· Le tribunal administratif suspend l'exécution de la concession · La société espagnole Alsa City avait été déclarée adjudicataire provisoire · Europa Bus GAB dénonce le non-respect du cahier des charges
Retour à la case départ pour le transport urbain d'Agadir? Après avoir été concédé à titre provisoire à la société espagnole Alsa City, qui opère déjà à Marrakech (cf. www.leconomiste.com), il vient d'être suspendu par le tribunal administratif d'Agadir, en attendant un jugement définitif. En effet, une société de transport privé, opérant à Agadir, en l'occurrence Europa Bus GAB, a décidé d'introduire une procédure en référé auprès du tribunal administratif au motif que la procédure avait été entachée de vices de forme. «Le tribunal a prononcé un arrêté d'exécution du marché car il n'a pas respecté le cahier des charges, qui stipule que la société soumissionnaire doit débloquer une caution bancaire de 20 millions de DH», explique un avocat d'Agadir. Or, selon ce dernier, la société en question n'a présenté qu'une caution de 2,5 millions de DH. En cas de confirmation, ceci constituerait une infraction flagrante du code des marchés publics qui stipule que les cahiers des charges relatifs aux marchés publics doivent être respectés à la lettre. Contacté par L'Economiste, Alberto Perez, directeur général d'Alsa Maroc, en vacances en Espagne, déclare ne pas être au courant de la décision du tribunal. Tarik Kabbage, président du Conseil communal d'Agadir, lui, est dans tous ses états. «Cela fait une semaine que nous cherchons à mettre la main sur le jugement, en vain. Je suis furieux parce que nous sommes en train de perdre du temps. Résultat: nous avons un transport délabré et ce sont les citoyens qui en payent le prix», confie-t-il. Le dossier du transport d'Agadir est tiraillé entre le Conseil communal et la wilaya. Chacun ayant sa propre vision du secteur. En effet, au cours de son ancien mandat, le Conseil communal d'Agadir avait commandité une série d'études sur la question, dont une auprès de la ville de Nantes. «Depuis deux ans, nous sommes en train d'essayer, en tant que commune, de trouver des solutions adaptées au problème du transport urbain d'Agadir», confirme Kabbage. Des experts de la société de transport nantaise Semitan s'étaient d'ailleurs déplacés pendant quatre mois à Agadir pour évaluer le dossier du transport gadiri, notamment les itinéraires, la ponctualité, l'état des véhicules… Le schéma retenu en concertation avec les élus de la ville consistait en la mise en place d'un busway, un tramway sur pneus, circulant sur une voie dédiée. Deux itinéraires, avec quatre engins, appuyés par un réseau d'autobus classiques, ont été conçus dans le cadre d'un partenariat entre Agadir et la ville de Nantes. Côté fonctionnement de ce nouveau mode de transport, la priorité devait être cédée dans les giratoires, avec un timing précis… «Cette étude ne nous a pas coûté grand-chose et le projet final est disponible au Conseil communal. Nous avons déjà réalisé 40% de la voirie nécessaire. Il reste encore à mettre en place la voie dédiée aux busways et quelques autres routes pour renforcer le réseau routier», indique une source interne à la commune urbaine d'Agadir. Un seul concurrent en lice Comble de l'absurde et du gaspillage des deniers publics, la wilaya commande sa propre étude, confiée à BMCE Capital Conseil, pour un montant de 3 millions de DH. A la suite de cette étude, un cahier des charges a été établi avant le lancement, en octobre 2008, d'un appel à manifestation d'intérêt. Quatre sociétés ont retiré les documents d'appel d'offres. Il s'agit d'Alsa, Autasa, Keolis et Veolia. Mais finalement, crise économique oblige, seule Alsa a maintenu son offre. Et c'est elle qui a été déclarée, en mai dernier, adjudicataire provisoire du marché du transport urbain d'Agadir. Le contrat prévoyait un investissement de 532 millions de DH, l'acquisition d'un parc de 156 autobus neufs, avec le maintien du personnel de la RATAG. Suite à la décision du tribunal administratif de suspendre la concession, Alsa City doit arrêter toute démarche découlant du marché passé avec la wilaya d'Agadir et ce, en attendant un jugement définitif. «Dans le cas où la concession serait définitivement annulée par décision juridique, Alsa pourrait se retourner contre la wilaya en tant qu'administration de tutelle pour l'avoir impliquée dans cette transaction. L'autre possibilité consisterait à examiner les vices de forme qui ont entaché la procédure. Et la troisième alternative serait de revoir le cahier des charges et de lancer un nouvel appel d'offres», explique une source interne au Conseil communal. «Dans tous les cas, la wilaya doit assumer pleinement ses responsabilités dans ce dossier car elle est chargée de veiller à la stricte application de la loi», conclut l'avocat. En attendant, la wilaya est restée injoignable. Les raisons d'un arrêté d'exécution Dans son arrêté d'exécution, dont L'Economiste détient copie, le tribunal administratif a retenu les arguments de la partie plaignante, en l'occurrence Europa Bus GAB. Il s'agit des griefs suivants: - «La non-limitation de la durée du marché accordé à Alsa, et qui est restée illimitée dans le cahier des charges, ce qui est contraire à la loi n°54-05 relative aux marchés publics, qui stipule que tout marché doit être limité dans le temps, surtout les services délégués». - «Le wali a géré personnellement la procédure de la passation du marché, sans impliquer les collectivités locales qui, de par la loi, sont chargées de la gestion du transport». - «Le non-versement d'une caution bancaire de 20 millions de DH comme précisé dans le cahier des charges». - «Les entreprises marocaines se sont vues appliquer des conditions rédhibitoires». - « En cas d'entrée en vigueur de la concession du transport, la société demanderesse (Europa Bus GAB) pourrait subir un important préjudice». - «La procédure de l'appel d'offres a été entourée d'opacité et d'un manque d'information». - «La loi a été enfreinte notamment à travers la modification des caractéristiques et conditions de signature du contrat de concession». - «Infraction des règles de publicité et du principe de la libre concurrence. - «Le marché du transport urbain ne saurait être concédé à une tierce partie sans l'aval du ministère de l'Intérieur».