Réponse du berger à la bergère. Le Maroc n'a pas trop attendu pour remettre les pendules à l'heure, avec le voisin espagnol. L'utilisation des gaz chimiques toxiques par l‘armée d'occupation espagnole au nord du Maroc, en particulier au Rif, ne fut pourtant jamais posé sur la table des négociations entre Rabat et Madrid. Les Rifains avaient cependant subi les affres de cette catastrophe. Ypérite, phosgène, Chloropicrine ou aussi «Arrahj» (poison artisanal) comme cela fut baptisé localement ... ont été lancés sur une population désarmée après la cuisante défaite d'Anoual en juillet 1921. Un fait vient pourtant remuer le couteau dans la plaie. Il s'agit de l'attitude irresponsable du ministre espagnol de l'intérieur qui a provoqué l'ire, mais aussi un sursaut d'honneur de la part du Maroc. La demande d'entrer au dialogue pour débattre de cette question, bien que située dans un contexte factuel isolé, nécessite un penchant sérieux. L'approche doit servir de base pour un débat global sur toutes les questions relevant de la mémoire maroco-hispanique. Du temps de l'ancien règne, les initiatives civiles et académiques visant à mettre la lumière sur cette question n'ont jamais abouti. Presqu'un tabou, les autorités interdisaient jusqu'aux colloques scientifiques sur ce problème. Aujourd'hui, le legs colonial doit être sujet de discussion calme et sereine. Si l'Espagne réfute officiellement ou du moins passe, à chaque fois, sous silence la question, des témoignages historiques foisonnent. Ils mettent le voisin ibérique dos au mur. Impossible dès lors à nier les faits. Les témoins sont espagnols, certains sont oculaires. D'autres sont des historiens avérés. Mais, les premiers à en divulguer l'existence, selon les deux historiens espagnols, furent les journalistes allemands Rudibert Kunz et Rolf-Dieter Muller, dans un livre intitulé «L'Allemagne, l'Espagne et la guerre des gaz dans le Maroc espagnol 1922-1927». Comment cela fut-il possible ? Quand les braves guerriers d'Abdelkerim détruisirent le commandement de Melilla et le moral des soldats franquistes, des instances militaires et politiques franquistes appellent au châtiment. L'on chercha, à tout prix, la vengeance. Dans un article publié en 2004, les historiens espagnols Maria Rosa Madariaga et Carlos Lazaro Avila rappellent une correspondance télégraphique en date du 12 août 1921 entre le ministre de la guerre le Vicomte De Eza et le haut commissaire, le général Berenguer, dans laquelle, le premier manifestait qu'il était en train de s'acheter, entre autre matériel de guerre, des « composants de gaz asphyxiant pour leur préparation à Melilla» et le second que même s'il avait toujours été «réfractaire» à les utiliser contre les rifains, il les emploierait avec « véritable plaisir», pour ce qu'ils avaient fait. Les documents du Service Historique Militaire évoquent à leur tour les gaz toxiques, tantôt sous des appellations camouflées, tantôt de manière explicite. D'autres preuves viennent à l'appui, et toujours émanant de sources espagnoles. Des soldats espagnols en souffrirent eux-mêmes de cet acte militaire criminel. Le premier témoignage raconte les deux historiens espagnols revient à Ramon J Sender dans son roman «Iman» publié en 1930. Pedro Onda Bueno, observateur de l'aviation militaire à l'époque, écrivit en 1974 une œuvre autobiographique dans laquelle il raconte également le lancement de gaz toxiques depuis les avions et l'empoisonnement qu'ils produisaient sur les champs rifains... Le sujet est pour ainsi dire plus sérieux et plus intéressant qu'une simple réaction politique.