· Le wali d'Agadir poursuivi par GAB devant la Cour suprême · Il est «accusé de faux en écriture publique ou authentique» · L'affaire concerne le marché suspendu par le tribunal administratif De nouveaux ennuis judiciaires pour Rachid Filali, wali de la région Souss-Massa-Draâ Agadir dans le dossier de la gestion déléguée du transport urbain. Et cette fois, le camouflet se situe sur un autre registre. En effet, la société Grand Agadir Bus (GAB) a déposé une plainte contre lui devant la Chambre criminelle de la Cour suprême pour «faux en écriture publique ou authentique en vertu des articles 353, 354 et 360 du code pénal». Rappelons qu'à l'issue de la séance d'ouverture des plis du 28 mai dernier, présidée par Filali, la société espagnole Alsa City avait été déclarée adjudicatrice provisoire du marché du transport urbain d'Agadir. GAB a tout de suite introduit une procédure en référé qui lui a permis d'obtenir l'arrêté d'exécution de la transaction en juillet dernier (cf. L'Economiste du 5 août). A la wilaya, on dit ne pas être au courant. «Je ne suis pas informé du dépôt d'une quelconque plainte», déclare Abdelaziz Amraoui, conseiller juridique de la wilaya d'Agadir. Ce dernier conteste d'ailleurs à GAB la qualité d'attaquer en justice le wali: «Seuls les opérateurs remplissant les critères d'éligibilité et ayant participé effectivement à l'appel d'offres ont qualité juridique pour le contester». Toujours est-il que l'affaire est maintenant entre les mains du procureur général de la Cour suprême. Alors ignorance des procédures ou actions délibérées de la part du wali? En tout cas, l'argumentaire de Redouane Hassoussi et Omar Azougar, avocats représentant GAB, repose sur une série de détails intrigants et qui auraient échappé à un agent d'autorité de l'envergure d'un wali. Les avocats de GAB affirment que «toute la procédure a été entachée d'incohérences et de contradictions, ce qui la vide de tout son sens et de toute sa légalité». Ce qui est contesté par Amraoui: «Toutes les procédures administratives ont été respectées dans ce dossier, aussi bien celles relatives à l'opération en elle-même que les procédures avec l'autorité de tutelle». Il y a quelques mois, un partenariat avait été signé pour la création et l'administration d'une structure chargée du transport urbain mais en mode de gestion déléguée. Parmi ses signataires, Rachid Filali, le gouverneur d'Inezgane-Ait Melloul, les présidents des Conseils préfectoraux d'Agadir Ida Outanane et d'Inezgane-Ait Melloul, des communes urbaines d'Agadir, d'Inezgane et de Dcheira-Jihadia et le président adjoint du conseil municipal d'Ait Melloul. Filali se servira, selon GAB, de ce partenariat comme un mandat pour prendre en charge le secteur du transport urbain d'Agadir. Or, selon les avocats de la société plaignante, le document portant création de ce partenariat n'a pas été daté, ni soumis à toutes les collectivités locales concernées. Pis encore, il n'a pas été validé par le ministère de tutelle, en l'occurrence l'Intérieur, alors que tout partenariat signé avec des collectivités locales ne devient exécutoire qu'une fois validé par ce département, conformément aux articles 69 et 73 de la Charte communale. Mais, toujours selon Amraoui, le département de l'Intérieur a bien été saisi et la loi dit que s'il ne répond pas dans un délai de 45 jours, le partenariat est réputé approuvé. Par ailleurs, les avocats de GAB estiment que «le procès-verbal établi à l'issue de la réunion du comité de sélection réuni le 28 mai dernier est truffé de contradictions et de faits non conformes à la réalité». Ils font remarquer que le PV comportait des noms de personnes étrangères à l'appel d'offres, ainsi que des noms de personnes absentes lors de la séance d'ouverture des plis et ne comportait pas la signature de personnes censées avoir été présentes. Ce tour de passe-passe tombe sous le coup de l'article 354 du code pénal, indiquent les avocats de la partie plaignante, documents à l'appui. En principe, les huit signataires du partenariat paraphé entre les collectivités locales en matière de transport urbain, ou du moins leur représentant officiel, auraient dû être présents lors de ladite séance. L'absence de trois signataires n'a donné lieu à aucune explication. Il s'agit des représentants de la commune urbaine de Dcheira-Jihadia, du Conseil préfectoral Inezgane-Ait Melloul et du gouverneur d'Inezgane-Ait Melloul. D'autre part, les dates indiquées dans ledit PV, relatives au contrat de gestion déléguée du transport urbain, ne sont pas conformes à celles inscrites dans le contrat proprement dit. Or, le respect des dates inscrites dans les documents administratifs officiels est primordial. De plus, la caution bancaire exigée dans le cahier des charges relatif au marché a également bénéficié d'une «bénédiction» incompréhensible de la part du wali. En effet, fixée au départ à 20 millions de DH, Alsa City n'a, en réalité, présenté qu'une caution de 2,5 millions de DH. Or, le PV établi par le comité de sélection, et signé par Filali lui-même, indique bel et bien que ladite caution est conforme au cahier des charges et qu'elle a été validée. Aux yeux des avocats de GAB, «il s'agit, là encore, d'une autre falsification de documents officiels et publics à la charge du wali». Toutes ces irrégularités représentent aux yeux des avocats de GAB «des éléments constitutifs d'une série d'actes criminels sanctionnés par le code pénal». Quelle suite sera réservée à cette action en justice contre le wali d'Agadir ? On ne le saura que trop tôt. En tout cas, Filali est dans de beaux draps. Et le dossier du transport urbain n'a pas encore connu tous ses rebondissements. En outre, le tribunal administratif de Marrakech se prononcera sur l'appel interjeté par le wali d'Agadir suite à l'arrêté d'exécution du marché attribué à Alsa City. Et le maire dans tout cela? Tariq Kabbage, maire d'Agadir, considère que le wali empiète sur ses prérogatives en matière de transport urbain. «Nous avons exprimé des réserves sur l'approche du wali», déclare Kabbage. Ce dernier a, d'ailleurs, saisi récemment le wali sur la «situation catastrophique du transport pour trouver une solution rapide à ce problème». D'après nos informations, le dossier de la passation du marché du transport urbain à la société espagnole Alsa City est en ce moment à l'étude au ministère de l'Intérieur, qui devra bientôt se prononcer.