En tant que psychiatre, je ne peux pas me taire face à ce que j'observe autour de moi et face à la souffrance de mes bien-aimés concitoyens pour lesquels j'ai énormément d'empathie et d'amour. Lorsque Corona a débarqué comme des colons par la mer et l'air, les marocains ont fait preuve de bravoure, identique d'ailleurs à celle déployée face au débarquement de la colonisation française, respectueuse bien évidemment des droits de l'Homme! Les marocains se sont alors transformés en soldats résistants, exécutant les ordres du commandement. Ils ont endossé l'arrêt de travail, les pertes financières, l'emprisonnement dans des espaces très étroits et étouffants pour une grande partie de mes chers concitoyens. Pour un grand nombre d'entre eux, ils ont accepté de vivre avec modestie, pour ne pas dire dans la misère. Ils ont accueilli la déscolarisation de leurs enfants et ils ont toléré douloureusement les non-visites des proches et des parents souvent malades et vieux. Ils ont vu les portes de leurs mosquées fermées et ont faire preuve de patience et d'ouverture d'esprit. Plus horrible et déchirant encore, leurs morts ont été enterrés sans qu'ils puissent les pleurer et les accompagner au cimetière, ni prendre dans leurs bras leurs proches et pleurer ensemble, comme s'il s'agissait d'une déportation, et non d'une inhumation ! Le courage des marocains est immense. Ils ont pu jeuner tout un mois sans « ramadan », sans vivre les traditions et partager le ftour avec les amis et les proches. De même, ils n'ont pas pu aller prier ensemble le matin de l'aïd El-fitr et rendre visite à leurs proches dans des dizaines de maisons en partageant ensemble la joie de cette fête. Par la suite, mes chers compatriotes ne se sentaient plus comme des soldats mais plutôt comme des prisonniers de guerre ! Et une fois de plus, ils ont pu user de leur patience et courage et ont continué de résister contre le colon covid-19 privés de leur liberté car ils espéraient l'imminente victoire pour fêter l'aïd Al Adha en famille et partager des moments de bonheur avec les proches comme le souhaite la coutume chaque année. Un vrai désastre, un terrible drame, les cornes de Corona étaient beaucoup plus puissantes que les cornes du mouton, elles ont transpercées les muscles, les tripes, les poumons, le cœur et ont atteint les os de mes bien-aimés compatriotes qui saignent en ce moment et souffrent de voir leur sang couler avant celui du mouton. Passer l'aïd Al Adha sans famille est au-delà de leurs capacités ! Je commence à voir dans mon cabinet le début des conséquences psychiques douloureuses des coups de cornes de Corona qui ne vont pas tarder à enrager les âmes de mes chers concitoyens à l'image du « jour de la résurrection » dont les signes prodromiques ont déjà commencé a être visibles, comme la fuite des villes à pieds! Docteur Jaouad MABROUKI, Psychiatre, Chercheur, Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe