La 5ème édition de l'international Fès dance festivalvient de prendre fin. Fès aura vibré, trois jours durant, au rythme d'ondulations et d'ondoiements de troupes de danse venus d'un peu partout, du Maroc et du monde. Le directeur de cette manifestation artistique se confie ici à Al Bayane. Entretien : Al Bayane : Quelles étaient les nouveautés de cette cinquième édition ? Aziz El Hakim : Et bien, puisque l'International Fès Dance Festival se promet toujours d'ajouter une découverte porteuse de nouveau et du «pas encore-vu» , la 5ème édition a eu le prestige de recevoir une troupe de danse hongroise qui a fait frissonné le public à deux reprises : au Complexe Culturel Al Hourria sous une lumière plastique rafraichissante pour que les «six sirènes de la scène» puissent explorer leur grâce avec une légèreté insoutenable, et au Palais Duchi «KASSR ANNOUJOUM» situé au seuil du quartier Zerbtana (connu par ses belles maisons et son école jardinée = Mohamed El Qourri ) en présence d'illustres personnalités marocaines et italiennes : Anciens Ministres , Diplomates , Artistes , Journalistes entre autres , et tout le monde a été ébahi par la prestation de cette troupe qui a dansé sue une scène triangulaire en verre planté sur la piscine du patio , quelle splendeur ! A vrai dire tous les spectacles de cette édition ont été sans exception des merveilles que ça soit la performance française en solo « Parcours de Vie, Parcours de femmes » signée Babette Gazeau ( Chorégraphe danseuse) &Alain Gazeau( vidéaste) , ou « Princesse de l'Eau » présentée par Camelia El Hakim en compagnie de la troupe des Gnaouas , ou « Résistances » qu'a dansée avec une douceur princière la chorégraphe danseuse marocaine Ahlam El Morsli et l'algérien Walid Borni , ou bien le spectacle multicolore « Ballades Orientales » donné par la troupe belge « de Dans-Ruh », en plus des ateliers de Danse animés par la française Babette , la chorégraphe marocaine Hind Benali , la chorégraphe danseuse belge Annick Bailleul et la Chorégraphe hongroise Virag Vida , et qui se sont soldés par une petite performance intitulée « Illuminations » qu'on a présentée dans la soirée de clôture. Le programme contient une facette débat autour de la thématique du festival ? Le débat de cette édition était autour du thème « Elégances du Corps » et s'est marqué par l'évocation de plusieurs problématiques qui touchent à la symbolique du mouvement et geste corporels dans chaque pays auquel appartient l'intervenant : la France , la Belgique , le Maroc et la Hongrie , ce qui a enrichi le dialogue ouvert entre les participants sous la direction du modérateur Driss Katir qui a su avec sa vigilance philosophique pousser le débat vers des conclusions de grande importance . Et le moment fort de ce débat était la fondation d'une banque de données concernant les danses marocaines traditionnelles et contemporaines ,et la détermination des taches qui lui sont attribuées , en vue de commencer le travail sur le terrain ( Recherches , Documentations et Filmages ) début de l'an 2012 , et cela dans le but de préserver nos danses archaïques qui sont en voie de disparition , de sauvegarder notre mémoire chorégraphique délaissée aux abus du temps. Après cinq éditions, quelle est votre évaluation de ce festival ? Je crois qu'on est maintenant sur les bons rails , après cinq éditions marquées d'expérimentation et de testage , et pendant lesquelles on a présenté de beaux spectacles chorégraphiques venant de tous les continents et noué des liens d'amitié entre nos artistes (ceux qui exercent la da danse traditionnelle ou la danse contemporaine ) et des étrangers qui contribuent au dialogue des cultures avec un dévouement incomparable et qui ont la chance de découvrir la richesse de nos danses qu'on essaye dans notre festival d'améliorer selon une conception chorégraphique . Mais comme vous le savez c'est pas facile d'organiser un festival de danse expressive dans un pays ou tout reste entre les mains du hasard , et manque de perfection . et le pire c'est que le Maroc de mille et une danses ne compte aucun conservatoire ni école supérieure de danse , ce qui représente une vraie menace pour notre héritage et risque de faciliter sa disparition , et dans ce cas là on se trouve dans l'obligeance de sonner l'alarme et multiplier nos efforts afin de sauver le sauvable par l'établissement des centres de recherches et la création de nouveaux festivals dans chaque ville et chaque village , en attendant que les responsables de culture et d'art prennent conscience de la nécessité de donner plus d'intérêt à ce bel art . Que répondez-vous aux reproches que ce festival relève d'une activité culturelle d'élite ? Oui , c'est vrai que la danse expressive ( chorégraphique) nécessite une connaissance assez haute du lexique corporel et de la sémantique du corps , et cela n'est pas à la portée de tout le monde , même ladite élite dans un pays tiermondiste comme le notre , n'est pas apte à décoder le langage de la danse contemporaine qui se base sur des lois propres au «Corpologie» et se développe d'un jour à l'autre à une vitesse qui complique de plus en plus l'accessibilité à ses sens profonds , mais il me semble que c'est évident que le corps soit un lieu d'intrigue et d'ambigüité , c'est là que réside son charme et sa magie : un corps clair et bien compris ne serait qu'un produit de consommation . Et notre festival ne s'appuie sur aucune illusion populiste , car on sait bien que la culture en général , et à l'échelle internationale, est l'affaire d'élite , quand à l'art ( et la danse expressive en particulier) il a son public à lui , restreint et éclectique , mais cela n'empêche pas les gens d'autres couches à s'en approcher et essayer de déguster sa douceur et deviner son discours . et au lieu de demander à la Danse chorégraphique d'être plus « proche » des masses ( ce qui lui coute de tomber dans la banalité) il faut que les gens fassent un petit effort pour s'aligner aux cotés de cet art sublime et délicieux , à savoir que tout dépend du goût et du niveau cognitif de chacun de nous.