Une reforme en profondeur s'impose La santé au travail est un sujet récurrent, tout le monde en parle pour la simple et bonne raison que c'est quelque chose qui n'est pas prise très au sérieux. Un superflu aux yeux de certains patrons d'entreprises, d'usines et de PME. Sur dix millions de salariés marocains, seuls 320.000 sont couverts par la médecine du travail, soit 3% de la population active, un des taux les plus bas en la matière. Le constat est alarmant sachant que la Turquie, à titre d'exemple, en est à 34% alors que la Finlande couvre 92% de ses salariés. Pour dire qu'au Maroc, la situation est pénalisante, choquante et parfois dramatique avec des chiffres affolants : 65.000 accidents de travail dont 14.000 graves au titre de l'année 2010. D'où l'urgence d'une réforme basée sur une politique sage et cohérente qui accorde une place privilégiée à la santé au travail ; un préalable pour juguler l'insécurité professionnelle. Conscient des véritables enjeux socio-économiques que représenté la santé au travail, la Caisse mutualiste inter-professionnelle marocaine (CMIM) organise une conférence de presse à l'occasion de la 2e journée inter-entreprises de santé au travail, le mercredi 19 décembre à Casablanca. Cette conférence verra la participation d'Abdelouahed Souhail, ministre de l'Emploi et de la formation professionnelle, du professeur El Houssaine Louardi, ministre de la santé. Prendront part à cet événement Othmane Benjelloun, président du groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et directeur général de la BMCE Bank, Miloudi Moukharik, secrétaire général de l'Union marocaine du travail (UMT), François Xavier Albouy, directeur de la prospective et du développement international Malakoff Médéric et Abdelkerim Guerghachi, président de l'AGEF qui regroupe les professionnels de la fonction RH. L'homme au centre des préoccupations Avant de soulever la problématique de la santé au travail, il faut au préalable définir ce qu'est la santé afin de mieux l'appréhender et en saisir toutes les ambiguïtés. L'organisation mondiale de la santé (O.M.S) définit la santé comme étant «un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». Si santé égale bien-être, alors les entreprises ne peuvent limiter leur action aux risques psychosociaux. Celle-ci demeure indispensable, mais elle n'est qu'un élément d'un enjeu plus large, la valorisation du bien-être des salariés dans l'entreprise. Il s'agit pour les entreprises d'une démarche à la fois sociale et économique, car la santé des salariés est une source incontestable d'efficacité dans le travail, et donc de performance individuelle et collective. Travail et santé entretiennent même une double relation. D'une part, la santé est la condition d'un travail de qualité. D'autre part, le travail, effectué dans des conditions adéquates, est facteur de santé et de réalisation personnelle. Les hommes constituent la principale ressource stratégique de l'entreprise. La responsabilité des dirigeants sur ce sujet est primordiale : d'abord pour définir et mettre en œuvre une véritable politique de santé, en repensant notamment les modes de management, d'organisation et de vie au travail ; ensuite pour impliquer l'ensemble des acteurs de l'entreprise. En prenant l'initiative d'organiser une conférence de presse à l'occasion de la 2e journée interentreprises de santé au travail , la Caisse Mutualiste Inter professionnelle Marocaine (CMIM) , montre la voie à suivre, balise le terrain aux entreprises marocaines qui désirent s'inscrire dans cette nouvelle dynamique qui place l'homme au centre de toutes leurs préoccupations. La présence d'Abdelouahed Souhail, Ministre de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, et du Professeur El Houssaine Louardi, Ministre de la santé traduit un signal fort de l'engagement du gouvernement qui entend aussi redonner une dimension plus humaine aux relations qui existent entre employeur et employé. Dans cette optique, la santé au travail en entreprise représente un gage de ce succès aux côtés des compétences et des qualifications des collaborateurs, c'est même un des éléments clé de toute politique des ressources humaines. Or sur le terrain, seule une entreprise sur quatre de plus de 50 salariés respecte les dispositions légales, et les services médicaux interentreprises sont quasi inexistants. Conséquence directe : 7% de la population urbaine active bénéficie de son droit à la santé au travail, et cette couverture reste inexistante pour les 5 millions de travailleurs ruraux. La médecine du travail ne fait pas partie de la mentalité des employeurs marocains. Dans le code du travail, cette spécialité est une médecine préventive. Sur le terrain, c'est essentiellement du curative, car l'employeur ne peut pas accepter l'idée de payer un médecin qui ne traite pas ses salariés. Tous ces problèmes sont graves, mais le plus grave ce qu'ils ne concernent que la moitié des entreprises marocaines, puisque l'autre moitié ne se donne même pas la peine de faire appel à un médecin du travail. L'article 281 du chapitre premier du Code du travail stipule que « l'employeur doit veiller à ce que les locaux soient tenus en bon état de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé des salariés». Cette disposition met plus particulièrement l'accent sur la «prévention des incendies, l'éclairage, le chauffage, l'aération, l'insonorisation, la ventilation, l'eau potable, les sanitaires, l'évacuation des eaux résiduaires et de lavage, les poussières et vapeurs, les vestiaires et le couchage des salariés». Cependant, la loi marocaine n'étant pas des plus coercitives, son respect reste à la mesure de son laxisme. En effet, les infractions à la législation d'hygiène et de santé médicale ne sont punies que d'une amende allant de 2000 à 5000 DH. De plus, seuls 22 médecins inspecteurs du travail sillonnent le pays pour relever les dysfonctionnements et peu de moyens sont mis à leur disposition. Que dit la loi ! Le Maroc ne compte que 900 spécialistes alors que les besoins sont estimés à 3000. Cela à une incidence directe sur la couverture du réseau des entreprises, et sur le temps accordé par les médecins aux salariés. Il faut savoir que ce n'est qu'en 1985 que la spécialité est enseignée à la faculté. La loi stipule qu'un médecin du travail ne peut exercer que s'il dispose d'un diplôme en la matière. Or la majorité des praticiens exerçant dans le domaine n'y se sont pas spécialisés. Pour les entreprises de plus de 50 salariés, la loi prévoit qu'un «service médical du travail indépendant doit être créé auprès des ces entreprises qu'elles soient industrielles, commerciales, d'artisanat ou des exploitations agricoles et forestières et leurs dépendances (article 304, chapitre III du Livre 2 du Code du travail)». Pour celles de moins de 50 salariés, elles doivent s'organiser en service médical interentreprises, dit commun. Elles peuvent ainsi avoir un seul local dédié, comprenant un même matériel, et avec des infirmiers et médecins communs.