Une collection unique de Frédéric Damgaard. C'est toujours dans le cadre de la Journée mondiale de la femme que le Musée municipal du patrimoine amazigh d'Agadir organise, à partir du 20 mars, en collaboration avec l'auteur et historien d'art, Frédéric Damgaard, une superbe exposition de «Tapis-tableaux des femmes amazighes ». Une initiative à travers laquelle un grand hommage sera rendu à la femme amazighe, dont la créativité n'a cessé de nous étonner depuis des siècles. Son innovation particulière, transmise de génération en génération, a fait d'elle une artiste, dont les travaux sont de vrais objets d'art que Frédéric Damgaard a dénichés dans les fins fonds des villages du Sud marocain. «Jusqu'à nos jours, c'est un métier resté entre les mains des femmes et dans lequel elles excellent souverainement depuis leur enfance. Elles sont les fileuses de la laine et les tisserandes, mais surtout, concernant leur métier à tisser, ce sont elles les artistes, ce sont elles les créatrices de ces beaux tissages et tapis berbères très particuliers, que nous appelons ici des tapis-tableaux», affirme Frédéric Damgaard. Sa recherche n'a pas été des plus faciles, parce qu'il lui fallait trouver les vrais tapis, qui sont, d'après lui, les plus rares. «Les faux, on en trouve dans beaucoup de bazars qui les font fabriquer en masse pour répondre à la demande des clients. On trouve aussi chez certains commerçants des tapis-Picasso, comme ils les appellent, dessinés et commandés aux tisserands-fabriquants par des designers ou stylistes. Mais tout cela n'a absolument rien à voir avec un vrai tapis-tableau, tissé par une tisserande inspirée et créative qui réalise une vraie œuvre d'art sans même savoir que ce qu'elle fait est de l'art», explique F. Damgaard qui a poussé sa recherche très loin en rassemblant tous ces trésors dans un bel ouvrage intitulé « Tapis et tissages, l'art des femmes berbères du Maroc» où on décèle l'inspiration sans retenue de cette brave femme dont le choix des motifs et couleurs est le résultat du pur hasard ainsi que de visions spontanées de son humeur. Cette moisson artistique, collectionnée durant de longues années, fait l'objet d'une sélection très raffinée, parvenue de plusieurs régions du Sud. «A Essaouira, ville d'art et de culture par excellence, nous avons pu collectionner beaucoup de tapis-tableaux, ainsi que dans la région avoisinante: dans les tribus Haha, Chiadma, Chichaoua, Sidi Mokhtar, dans le Haouz, et particulièrement à Boujad, Rehamna et Bousbaa».En parcourant les différents modèles de ces tapis, on distingue une multitude de motifs et de couleurs, travaillés avec des techniques distinctes, notamment les tissages simples, les tapis aux points noués, les tapis façon kilim ou tapis avec une alternance de bandes aux points noués et de bandes à technique kilim. Certains ont des motifs géométriques (carrés, rectangles, losanges...de plusieurs tailles et de différentes couleurs fantaisistes. D'autres sont plus abstraits encore : on y trouve des lignes brisées horizontales, verticales, des triangles, des zigzags, toujours dessinés avec une créativité débridée. «Ces tapis sont souvent des œuvres d'art très fortes qui peuvent rivaliser avec des grands artistes peintres abstraits», souligne Frédéric Damgaard. Et d'ajouter que sur d'autres tapis des semblants de figures humaines ou zoomorphes apparaissent entre des motifs qui sont peut-être inspirés de l'architecture ou des tatouages berbères : croix, points, créneaux, losanges, traits parallèles, triangles ou autres. M. Damgaard fait pousser son étude jusqu'aux travaux ponctués de gravures rupestres qui nous renvoient à des messages énigmatiques, donnant lieu à des tapis tableaux très originaux. Des œuvres individuelles et aussi collectives seront ainsi mises en exergue dans la salle des expositions du Musée municipal du patrimoine amazigh d'Agadir. «Une œuvre collective est facilement reconnaissable par les ruptures qui apparaissent dans le décor et la manière de tisser, aux endroits où le tapis a changé de main. Cela n'enlève rien à la beauté de l'œuvre finale. Bien au contraire, car le tapis contient en fait plusieurs tableaux différents créés dans l'esprit de chacune des intervenantes», précise F. Damgaard.Deux beaux livres sont le fruit de cette longue recherche, suivie d'une étude approfondie sur l'art berbère que l'historien en art, Frédéric Damgaard, a mené avec beaucoup de passion et de persévérance, mettant en relief l'art et la culture berbères qui sont, selon lui, en quelque sorte parmi les ancêtres de la culture marocaine et ont plus que d'autres une valeur universelle». Ces deux ouvrages «Tapis et tissages, l'art des femmes berbères» et «Couleurs berbères d'Essaouira à Agadir» seront présentés et signés par l'auteur le jour du vernissage. L'exposition se poursuivra jusqu'au 11 avril. ------------------------------------------------------------------ Honoré par le Musée d'Anvers Toutes ces catégories de tapis-tableaux que nous présentera Frédéric Damgaard, à partir du 20 mars, ont déjà fait l'objet d'une exposition grandiose au Palais des Beaux-arts à Bruxelles au début de l'an 2000 sous le titre «Azetta, l'art des femmes berbères». Organisée par le célèbre historien d'art, le docteur Paul Vandenbroeck, conservateur du Musée royal des Beaux-arts d'Anvers, cette manifestation remarquable de tapis-tableaux du Maroc et de la Tunisie, empruntés à des grands collectionneurs célèbres de Suisse, d'Allemagne, de Belgique et de France, a eu un grand effet sur le public qui fut initié à cet art extraordinaire des femmes berbères. L'exposition fut accompagnée d'un catalogue-livre de plus de trois cents pages, rédigé par le docteur Paul Vandenbroeck qui s'est livré à une analyse pertinente des œuvres exposées et, en particulier, leurs signes et symboles.