Le Conseil national de transition (CNT), l'organe politique de la rébellion libyenne, basé à Benghazi (est), se prépare à s'installer à Tripoli, désormais sous “le contrôle quasi-total” des rebelles, a annoncé lundi son président Moustapha Abdeljalil. “Nous entreprenons des mesures pour transférer le CNT à Tripoli”, actuellement “sous le contrôle quasi-total” des rebelles où ils sont entrés dimanche, a déclaré M. Abdeljalil dans un entretien au téléphone avec la chaîne de télévision Al-Arabiya. “Nous préparons des vols vers Tripoli” depuis Benghazi, la capitale de la rébellion dans l'est de la Libye, a-t-il ajouté, indiquant toutefois que “certaines poches (de résistance) entravent ces plans”. “Mais si Dieu le veut, nous viendrons à bout de ces poches dans les 48 heures”, a-t-il dit, notant que le colonel Mouammar Kadhafi “garde certaines de ses troupes qui ne se sont pas rendues et qui sont formées probablement de non-Libyens”. Interrogé sur le sort de Mouammar Kadhafi, le chef du CNT a indiqué qu'”il pourrait se trouver à Bab al-Aziziya ou ses alentours”, en référence à la résidence du dirigeant libyen. Il a toutefois affirmé que “personne ne pouvait préciser le lieu exact où se trouve Kadhafi à l'intérieur ou à l'extérieur de la Libye”. A la question de savoir quelle garantie serait donnée à Mouammar Kadhafi s'il quittait le pouvoir, le président du CNT a répondu que “l'unique garantie serait un procès équitable”, ajoutant cependant que le dirigeant libyen sera déféré “en priorité” devant la Cour pénale internationale (CPI), qui a lancé contre lui un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité. M. Abdeljalil a nié que des négociations aient été déjà engagées pour un transfèrement à la CPI de Seif al-Islam, un fils du colonel Kadhafi recherché aussi pour crimes contre l'humanité et arrêté à Tripoli par les rebelles. “Des arrangements sont en cours pour un contact avec la CPI, mais ce contact n'a pas encore eu lieu”, a-t-il déclaré, indiquant que Seif al-Islam “est détenu” et “il sera interrogé par les autorités judiciaires”. Le porte-parole du CPI, Fadi El-Abdallah, avait fait état de discussions avec le CNT pour un transfert du fils de Kadhafi, dont l'arrestation à Tripoli a été annoncée dimanche par la rébellion et confirmée plus tard par le procureur de la Cour Luis Moreno-Ocampo sur la foi d'”informations confidentielles”. Les Occidentaux ont appelé lundi le colonel Mouammar Kadhafi à quitter immédiatement le pouvoir pour éviter un ultime carnage, estimant que l'entrée des rebelles dans Tripoli avait scellé la fin du régime libyen. Washington et d'autres capitales se sont aussi dites préoccupées par l'après-Kadhafi, avec l'ouverture d'une période de transition entourée d'incertitudes sur l'avenir démocratique de la Libye. Les Occidentaux appellent Kadhafi à éviter un ultime carnage “Le mouvement contre le régime Kadhafi a atteint un point de non-retour. Tripoli se libère de la poigne du tyran”, après 42 ans de règne, a déclaré le président Barack Obama depuis son lieu de vacances dans le nord-est des Etats-Unis. “Mouammar Kadhafi et son régime doivent reconnaître que leur règne a pris fin”, malgré d'ultimes résistances à Tripoli, a-t-il dit. M. Obama a aussi appelé les rebelles à préserver les institutions de l'Etat et chercher une transition vers la démocratie qui soit “juste et inclue tout le peuple libyen”. A Bruxelles, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a aussi jugé qu'on assistait à la fin. “J'appelle Kadhafi à quitter le pouvoir immédiatement et éviter que le sang ne soit davantage versé”, a-t-elle dit. “La Libye entre dans une nouvelle ère (...) il est temps à présent de lancer un processus de transition vers une nouvelle Libye dans laquelle les principes démocratiques, de justice et de droits de l'homme sont pleinement respectés”, a-t-elle ajouté. En France, pays qui a été à l'avant-garde avec la Grande-Bretagne dans la lutte contre le régime libyen, le président Nicolas Sarkozy a “exhorté” Mouammar Kadhafi “à éviter à son peuple de nouvelles souffrances inutiles en renonçant sans délai à ce qui lui reste de pouvoir”. Paris a proposé une réunion la semaine prochaine du Groupe de contact sur la Libye, a déclaré lundi le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé. De son côté, Le Premier ministre britannique David Cameron a appelé le colonel Kadhafi à “arrêter le combat sans condition”. “Son régime s'effondre et bat en retraite”, a indiqué le Premier ministre qui a abrégé ses vacances pour tenir lundi une réunion d'urgence du Conseil national de sécurité à Londres. “Il y aura sans aucun doute des jours difficiles. Aucune transition n'est aisée et sans heurts”, a-t-il convenu. “Mais aujourd'hui, le printemps arabe est un pas (...) vers la liberté et la démocratie et le peuple libyen est plus près de son rêve d'un avenir meilleur”, a estimé M. Cameron. L'avancée des insurgés a été facilitée par l'appui militaire, ces quatre derniers mois, de l'OTAN qui a jugé également que “ce à quoi nous assistons est l'effondrement du régime”. L'Allemagne, restée à l'écart de l'intervention de l'OTAN, a appelé M. Kadhafi à renoncer à son pouvoir. “Nous attendons qu'il y ait rapidement maintenant un changement pacifique et démocratique de gouvernement”, a déclaré le porte-parole du gouvernement. En Italie, ancienne puissance coloniale aux liens économiques étroits avec Tripoli, le chef de la diplomatie Franco Frattini a estimé que la chute du régime Kadhafi créera de “grandes perspectives” pour les entreprises italiennes, notamment dans le secteur pétrolier. La Chine, qui avait elle aussi d'importants intérêts économiques en Libye, a déclaré lundi “respecter le choix du peuple libyen”. “La Chine espère un retour rapide de la stabilité en Libye” et est prête participer avec la communauté internationale à sa reconstruction, a indiqué le ministère des Affaires étrangères. Une possibilité de dénouement serait le départ de Libye du colonel Kadhafi, mais l'Afrique du Sud, qui joue un rô_le de médiateur africain, a démenti avoir envoyé un avion le chercher. Un des rares alliés du dirigeant libyen, le président vénézuélien, Hugo Chavez, a de nouveau critiqué l'intervention de l'OTAN. “Les gouvernements d'Europe, pas tous, sont en train de détruire Tripoli sous leurs bombes de même que le gouvernement soi-disant démocrate et démocratique des Etats-Unis”, a déclaré M. Chavez. Il a accusé les forces étrangères de vouloir “s'emparer d'un pays et de ses richesses”.