Marchés et démocratie Je viens de participer, au nom du PPS, au congrès du Parti socialiste français qui s'est déroulé à Toulouse du 26 au 28 octobre. C'est un congrès qui s'est tenu dans un contexte politique inédit après que le PS ait remporté toutes les batailles électorales : il dirige l'Elysée, il dirige Matignon, il est majoritaire au parlement aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, il préside la majorité des régions (16 sur 22) et des communes... A priori, la voie est toute tracée et le terrain est entièrement balisé pour mettre en place le programme du parti et les réformes annoncées. Dans la réalité, à en croire différents intervenants qui se sont succédé à la tribune du congrès, et pas des moindres, les choses ne sont pas si simples et le chemin du changement est parsemé d'embûches et d'obstacles. Certes, sur les 60 engagements pris par le Président Hollande, une vingtaine est déjà appliquée ou en voie de l'être. Mais dès qu'il s'agit de s'attaquer aux grandes problématiques pour mettre en place ce que le Premier ministre Jean- Marc Ayrault appelle «le nouveau modèle français», des résistances s'organisent et le «mur de l'argent se dresse contre le changement». Le PS contrôle tout, sauf le marché et le capital financier international. C'est à ce niveau là que la lutte doit se dérouler à l'avenir. Il s'agira, selon la formule consacrée, de ramener «les marchés à se conformer à la démocratie» et non l'inverse. Et à ce stade, la bataille ne fait que commencer : elle est à la fois politique, idéologique, culturelle et civilisationelle. Cette bataille doit se dérouler à l'interne et à l'international, notamment au niveau européen. Au niveau interne, il s'agira de passer d'une situation d'hégémonie électorale à une hégémonie culturelle. D'où la nécessité de s'ouvrir sur d'autres couches sociales et sur d'autres forces porteuses de mêmes valeurs de progrès et de modernité pour conquérir de nouveaux espaces et agir pour la transformation de la société en profondeur. Au niveau européen, il faut agir de connivence avec les forces progressistes pour passer d'une Europe de marchés, où les capitaux se déploient librement, à une Europe de Citoyens. Tâche qui n'est pas facile lorsqu'on sait le nombre de gouvernements conservateurs et le poids des mouvements communautaires, voire fascisants. Un gouvernement économique européen est une nécessité pour pouvoir réguler le marché européen et pourquoi pas le capital financier. Au niveau international, la mondialisation aidant, il faut organiser la solidarité internationale et mettre progressivement en œuvre un nouvel ordre économique international pour substituer la valeur humaine de «juste échange» à la logique destructrice du «libre échange». Ce qui montre que le changement, pour ne pas dire la révolution, est une œuvre complexe et de longue haleine. Il nécessite volonté, sacrifice, persévérance et détermination pour maintenir le cap jusqu'au bout. L'ennemi commun de l'humanité est constitué par le capital financier. Pour lui, tous les moyens sont bons pour accumuler l'argent et les fortunes. Peu importe qu'il provoque des crises et des guerres, peu importe qu'il détruise la nature et pollue les océans, peu importe qu'il bannisse la dignité de l'être humain... C'est dire que la financiarisation de l'économie est un véritable danger pour l'humanité. C'est contre ce capital rapace et apatride que la riposte doit s'organiser au niveau national et mondial. C'est lui qui constitue l'essence de l'impérialisme, comme «stade suprême de capitalisme». Et c'est contre lui que Marx a lancé son appel, dans le fameux manifeste communiste, «Prolétaires de tous les pays unissez vous». Il convient aujourd'hui de renouveler cet appel pour dire : «démocrates et progressistes de tous les pays, unissez vous » ! *Professeur à l'Université Mohammed V Rabat Agdal