L'union affichée deux semaines auparavant sur le nucléaire iranien a fait défaut aux Six lundi, Moscou et Pékin renâclant à cautionner un message de Paris, Londres, Berlin et Washington qui exhorte Téhéran à suspendre ses activités suspectes. Les tractations se poursuivaient donc, en marge de la réunion de l'AIEA à Vienne. Les 35 gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique réunis de lundi à vendredi ne devraient pas aborder le dossier avant mercredi, pour examiner les deux derniers rapports du directeur général Mohamed ElBaradei sur l'enrichissement d'uranium en Iran et l'absence de progrès des inspecteurs de l'Agence dans l'obtention d'informations et documents liés à un programme nucléaire militaire potentiel. M. ElBaradei a déclaré lundi que l'AIEA n'avait "guère avancé dans le règlement des questions de vérification". Evoquant l'offre incitative de coopération économique et technologique soumise à Téhéran le 6 juin par les Six (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies plus l'Allemagne) pour obtenir la suspension de l'enrichissement d'uranium, il a insisté sur "le besoin pour la communauté internationale d'établir la confiance dans la nature exclusivement pacifique du programme nucléaire de l'Iran". Le régime islamique, soutenu par le Mouvement des pays non-alignés, argue de son droit à maîtriser le cycle nucléaire et assure vouloir uniquement produire de l'électricité, alors que les Six le soupçonnent de dissimuler un programme militaire. L'uranium, s'il est enrichi à plus de 90%, peut en effet servir à fabriquer des armes nucléaires. Après plus d'un an de blocage sur le dossier, les positions semblent toutefois pouvoir évoluer, même de façon heurtée. Dans l'offre présentée mardi dernier, les Etats-Unis acceptent des concessions significatives en se déclarant prêts à fournir des technologies nucléaires pacifiques, lever certaines sanctions et participer directement aux pourparlers avec le régime des mollahs. De plus, les Six n'exigent que la suspension, et non l'arrêt permanent, de l'enrichissement d'uranium. La menace de sanctions de l'ONU serait cependant implicite. De son côté, Téhéran a annoncé qu'il présenterait une contre-proposition et laisse entendre qu'il pourrait accepter un compromis concernant l'enrichissement à grande échelle. Le représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères, Javier Solana, a déclaré lundi qu'il escomptait une réponse de l'Iran "cette semaine". En attendant d'être évoqué officiellement, le nucléaire iranien fait l'objet d'intenses tractations. Selon des diplomates à l'AIEA ayant requis l'anonymat, Pékin refuse de signer une déclaration commune des Six, apparemment sous la pression des Non-alignés, formé en 1961 pour faire entendre le Sud sur la scène internationale et qui représente le plus important groupe de pays (114 membres) après l'ONU, avec des membres influents tels que l'Inde, l'Egypte, l'Argentine et le Brésil. "La Chine n'est pas d'accord et la Russie pourrait suivre", a estimé un diplomate. La réticence de Moscou et Pékin à brandir la menace de sanctions contre l'Iran a contribué à la décision des Etats-Unis le mois dernier de participer directement à des pourparlers, à condition que Téhéran accepte l'offre des Six, suspende l'enrichissement pendant les négociations et s'engage sur un moratoire à long terme. Selon une source diplomatique, Londres, Paris et Berlin -la "troïka" européenne, ou l'UE3- étaient en train de modifier un projet de déclaration pour tenter d'obtenir les soutiens russe et chinois. D'autres divisions pourraient encore faire obstacle à une position commune: Pékin, Moscou et éventuellement Berlin pourraient faire pression sur leurs partenaires pour que l'Iran soit autorisé à enrichir de l'uranium en faible quantité et sous stricte surveillance, plutôt que de risquer l'échec des négociations, en contrepartie de quoi Russes et Chinois pourraient accepter l'idée de sanctions ciblées en cas de non-coopération de Téhéran. Soucieux de rallier autant de soutiens que possible à leur offre, Américains et Européens font circuler deux textes, avec l'espoir notamment d'obtenir l'appui des Non-alignés.