Vers la mi-avril 2007 prenait la route vers plusieurs villages du Souss une caravane un peu particulière puisqu'il s'agit de la première caravane de cinéma amazigh organisée par une jeune association qui venait à peine de voir le jour à Agadir. Une de ces associations qui n'avait pour capital que la jeunesse de ses membres (leur moyenne d'âge ne dépasse pas la trentaine), du dynamisme à revendre, une volonté à toute épreuve, des idées plein la tête et surtout un attachement sans bornes à leur identité et leur culture amazighes. Il faut reconnaître que les responsables de cette association et à leur tête Rachid Boukssim n'ont pas trouvé toute l'aide et toutes les facilités qu'ils souhaitaient, d'autant plus que les sponsors ne se bousculaient pas au portillon. D'ailleurs, ils s'attendaient un peu à rencontrer des difficultés de ce genre, mais pas à ce point-là. Bref, on ne croyait pas tellement en ces jeunes-là. Mais c'était compter sans la ténacité et la ferme volonté qui les animaient. Il faut cependant reconnaître que deux des organismes officiels les plus concernés par une telle entreprise ont quand même répondu à leur appel. Il s'agit de l'IRCAM et du CCM. Mais ce qui a mis du baume au coeur, c'est surtout la présence des maisons de production et des artistes amazighs qui ont tous favorablement accueilli cette heureuse initiative de Rachid Boukssim et de ses amis de l'association Isni N'Ourgh. Le budget est certes très limité mais cela ne va pour autant constituer un obstacle majeur pour la réalisation de ce projet ambitieux. Et dès le départ, on sentait combien les organisateurs avaient vu juste puisque partout où la caravane passait, c'était la fête, une très grande et authentique fête populaire à laquelle tous les villageois participaient. Ce fut la première fois qu'ils avaient l'occasion de discuter directement avec leurs acteurs préférés et de communier avec eux. Partout, l'accueil était des plus chaleureux, un accueil digne de l'hospitalité légendaire de notre beau pays. Pour couronner ce projet, l'association avait prévu l'organisation de la Nuit Isni N'Ourgh du film amazigh où allaient être décernés plusieurs prix. La ville d'Agadir ne dispose malheureusement pas de grandes salles de spectacles, les quelques bonnes salles existantes étant hors de prix pour le modeste budget de l'association et les autres inaccessibles parce que les responsables concernés n'ont tout simplement pas daigné les mettre à la disposition de celle-ci pour abriter une telle manifestation. C'est triste de le dire, mais ce n'est là qu'un petit exemple de ce qu'endure la culture populaire dans la capitale de la région Souss-Massa- Drâa. N'ayant donc pas le choix, les organisateurs se sont finalement rabattus sur le Théâtre de Verdure dont la scène a été habilement agencée par le metteur en scène de service, en l'occurrence le jeune Brahim Rouibâa, tout fraîchement auréolé des deux distinctions que sa troupe vient de remporter au 9ème Festival national de théâtre de Meknès. C'est donc contre vents et marées que l'association Isni N'Ourgh a relevé le défi et frappé par la même occasion un grand coup. Sobre et sans paillettes, cette nuit l'était certes, mais ce fut néanmoins un très grand moment dans l'histoire du jeune cinéma amazigh et qui marquera certainement un tournant décisif dans sa longue marche. En effet, plusieurs artistes amazighs ont participé à cette soirée inoubliable (groupe Touderte de Tiznit, ensemble d'Ahouach Mseguina, Itrane n'ougadir et le grand humoriste amazigh, Rachid Aslal) animée par Hamid Achtouk et Latifa Mdigue, deux jeunes artistes amazighs fort connus du public. Sur les vingtfilms présentés, 9 étaient en compétition. Présidé par notre confrère, Mohammed Bakrim, directeur actuel du CCM à Casablanca et composé de Brahim El Hasnaoui de l'IRCAM, Lahoucine Bizgarne, réalisateur, Zohra Makach, professeur à l'Université Ibn Zohr d'Agadir, Abdallah Aourik, artiste plasticien à Agadir, El Habib Lasri, directeur de la station régionale de la Radio à Agadir, le jury a attribué les prix suivants : - Prix de la meilleure interprétation féminine : Fatima Arkha pour son rôle «Hammou Ounamir» de Fatima Boubekdi ; - Prix de la meilleure interprétation masculine : Abdellatif Âatif pour son rôle «Sidi Mohmmad ou Ali» de Brahim Chkiri ; - Prix de la meilleure mise en scène : Brahim Chkiri pour son film «Wach» ; Afrique du Nord Arts, Cultures, Littérature Maroc - Prix du meilleur scénario : Talouhte n'Loualidayne de Lahoucine Birdouaze - Grand Prix Isni N'ourgh du film amazigh 2007: « Imourane » de Abdallah Dari. A cette occasion, il a été rendu un très vibrant hommage à Lahoucine Bizgarne, le réalisateur du film Tamghart n'ourgh qui fut le pionnier du film amazigh au Souss. Un second hommage de la soirée a été rendu à Mohammed Bakrim, journaliste et critique de cinéma, originaire de la région Souss-Massa-Drâa.