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Le pouvoir judiciaire dans la Constitution marocaine de 2011
Publié dans L'opinion le 20 - 06 - 2012

La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires est le titre du nouveau livre initié et réalisé sous la direction du Centre d'Etudes InternationalesÙ (CEI), paru aux éditions LGDJ le 24 avril 2012 et distribué au Maroc depuis le mois de juin 2012.
Dans cet ouvrage collectif, Yves GaudemetÙÙ analyse les mécanismes dédiés au renforcement du pouvoir judiciaire tels qu'ils découlent de la nouvelle Loi fondamentale.
S'il est un élément essentiel qu'il faut absolument retenir au sujet de la réforme de la justice réalisée à travers le nouveau texte constitutionnel marocain, promulgué en juillet 2011, c'est indéniablement la promotion de celle-ci au rang de pouvoir à part entière, aux côtés des deux autres pouvoirs, législatif et exécutif. Ainsi, ce « pouvoir judiciaire » acquiert-t-il une indépendance revendiquée, que garantit, notamment, le statut conféré aux magistrats et la mise en place du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, institué en remplacement du Conseil supérieur de la magistrature. De plus, l'ordre juridictionnel compte désormais une nouvelle forme d'instance, puisqu'une véritable Cour constitutionnelle sera mise en place, dotée de prérogatives juridictionnelles. C'est ainsi que ce pan de la réforme constitutionnelle participe à consolider, dans sa globalité, l'entreprise de séparation et de rééquilibrage des pouvoirs, opérée par la Loi fondamentale de 2011.
L'indépendance de la justice constitue tout d'abord, une condition sine qua non de la séparation effective des pouvoirs, telle que prévue par l'architecture constitutionnelle. Certaines dispositions relatives au statut des magistrats, à l'instar de l'inamovibilité des magistrats de siège, constituent autant de garanties permettant d'assurer l'indépendance des juges, et donc, a fortiori, du pouvoir judiciaire. De plus, le texte constitutionnel veille de manière expresse à établir certaines règles de transparence de l'activité des juges, allant même jusqu'à envisager des sanctions à l'encontre de quiconque chercherait à influencer leurs décisions. La Charte fondamentale réussit également à corréler l'indépendance des magistrats à la reconnaissance de leur liberté d'expression, puisque ces derniers ont désormais, en vertu de la Constitution même, la possibilité d'« (...) appartenir à des associations ou [de] créer des associations professionnelles ». La composition et les modalités d'action du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire tendent clairement à renforcer cette indépendance, notamment du fait que la vice-présidence du Conseil revienne maintenant au premier président de la Cour de cassation, au lieu du ministre de la Justice. Une autre avancée, particulièrement significative, réside dans le fait que les décisions du Conseil précité, bien que présidé par le roi, qui est le garant de son indépendance, puissent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la Chambre administrative de la Cour suprême.
Cet ensemble de dispositifs participe ainsi, en plus des mesures déclaratoires comprises dans la Constitution, à garantir les droits des justiciables, comme la gratuité, la publicité ou l'égal accès à la justice ; de même que les juges sont expressément considérés comme les protecteurs des droits et libertés des citoyens. L'introduction du recours par voie d'exception devant la Cour constitutionnelle, va quant à lui, en plus de donner aux juges constitutionnels un moyen concret de veiller au respect des droits et libertés fondamentaux, élever la Cour au rang de véritable juridiction. Ainsi, bien qu'elle soit prévue par le texte constitutionnel en marge du titre réservé au pouvoir judiciaire, il s'agit désormais d'une véritable juridiction constitutionnelle.
Le constituant marocain, fidèle au principe de l'unité de juridiction, a démontré à travers la Constitution de 2011 son attachement aux particularismes institutionnels du pays. Ainsi, l'affiliation du Maroc au modèle français ne peut être assimilée à du mimétisme, puisque des deux Etats, seul le Maroc a maintenu, tout en s'adaptant à la multiplication des voies de recours administratives, un ordre juridictionnel unitaire. De cette manière, s'il a été progressivement procédé à une spécialisation fonctionnelle, plus précisément administrative, au sein du pouvoir judiciaire, cela n'a aucunement entravé l'unité de ce dernier, d'ailleurs constitutionnellement établie.
ÙCréé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection.
ÙÙYves Gaudemet a enseigné à la faculté de droit de Rabat. Il a été maître de conférence agrégé à l'université de Paris X - Nanterre, professeur sans chaire à l'université de Paris V et professeur titulaire à l'université de droit, d'économie et de sciences sociales de Paris II. Outre ses fonctions académiques, il a également été conseiller technique au cabinet du secrétaire d'Etat français aux universités, conseiller juridique au cabinet du ministre français de l'Enseignement supérieur, chargé de mission auprès du délégué aux relations universitaires internationales et chargé de mission auprès du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. Par ailleurs, Yves Gaudemet est directeur de la Revue de droit public, membre fondateur de la Revue d'histoire des facultés de droit et membre du conseil scientifique de plusieurs revues juridiques (Revue juridique d'économie publique, Revue des contrats, Droit et patrimoine, etc.).


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