- Le lait en poudre n'est pas compétitif - Mauvaises récoltes et hausse des cours mondiaux permettent à la filiale une trêve biologique NESTLÉ fête cette année ses 80 ans au Maroc. Le Royaume a figuré parmi ses premières implantations hors Europe, 60 ans après sa création en 1867 par Henri Nestlé. Aujourd'hui, le site Maroc compte parmi les plus compétitifs au sein du groupe. C'est ce qu'affirme Victor Espirito-Santo, directeur général de Nestlé pour la région Maghreb. Mais pour combien de temps encore? Le lait en poudre est le produit phare de la filiale du géant de l'agroalimentaire. Ses ventes contribuent à hauteur de 40% dans le chiffre d'affaires réalisé au Maroc en 2006. Une véritable vache à lait. Nestlé transforme 7% du lait collecté. Sur le lait en poudre, elle est en situation de quasi-monopole. Elle est, en fait, la seule à détenir une usine spécialement dédiée à la pulvérisation. Les droits de douanes rendaient le marché marocain trois fois plus sûr. Cette situation n'allait pas durer longtemps. Même avec des droits de douanes élevés, l'import commençait à constituer une sérieuse concurrence. On se souvient du lait Lahda introduit d'Algérie via Oujda. La fermeture des frontières mettra un terme à cette menace. Mais l'affaire du lait provenant des Emirats arabes unis va remettre sur le devant de la scène le manque de compétitivité des produits fabriqués au Maroc. Si Lahda ne pouvait être compétitif que parce qu'il était bien garni en subventions (selon Espirito-Santo, l'Etat algérien paye 25% du prix du litre du lait au paysan), la compétitivité du lait émirati provenait bien d'un avantage compétitif industriel. L'intrant principal, le lait, est acheté auprès des grands pays producteurs tels que la Nouvelle-Zélande, le Brésil ou l'Argentine à des prix bien plus intéressants qu'au Maroc. Ces dernières années, la firme a vu sa position renforcée de nouveau grâce à la hausse des cours mondiaux du lait en poudre (la tonne du lait en poudre est passée de 2.000 à 5.000 dollars). Cela a rendu le «made in Morocco» imbattable sur le marché local. Mais jusqu'à quand cette trêve biologique, obtenue grâce aux mauvaises saisons agricoles en Australie et à la Nouvelle-Zélande, durera-t-elle? La production du lait en poudre devient très hypothétique à terme surtout que le pays est engagé sur la voie irréversible de la libéralisation des échanges. Un travail de fond pour mettre à niveau le secteur de l'élevage est plus que jamais urgent. Améliorer les races et renouveler le cheptel, former et sensibiliser les éleveurs sur les volets sanitaires et nutritifs, supporter une partie des frais de l'achat des aliments qui est une charge fixe tout au long de l'année et qui devient plus lourde pendant les mauvaises campagnes… Quelques mesures qui s'imposent. Nestlé, premier groupe mondial de l'agroalimentaire, a un rôle à jouer dans cette mise à niveau. Le directeur général de la filiale marocaine détaille les actions engagées par son entreprise en direction des paysans: «Nous assurons une assistance technique aux 15.000 agriculteurs avec qui nous travaillons dans la région des Doukkala. Nous leur accordons des aides financières sous formes de prêts ou d'avances d'argent, etc.» Mais «Nestlé ne peut pas se substituer au gouvernement», lâche Espirito-Santo. Pour lui, l'Etat devrait lever les barrières douanières qui pèsent sur l'importation des aliments de bétail et aider financièrement et logistiquement les paysans à renouveler leurs troupeaux. C'est le seul moyen d'augmenter le rendement et la production. Malgré un contexte difficile, le site de production d'El-Jadida a encore des réserves de compétitivité. La firme entend lui donner un coup de jeune en investissant 60 millions de dirhams. Plusieurs raisons expliquent ce choix. D'abord, le marché marocain est loin d'être saturé et présente des perspectives de croissance considérables. «Le mode de consommation du Marocain moyen est assez conservateur. Les Marocains ont une préférence pour le frais et le fait-maison, mais la tendance est aux bouleversements de ces habitudes notamment avec la hausse du niveau de vie et l'arrivée massive des femmes sur le marché de travail», explique le directeur général de la filiale marocaine de Nestlé. Ensuite, la consommation de lait au Maroc est très en deça des niveaux constatés dans des pays comparables. A titre d'exemple, «un Algérien boit 80 litres par an quand un Marocain n'en consomme que 30 seulement»! Outre la clientèle des ménages, Nestlé peut compter sur les commandes des FAR. Mais la multinationale peut très bien fournir le marché marocain avec de l'import sans avoir à produire sur place. Cependant, le site jadidi reste stratégique dans une perspective d'ouverture du marché maghrébin. Le Maroc deviendra alors une tête de pont pour fournir la région. Au-delà du lait en poudre, c'est sur le café instantané que le Maroc est le plus compétitif. Pour preuve, 75% de la production traverse les frontières à destination de 30 pays différents. Nestlé by BCG LE portefeuille produits Nestlé Maroc est composé de 6 gammes: le lait en poudre (Nido), le café et le chocolat instantanés (Nescafé et Nesquik), la nutrition pour enfants (Cerelac), les culinaires (Maggi), les céréales (Cherrios) et les glaces. Nido est le produit vache à lait: peu de dépenses et grosse part de marché. Parmi les stars, l'on retrouve Nescafé, Nesquik et Nestlé Nutrition. Les produits,-dilemme se situent au niveau des barres chocolatées: Kit Kat et Nestlé. Quant aux poids morts, c'est le culinaire avec Maggi et les glaces qui en constituent l'essentiel. Carte de visite L'ANNÉE 1927 voit l'installation à Casablanca de Nestlé Anglo Swiss Milk, une société de distribution des produits Nestlé au Maroc. Cette structure avait pour objectif de commercialiser sur place des produits fabriqués en Europe. La volonté de passer à une phase industrielle va se manifester avec la création de Nestlé Maroc S.A. en 1984. Mais c'est la construction de l'usine d'El-Jadida en 1994 qui va être le véritable tournant de l'implantation du groupe au Maroc. Aujourd'hui, le siège de Nestlé Maroc est à Casablanca. C'est de là que sont gérées les affaires de l'entreprise au niveau de tout le Maghreb. La filiale marocaine compte 450 collaborateurs répartis entre le siège, l'usine et une dizaine d'agences et de dépôts. En 2006, Nestlé Maroc a réalisé chiffre d'affaires de 965 millions de dirhams et un profit net de 47 millions de dirhams.