L'opération de démolition des constructions anarchiques déclenchée il y a quelque temps sur instructions royales a ratissé nombre d'unités bidonvilloises. Une réunion, présidé récemment par le Wali et regroupant les autorités compétentes à plusieurs échelles, les élus et les services de l'habitat et l'immobilier a eu lieu pour faire le point sur l'état d'avancement des démarches entreprises à ce propos, surtout que le souverain en a exigé des photos aériennes. Si des efforts collectifs ont été déployés d'une manière rigoureuse afin d'honorer des engagements, tout reste à faire dans les points les plus délicats de la ville, en l'occurrence la localité d'Anza où le phénomène est des plus alarmants. Comment remédier à cette bombe à retardement qui, des années durant, était alimentée par de la poudre montée de toutes pièces par les autorités et les élus en parfaite connivence? Par quelle partie commencer l'épreuve de l'assainissement, alors que la quasi-totalité de la localité est embourbée dans le marécage insalubre, tel que, comme dit l'adage, «la tête du teigneux saigne partout où on la touche». Et pourtant, au départ, vers les années 50, Anza, située à quelque 7 kilomètres d'Agadir, ne renfermait qu'une cimenterie, un quartier résidentiel de cette compagnie industrielle d'environs 200 foyers, des maisons qu'on appelle «tram-sanitaires» de 418 familles, un «bloc B» de quelques personnes, une petite unité des travaux publics, baptisée «Lalla Charija» ou encore «Aghsdis» et un douar plus loin, sur le promontoire, dit «Taddart». En tout et pour tout, cette population très étriquée dépassait à peine 1000 habitants, concentrée autour de la société des ciments. Après le tremblement de terre de 1960 et jusqu'aux années 80, Anza, recevait, tout d'abord, les campements des sinistrés du séisme, à l'instar de Amsernat à Agadir, où des logements du préfabriqué sis au quartier Al Ouahda ont été implantés, outre des baraques pour les services des Domaines. Ensuite, une série de fabriques de conserverie commençait à pulluler, attirant un nombre de plus en plus accru d'ouvriers venus de plusieurs régions du pays. Devant cet exode rural important, les industriels, dans un souci de s'assurer une main-d'oeuvre toujours disponible à n'importe quel moment, en fonction de l'abondance du poisson, construisirent des logis comme des ghettos où sont entassés ces travailleurs maltraités et sous-payés. Ces masures qu'on appelle communément «des écuries» existent également à Agadir, dans la plupart des conserveries. Après la cimenterie qui tuait à petit feu de «cellulose» aussi bien les ouvriers de l'usine que les populations d'Anza, ces unités industrielles viennent accentuer le calvaire des habitants, par ces multiples nuisances écologiques surtout dans le littoral cruellement pollué, ainsi que les odeurs nauséabondes lâchées dans les airs asphyxiants. Au début des années 80, la commune d'Agadir avait lancé un large programme de recasement des familles bidonvilloises qui concernait pareillement Anza, à travers les opérations Al Ouahda et Hassania, aux côtés d¹Al Massira, Daghla, Al Qods... à Agadir, avec des facilités de paiement pour les bénéficiaires (1000DH au premier versement). Un éternel camp de sinistrés On procédait, alors au déplacement des baraques vers la côte pour libérer les lotissements prévus. C'est ainsi que les résidents des «écuries» de Rigada, Solicoma, Sonafap, Sialco, Oued Souss, Unimer Etamar... sautaient par-dessus les murs pour s'approprier des terrains des particuliers afin d'y monter des baraques, synonymes de lots. Devant cette ruée infernale vers l'octroi des lots, des bidonvilles poussent comme des champignons, surtout autour des carrières, notamment «Day Day». Cette opération de relogement a profité uniquement à quelque 700 familles. Mais, devant la flambée progressive de l'immobilier, la spéculation monte d'un cran, orchestrée malheureusement par les autorités locales et les élus. Cette anarchie urbanistique de la localité d'Anza, meurtrie par les pollutions atroces des unités industrielles auxquelles s'ajoutent aussi les grosses et dangereuses «bombes» de gaz de butane, semblait déjà irréparable à cause justement du déchaînement des agents d'autorité qui s'adonnaient sans scrupule à l'encouragement de ce phénomène, moyennant des revenus faramineux et des élus qui se lançaient, quant à eux, dans de viles démarches électoralistes. Cette tentative éperdue de conquête de voix des bidonvillois atteignait bassement son paroxysme lorsqu'on a doté ces taudis d'électrification et d'eau potable aux frais de la commune, au lieu de procéder à leur extraction tout en trouvant des solutions décentes et viables aux populations à qui on a inculqué des manies de dépendance et d'opportunisme. Cette erreur monumentale coûte actuellement aux contribuables plus de 10 millions de dirhams par an, de quoi monter des habitations dans des conditions beaucoup plus convenables. Le pire, c'est que ces baraques se multipliaient et se morcelaient comme des tâches d'huile et dont les occupants ont déjà bénéficié des lots vendus ipso facto, sous l'effet de la spéculation, et sont restés sur place, ou encore des baraques occupées toujours par les membres de famille des bénéficiaires, constamment entretenus avec la complicité flagrante des autorités et des élus qui s'entre changent les clients et s'échangent les avantages, au point de se trouver maintenant avec plus de 5000 baraques éparpillées dans les divers recoins d'Anza. Voilà donc une situation complexe et déplorable dont la responsabilité incombe directement aux agents de l'autorité et les élus qui ont fait de cette localité une niche de populisme votatif abject et d'enrichissement éhonté, à tel point maintenant que toute réparation est sujette à des affronts sanglants. On parle aujourd'hui de faire déplacer plus de 4000 bidonvillois au plateau de Taddart, mais sur quels critères et dans quelles conditions ce recasement aura-il lieu ? Et puis encore une fois, l'impunité exaspère puisque les malfaiteurs ont commis leur forfait crapuleux sans que l'on y réagisse. L'ère Basri a bien fait des ravages et continue à lâcher ses funestes séquelles. Le ver du fruit ronge ces belles rives et il est temps de procéder aux véritables cures.