Quelque 25,7 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dimanche en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) pour choisir leur président et leurs députés, à l'occasion du premier scrutin démocratique depuis les années 60. Cette élection pourrait offrir à cet immense pays d'Afrique centrale une occasion de tourner la page après des années noires marquées par le régime autoritaire de Mobutu Sese Seko, la guerre et la misère -malgré de riches ressources minières. L'actuel chef d'Etat Joseph Kabila, 35 ans, est considéré comme le favori de l'élection présidentielle, pour laquelle 33 candidats sont en lice. Les électeurs sont également invités à désigner leurs 500 représentants à l'Assemblée nationale parmi 9.647 postulants. Les bureaux de vote ont ouvert avec retard dans plusieurs villes du pays, dont Bunia (est), Mbuji-Mayi (centre) et la capitale Kinshasa, mais on ne signalait pas de violences graves. Selon un porte-parole des Nations unies, onze bureaux de vote ont cependant été incendiés dans la province de Kasaï (centre), fief de l'opposant Etienne Tshisekedi qui a appelé au boycott du scrutin. Quelque 17.600 soldats de la Mission des Nations unies en RDC (MONUC) étaient déployés pour assurer la sécurité des quelque 50.000 bureaux de vote répartis en 12.000 points du vaste territoire congolais. Les résultats définitifs du scrutin ne sont pas attendus avant plusieurs semaines: le décompte est effectué à la main et les urnes seront transportées à Kinshasa par avion, camion et bateau. Le Congo-Kinshasa, d'une superficie comparable à l'Europe occidentale, ne compte que peu de routes praticables. "Aujourd'hui, c'est une chance de prendre un nouveau départ et tirer un trait sur toute la guerre que nous avons vécue", a déclaré Jean-Pierre Shamba, un ingénieur de 44 ans, après avoir voté à Bunia. "Certains disent que l'Afrique a la forme d'un pistolet et que le Congo est la détente", notait Jean Kaseke, un pasteur de 38 ans, qui votait à Kinshasa. "Si le Congo réussit, toute l'Afrique peut le faire." Emmanuel Kiye, un mécanicien de 48 ans, votait pour la première fois de sa vie. "C'est un jour historique pour nous. Nous n'avons eu que des coups d'Etat et des dictateurs, dans ce pays, des gouvernements fantômes. Maintenant, nous aurons un gouvernement du peuple. Je remercie Dieu." Les bulletins de vote, de grande taille, comportaient les visages, noms des candidats et symboles des partis politiques, pour aider ceux qui ne savent pas lire à s'y retrouver. Joseph Kabila, candidat à sa succession, a lui déposé son bulletin dans une école de Kinshasa. "Nous voulons renforcer la paix et la stabilité dans le pays. Je veux la victoire pour le peuple congolais", a ajouté le chef du gouvernement de transition, qui a hérité du pouvoir après l'assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila en 2001. La campagne électorale a été marquée par des violences qui ont fait plusieurs dizaines de morts; des hommes politiques et des journalistes ont été l'objet de menaces, et un candidat à la députation a dû fuir le pays. La première élection présidentielle depuis l'indépendance de l'ancienne colonie belge en 1960 et les premières législatives depuis 1965 ne devraient rien changer, à court terme, pour l'Est du pays, toujours miné par la violence. Les affrontements interethniques y ont fait plus de 50.000 morts depuis 1999 et des milliers de miliciens, congolais mais aussi rwandais, continuent à se livrer à de multiples exactions, viols, meurtres, pillages. Ces bandes armées sont les vestiges des guerres qui ont déchiré le pays de 1996 à 2002, provoquant la mort de quatre millions de personnes. Des accords de paix sous l'égide de plusieurs pays africains ont débouché sur un gouvernement de transition, auquel participent plusieurs anciens chefs de guerre. Certains diplomates congolais et occidentaux redoutent d'ailleurs une nouvelle flambée de violence si des candidats ne concèdent par leur défaite. Si aucun candidat n'obtient la majorité à l'élection présidentielle de dimanche, un second tour sera organisé, vraisemblablement en septembre.