourd'hui, au Maroc, la problématique de la santé au travail a mérité un débat. Au-delà d'une prise de conscience, la «Journée», organisée hier mercredi 19 décembre à Casablanca, à l'initiative de la CMIM (Caisse mutualiste interprofessionnelle marocaine), en partenariat avec le ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle, le GPBM et la centrale syndicale UMT, va permettre de faire le point sur ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Sans doute, une journée c'est peu pour débattre d'une thématique de grande importance à la fois au plan social et économique. Ce fut tout de même une occasion de mettre le doigt sur une problématique centrale qui engage non seulement le gouvernement, mais aussi les employeurs et les travailleurs. Cela étant, l'amélioration des conditions de santé et de sécurité au travail reste subordonnée à des lendemains qui chantent. Devant un parterre prestigieux, composé de médecins, d'assureurs et mutualistes, le ministre de l'Emploi, Abdelouahed Souhaïl soulignait, dans une déclaration à l'ouverture des travaux, que son département, en concertation avec les différents ministères concernés, a déjà «élaboré un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail dans les secteurs privé et public qui vise à combler les lacunes constatées au niveau législatif et à adapter la législation nationale aux normes internationales dans le domaine». Ce projet, précisait M. Souhaïl, fixe les principes généraux de base en matière de prévention des risques professionnels afin d'en limiter le danger, et définit les droits et les obligations des employeurs et des travailleurs sur les lieux du travail». Une fois adoptée, cette loi permettra à notre pays, dira le ministre, «de mettre en œuvre une nouvelle approche dans la prévention des risques professionnels, basée sur le respect des principes généraux de prévention et la détermination des responsabilités». Il ne s'agit pas là d'un bonus, mais d'un droit inaliénable dont «la mise en œuvre effective doit être assurée et accompagnée par un système d'inspection comprenant le corps des inspecteurs du travail, le corps des médecins du travail et des ingénieurs chargés de la sécurité», devait rappeler le ministre. Le temps est à la sensibilisation. Il s'agit plus de comportement et d'un état d'esprit nécessaire pour minimiser les risques sur les lieux du travail. Car, nombre de chefs d'entreprises, faute de culture ou de sens de responsabilité, considèrent à tort la mise en place du dispositif de sécurité comme une charge. Miloudi Moukharik, Secrétaire général de l'UMT, n'y va pas avec le dos de la cuillère. «Notre organisation pousse à la création et à la généralisation des comités d'hygiène et de sécurité au travail». Le rôle d'une organisation syndicale, soulignait M. Moukharik, n'est pas seulement de demander des augmentations de salaires et des améliorations du SMIG, mais d'exiger la mise en place du dispositif de sécurité sur les lieux du travail. Sur ce point, rappellera le chef de la première centrale syndicale la plus représentative dans les milieux bancaire et financier, le chemin à parcourir est encore long pour parachever le cadre législatif. Dans cette réforme, le Secrétaire général de l'UMT pointait du doigt le manque de statistiques officielles et fiables sur la fréquence et la gravité des accidents et les risques liés au travail. Si le BIT avance le chiffre de 2 millions de victimes d'accidents de travail de par le monde, au Maroc, en revanche, les chiffres sont tout simplement inexistants. La création d'un Observatoire des accidents de travail est vivement louée par M. Moukharik, pour pouvoir produire des statistiques comme le taux de fréquence et de la gravité des risques et maladies liés au travail. Un tel observatoire conduirait logiquement, selon Moukharik, à mettre en avant la question de la pénibilité et les contraintes du travail. Car, «dans le contexte mutant, aux risques traditionnels s'ajoute un nouveau risque plus cynique et plus grave, celui du stress». On ne sortira pas de cette situation sans une politique autrement plus audacieuse garantissant, outre l'employabilité et le droit au travail, «un cadre de travail favorisant l'épanouissement personnel et le bien être du travailleur» dixit M. Souhaïl. Ce serait inexact de croire que l'objectif de cette journée se limiterait à la nécessité de pouvoir parvenir à produire des statistiques et des indicateurs entre santé et travail. Il s'agit plutôt, selon les différents intervenants à cette rencontre - dont les travaux dureront toute la journée en vue d'aborder au niveau de plusieurs tables rondes des thèmes plus pointus - de sensibiliser tous les acteurs (publics et privés) à l'impérieuse nécessité de construire un modèle de prévention qui s'inspire des meilleures pratiques mondiales.