Doté d'une double façade maritime, atlantique et méditerranéenne, le Maroc ne pouvait pas rester insensible face à la nécessité stratégique, voire vitale, de développer son potentiel maritime. Pendant de longues années, les richesses halieutiques du pays étaient surtout exploitées par les chalutiers européens, notamment espagnols et portugais, dans le cadre des Accords de pêche qui le liaient à l'Union européenne (UE) depuis 1976. Le Maroc ne disposait pas en effet d'une flotte moderne à la mesure de son potentiel halieutique, d'autant plus que celui-ci ne se limite pas aux captures de poissons, mais s'étend à d'autres richesses aquatiques, tels les gisements potentiels de pétrole ou de gaz et les ressources minières. Or, au début des années 2000, la réflexion commençait à se développer en vue de faire du secteur de la pêche maritime l'une des locomotives de croissance, avec un souci prononcé de protection de la ressource contre la surexploitation. La maturation de cette réflexion de géo-économie maritime coïncidait avec la ratification en 2007 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Elle se conjugue aussi avec la conclusion, en décembre 2010, puis la ratification, en février 2012, de l'Accord sur la libéralisation des échanges de produits agricoles et de la pêche entre le Maroc et l'UE. Cette libéralisation mise en route sonne peut-être le glas de l'Accord de pêche entre le Maroc et l'UE, du moins dans sa forme précédente. Le Royaume considérait donc, à juste titre, qu'il était temps d'amorcer le décollage du secteur de la pêche selon une vision de développement durable. Cette réflexion a donné lieu à l'élaboration du Plan Halieutis - dit aussi Plan Maroc Bleu - lancé officiellement par le Roi Mohammed VI en septembre 2009 à Agadir, l'une des villes-pilotes de ce chantier structurant. Celui-ci ambitionne de tripler le produit interne brut du secteur halieutique de sorte qu'il atteigne à l'horizon 2020, 21, 9 milliards de dirhams au lieu des 8,3 milliards enregistrés en 2007. Il prévoit également la création de trois pôles de compétitivité, à savoir Tanger, Agadir et Laâyoune-Dakhla. La réalisation de ces pôles nécessitera un investissement global de 9 milliards de dirhams. Il est aussi question d'initier 16 projets structurants dans les filières de transformation et de valorisation des produits de la mer. La concrétisation de ces projets complémentaires est de nature à faire du secteur halieutique, selon les objectifs escomptés, un moteur de croissance de l'économie nationale. Qui plus est, le Plan Halieutis vise aussi des objectifs d'ordre alimentaire : augmenter la consommation de poisson pour atteindre 16 kilogrammes par habitant par an en 2020 contre 10 kilogrammes en 2007. Cela dit, le Plan Halieutis occasionnera des retombées socioéconomiques nettement positives. Ainsi, le nombre des emplois directs qui seront créés est de 115.000 au lieu des 61.650 actuels. Pour ce qui est de la production halieutique, les prévisions tablent sur 1,660 million de tonnes contre 1,035 million actuellement. Quant à la valeur des exportations des produits de la mer, elle sera portée à plus de 3,1 milliards de dollars contre 1,2 milliard en 2007. Autrement dit, le Plan précité prévoit une augmentation des parts de marchés du Maroc au niveau mondial de l'ordre de 5,4% à l'horizon 2020 au lieu des 3,3% actuels. L'enjeu est décidément de taille. De ce fait, le Maroc tirera un potentiel d'exportation de l'Accord sur la libéralisation des échanges de produits agricoles conclu avec l'UE. Conforme aux règles de la bonne gouvernance, le Plan Halieutis préconise un système de gestion axé sur une démarche territoriale et inclusive, en ce sens qu'il prévoit le transfert des compétences de gestion aux régions, ainsi que l'implication du secteur privé. Cela requiert la réorganisation des organisations professionnelles. En outre, plusieurs mesures d'ordre institutionnel sont préconisées, dont : - La création d'un comité national de la pêche. - La mise en place d'un fonds pour l'ajustement et la modernisation de l'effort de pêche. - L'institution d'une agence nationale pour le développement de l'aquaculture. - L'établissement d'un centre de valorisation des produits de la mer. - L'instauration d'un observatoire de l'emploi du secteur halieutique. En somme, le Plan Halieutis produira ses pleins effets lorsque les autres projets structurants lancés seront complètement opérationnels, en l'occurrence après l'achèvement du Port Tanger Med II, la réalisation du Port Tanger ville, la modernisation du Port de Casablanca et l'édification des agropoles prévues dans le cadre du Plan Maroc Vert. C'est là une approche intégrée, étalée sur le long terme, soit à l'horizon 2020, qui démontre, si besoin était, que l'avenir du Maroc est fait de développement socio-économique ; un développement solidaire, promoteur d'emplois et créateur de richesses. Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, «Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009)» (décembre 2009), «Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et «Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume. * Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales