Dans un entretien accordé à notre alter ego, «Bayane Al Youme», Khalid Naciri, dont les propos sont recueillis par notre confère Mohamed Yacine, fait le point sur les changements que l'année 2011 a connus et les perspectives pour le nouveau gouvernement. Pour le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement sortant, «l'année politique s'est distinguée, indéniablement, par les bouleversements du «printemps arabe» dont les vents ont également soufflé sur le Maroc. Ce qui a contribué à mûrir le terreau national dans le sens de mutations profondes, caractérisées par l'élargissement de l'espace de l'expression politique et la création de conditions d'un passage à une Constitution, nouvelle et renouvelée, qui a joui d'une adoption démocratique large. Cela a donné lieu à des élections législatives qui ont été couronnées par l'émergence d'une nouvelle majorité, dans le cadre d'une dynamique globalement sérieuse, malgré certaines pratiques malsaines qui n'ont pas pu stopper les changements profonds que notre pays connait ». A la question de savoir si l'orientation réformatrice du Maroc est en mesure de l'immuniser contre la dynamique populaire, il a estimé que le sens des réformes est surtout dicté par l'actualité marocaine, pour deux raisons fondamentales. La nécessité vitale des réformes et leur rôle stratégique dans la garantie du renforcement de la transition démocratique, dans le cadre de la stabilité du pays, est un binôme créatif. Autrement dit, l'exception marocaine a fait émerger une réalité marocaine distinguée, marquée par une symbiose entre le changement démocratique et l'orientation réformatrice, d'une part, et la dynamique populaire fertile, qui nous écarte des dissensions. Ce qui en soi une merveilleuse chose qu'il faudra protéger et faire évoluer vers plus de réformes ». S'agissant de la nouvelle carte politique, issue des dernières législatives, Khalid Naciri estime que « l'édification démocratique s'ancre, petit à petit et que les combats et sacrifices des forces démocratiques, progressistes et réformatrices ne sont pas partis en vain ». « Je vois que la volonté populaire et souveraine de choisir ses élus est respectée et prise en considération… sachant que la démocratie n'est pas une fin en soi mais plutôt une entrée en matière pour davantage de réformes politiques, économiques, sociales et culturelles ». Il s'ensuit que le défi est aujourd'hui « immense» et consiste en « la présentation des réponses adéquates aux aspirations des citoyens afin de sentir le changement dans leur vécu quotidien. C'est exactement le défi posé au nouveau gouvernement sur lequel de grands espoirs sont fondés». Dans ce cadre, il n'a « aucune contrainte pour la nouvelle équipe gouvernementale à concrétiser de manière avancée les contenus de la nouvelle Constitution» … qui «rompt avec les pratiques éculées du passé », surtout que «tous les partenaires politiques sont imbus par son esprit renouvelé» Aujourd'hui, ajoute Khalid Naciri, «nous avons besoin de construire une culture constitutionnelle nouvelle qui puise ses composantes dans ce référentiel réformateur contractuel à partir du vote sur la Constitution, afin de conférer un sens créatif au nouveau système constitutionnel». En ce qui concerne la nouvelle composition de la Chambre des représentants, il affirme que « le point de démarquage n'est pas l'opposition des jeunes aux moins jeunes. Il passe, par contre, à travers l'espace qui distingue les forces du renouveau et des réformes, d'une part, et celles conservatrices qui veulent que la situation ne change pas ». Il a également réaffirmé sa confiance en «les forces sincères du changement, qu'elles appartiennent à la famille des démocrates ou aux forces qui adhèrent effectivement aux chantiers du changement». Il a aussi prédit « quelques affrontements, sous la coupole parlementaire, entre des forces qui veulent aller de l'avant, avec audace et responsabilité, et d'autres forces dont l'objectif est de faire avorter cette expérience, en usant des moyens populistes, démagogiques et désespérants, à l'instar de ce qui s'était passé lors de l'élection du président de la Chambre des représentants, marquée par le recours à des discussions fantaisistes qui n'ont rien à voir avec le débat démocratique sincère ». C'est dire, poursuit Khalid Naciri, que « la responsabilité est immense pour la nouvelle majorité afin d'épargner au Parlement de telles déviations et allégations et lui rendre sa crédibilité pour qu'il abrite une part fondamentale de la vie politique marocaine ». Pour lui, « l'exception marocaine est d'avoir assuré à la fois des réformes audacieuses et la stabilité politique du pays, dans un espace où les institutions sont en mesure de comprendre les exigences du changement. Le Maroc a pu, en 2011, gagner, dans une large mesure, ce difficile défi ». A une question sur les craintes formulées sur la montée des islamistes en Afrique du nord, le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement sortant souligne que « ces craintes sont puisées dans le comportement de nombre des courants islamistes qui avaient un référentiel, un discours et une pratique qui n'ont rien à voir avec les valeurs démocratiques. Pour ce qui est du Parti de la justice et du développement, Khalid Naciri estime qu'il « faudra reconnaître qu'il a véhiculé, dans des moments précis, un discours qui n'était pas suffisamment clair. Nous avons eu des divergences avec lui à plusieurs occasions. Mais, au fil du temps, il a fait évoluer son système et levé certaines confusions pour mûrir son approche idéologique. Ce qui a permis à un certain nombre de ses dirigeants de se rapprocher de la logique politique. Et, en tant que forces démocratiques et progressistes, nous avons le devoir de tirer les conclusions de la volonté populaire de lui accorder la confiance, d'appuyer cette nouvelle expérience et lui garantir les conditions de succès. C'est là notre approche de la pratique politique responsable, loin de tout dogmatisme, de toute naïveté ou analyse superficielle ». Ceci dit, Khalid Naciri affirme que « ce qui nous lie, aujourd'hui, au PJD ce sont des documents que allons signer ensemble, notamment la déclaration gouvernementale dans le cadre de laquelle le pouvoir sera exercé, en plus de la Charte d'éthique déjà signée et dont le PPS était chargé de sa rédaction ». Il a également estimé que « les chances de réussite du nouveau gouvernement sont réelles et restent tributaire du bon choix des membres de l'Exécutif afin de choisir les meilleurs profils au sein des partis alliés qui sont en mesure d'ancrer un authentique esprit de solidarité gouvernementale et d'une forte volonté de jeter les ponts de la confiance et de l'entraide entre ses composantes et avec les autres institutions constitutionnelles». Ce qui est certain, poursuit Khalid Naciri, est que « le PPS, fortement imbu de ces exigences, veillera à garantir les conditions du succès, conscient qu'il est que la responsabilité nationale dicte d'aider ce gouvernement à réussir dans l'accomplissement de ses tâches. Et tout autre calcul ne sera que du domaine des approches politiciennes aux conséquences imprévisibles». Pour lui, enfin, « aucun chemin n'est jonché de fleurs. La responsabilité gouvernementale est un choix difficile et une tâche rude, des décisions éreintantes et des efforts colossaux, en plus d'une interpellation quotidienne ». Le nouveau gouvernement devra continuer, non pas au point zéro, les chantiers ouverts par l'équipe sortante, présidée par Abass El Fassi, «dont le bilan est très honorable».