Environ 100 000 personnes..." Du haut de la tour de régie dominant la place Al Amal d'Agadir, où se trouve la plus grande des trois scènes, Brahim El Mazned, directeur artistique du festival Timitar qui s'est achevé dimanche 16 juillet, après cinq soirs d'affluence, balaie l'espace. En contrebas, une marée humaine, compacte, bruissante d'impatience, attend Cheb Mami pour la soirée de clôture. Des milliers de jeunes d'humeur joyeuse, des familles, des femmes assises ensemble sur l'herbe des terre-pleins, des enfants, venus de tous les quartiers. Un public populaire qui dès la première édition, en 2004, s'est approprié l'événement musical gratuit lancé sur l'initiative de la région Souss Massa Drâ (40 % du budget global - 10 millions de dirhams, soit 950 000 euros). Plus de cinquante groupes se sont succédé cette année. Des chanteurs, des musiciens amazighs, toujours très attendus (la population berbérophone est majoritaire dans cette région du Grand Sud marocain), mais surtout une palette impressionnante d'artistes extérieurs, faisant de ce festival le plus important rendez-vous des musiques du monde au Maroc. PARCOURS PARMI LES SUCCÈS Si le pétillant Colombien chanteur de salsa Yuri Buenaventura a su faire mouche la veille, grâce à sa bouillonnante générosité, Cheb Mami - voix magnifique et sans faille - n'a pas à se démener autant pour emporter la foule. Le chanteur de raï se dépense peu. Sa notoriété suffit. A chaque chanson, la place entière réagit. Son programme (Azwaw, Let Me Cry, Mazari, Meli meli, Haoulou...) est un parcours idéal parmi ses succès. Du prochain album, à paraître dans quelques mois, nulle trace. "Si je chante une nouvelle chanson, demain je vais la retrouver au souk", déclarait en début d'après-midi à des journalistes, dans son hôtel, Cheb Mami, faisant allusion au problème récurrent du piratage dans les pays africains, où il n'est pas rare de trouver un disque en circulation avant même sa sortie officielle. L'artiste s'est livré de bonne grâce au faisceau de questions. Quand il chante, il dit se sentir à la fois ambassadeur de l'Algérie et de la France (il avait été décoré, il y a quelques années, de l'ordre du Mérite par Jacques Chirac, "pour avoir fait découvrir le raï au monde"). Le chanteur se déclare préoccupé par la situation au Moyen-Orient et l'offensive israélienne. Il "condamne cette agression", tout en préférant ne pas trop s'attarder sur ce sujet "sensible". Parler de son nouvel album, enregistré en partie au Studio Art du Caire où sont passées nombre de stars du Moyen-Orient, dont Warda et Fairuz, le met plus à l'aise. Il y emploie pour la première fois l'arabe classique : "C'est un véritable défi, car j'ai dû l'apprendre en sept mois." Il y chante en duo avec la Libanaise Elissa et l'Irakien Kazem Alsahir, a invité également Diam's et K-Maro. Mami reconnaît ce que le raï doit à Cheikha Rimitti, décédée en mai 2006. Il espère un hommage collectif organisé pour elle en France. Sur scène, Cheb Mami ne se risque pas à faire des déclarations, mais, à Agadir, quand il déploie en devant de scène un drapeau jumelant les couleurs de l'Algérie et celles du Maroc, c'est afficher sa manière de penser une relation sans froissements entre les deux pays.