La transparence et l'accès égal et libre à l'information sont au fondement de tout système économique se définissant comme libéral. Plusieurs dispositions de la Constitution marocaine promulguée par dahir du 29 juillet 2011 font écho de cette évidence. L'article 27 est incontestablement le plus explicite sur ce point : « Les citoyennes et les citoyens ont le droit d'accéder à l'information détenue par l'administration publique, les institutions élues et les organismes investis d'une mission de service public ». De portée générale, les dispositions de cet article s'étendent à la sphère économique. Les citoyens, les entreprises, ainsi que les organisations professionnelles et syndicales jouissent, sous ce rapport, d'un droit égal et illimité d'accéder aux informations les concernant en leur qualité de consommateurs, d'opérateurs économiques ou de défenseurs des intérêts des différentes catégories sociales. Le recel de l'information détenue par les organismes publics en charge des affaires économiques se trouve dès lors frappé d'inconstitutionnalité. Non point parce que seul le législateur est habilité à apporter des restrictions à l'exercice de ce droit (art. 27 §2), mais aussi parce que le constituant a exclu le domaine des activités économiques de la liste des arguments pouvant justifier ces restrictions. Ainsi, des cinq domaines susceptibles de restrictions, aucun domaine cité ne relève directement de la sphère économique : la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, la vie privée des personnes, les droits et libertés énoncés dans la Constitution et la protection des sources et domaines expressément déterminés par la loi (art. 27 §2). (Suite de la page 1) Pour conforter ces garanties, le constituant marocain de 2011 a introduit deux dispositifs auxiliaires : le renforcement de l'acquis constitutionnel en matière de liberté de la presse et la création d'une instance de régulation en charge du secteur de l'audiovisuel. Sur le premier registre, l'article 28 apporte des garanties majeures destinées à faire de la presse –économique en particulier – un des appuis de la promotion de l'Etat de droit économique au Maroc. Echappant à toute forme de censure préalable, la liberté de presse, y compris le droit d'exprimer et de diffuser librement les informations, les idées et les opinions, jouit d'une immunité totale dont seule la loi peut limiter la portée. D'un côté, il incombe aux pouvoirs publics de veiller à l'organisation et à l'indépendance du secteur de la presse ainsi qu'au respect des règles juridiques et déontologiques le régissant (art. 28 §3). De l'autre, le législateur et la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) ont la charge de garantir l'accès aux moyens publics de communication dans le respect du pluralisme linguistique, culturel et politique de la société marocaine (art. 28 §4 et 5). Autant dire que la presse économique, partie intégrante du système national d'information et de communication, est assurée de fonctionner sous de bons auspices en termes de garanties d'indépendance, de transparence et de pouvoir d'investigation. L'égal accès aux sources d'information, le suivi des transactions économiques, l'enquête au sujet d'éventuelles irrégularités, constituent autant d'outils pour renforcer le pouvoir d'investigation et de vigilance des médias économiques. Plus encore, le constituant marocain de 2011 a pris le parti d'institutionnaliser ces garanties en élevant la HACA à la dignité d'institution constitutionnelle. L'article 165 dédié à cette instance en fait l'organe officiel de régulation en matière de respect du droit à l'information et de l'expression pluraliste des courants d'opinion et de pensée dans le domaine de l'audiovisuel. Pièce maîtresse du système marocain d'information et de communication depuis la libéralisation du secteur audiovisuel à la fin des années 1990, cette instance a déjà fait ses preuves en ce domaine. Depuis cette date, les pouvoirs publics et les opérateurs économiques, tout comme les parties prenantes du secteur audiovisuel, ont fait l'apprentissage des règles éthiques dans le domaine du partage et du traitement de l'information. La transparence, norme fondamentale de l'Etat de droit en matière économique, trouve déjà de solides fondations au Maroc. *Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires ». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume. (*) Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales