Emprisonnés depuis 1999 pour avoir inoculé le virus du sida à 438 enfants de Benghazi, trois fois condamnés à la peine capitale, finalement commuée le 17 juillet dernier en peine de prison à vie, les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien voient enfin la lumière au bout du tunnel. La priorité désormais : leur « rapatriement immédiat » en Bulgarie. Ce à quoi œuvre Nicolas Sarkozy et le président de la Commission européenne Jose Manuel-Barroso. Les deux hommes se sont entretenus à plusieurs reprises au téléphone afin d' « obtenir la libération des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien et leur rapatriement immédiat », a indiqué la présidence française dans un communiqué. C'est dans ce cadre que la Commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner ainsi que Cécilia Sarkozy accompagnée de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, se trouvent en Libye depuis dimanche matin Selon le site internet de l'hebdomadaire Le Point, Cécilia Sarkozy et Claude Guéant ont rencontré hier après-midi le numéro un libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, afin de fixer « les derniers détails du transfert des infirmières bulgares vers leur pays d'origine » et devaient le rencontrer à nouveau ce lundi matin. La Libye et la Bulgarie sont en effet liées par un accord d'extradition datant de 1981 qui doit permettre aux six accusés de purger leur peine dans leur pays d'origine. L'hebdomadaire indique, en citant une source proche des autorités libyennes, que le scénario envisagé « consiste à (les) faire raccompagner vers Sofia à bord de l'avion français, en présence de Claude Guéant et de Cécilia Sarkozy ». Cécilia Sarkozy et Claude Guéant étaient déjà allés en Libye le 12 juillet pour rendre visite aux infirmières et au médecin bulgares condamnés à mort et aux familles des enfants contaminés par le virus du sida. Le président français Nicolas Sarkozy est pour sa part attendu mercredi en fin de journée à Syrte, en Libye, pour des entretiens avec le leader libyen Mouammar Kadhafi. Compromis financier Le Conseil supérieur des instances judiciaires libyennes a commué mardi 17 juillet la sentence des six condamnés à mort en peine de prison à vie. Il a fallu payer le prix fort pour mettre fin à leur cauchemar. Chaque famille de victime a reçu un dédommagement d'un million de dollars. Selon le porte-parole des familles, Idriss Lagha, le nombre de victimes s'élève à près de 460, dont une vingtaine de mères ayant été contaminées par leurs enfants. « Nous avons renoncé à la peine de mort, après que toutes nos conditions ont été remplies », a insisté Idriss Lagha. Les familles avaient refusé de signer le moindre document tant que l'argent ne leur avait pas été effectivement versé. Le compromis financier a été négocié par la Fondation Khadafi présidée par le fils du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Seif al-Islam. Selon la fondation, l'argent provenait du Fonds spécial d'aide de Benghazi, créé en 2005 par Tripoli et Sofia, sous l'égide de l'UE. Les Etats-Unis y participent également, selon la Fondation. Pour mettre toutes les chances de leur côté, les accusés avaient signé une « demande de pardon et de clémence » auprès du Conseil supérieur des instances judiciaires, ainsi qu' « un engagement pour garantir qu'ils n'engageraient pas de poursuites contre l'Etat libyen » pour leurs années de détention dans les geôles libyennes, avait indiqué l'avocat libyen des infirmières, Othman Al-Bizanti. Une décision saluée La décision de la plus haute instance judiciaire du pays, qui sonne comme un dénouement heureux dans une affaire ayant empoisonné les relations de la Libye avec la communauté internationale, a été immédiatement saluée par les Etats-Unis, l'Union européenne et la France. Il s'agit d' « un grand pas dans la bonne direction », mais le dossier ne sera clos qu'avec le rapatriement des six praticiens, a commenté le chef de la diplomatie bulgare Ivaïlo Kalfine. Une demande d'extradition a été lancée dès mercredi a indiqué le parquet général de Sofia, qui a également précisé que « la présidence bulgare aurait le pouvoir de gracier » les condamnés une fois ceux-ci sur son sol. Les Etats-Unis se sont dits « rassurés » et le président français Nicolas Sarkozy a salué « la décision sage et courageuse des familles des enfants contaminés de renoncer à la peine capitale pour les six personnels médicaux bulgares, dans le cadre de la tradition du pardon islamique ». Mauvaises conditions d'hygiène Emprisonnés depuis février 1999, les infirmières Kristiana Valtcheva, Nassia Nenova, Valia Tcherveniachka, Valentina Siropoulo et Snejana Dimitrova ainsi que le médecin d'origine palestinienne, Achraf Joumaa Hajouj, ont toujours clamé leur innocence, affirmant que leurs aveux ont été arrachés sous la torture. Les six soignants étaient à l'époque venus renforcer les équipes médicales de l'hôpital national de Beghazy, la deuxième ville du pays, témoignant des mauvaises conditions d'hygiène du lieu. Depuis 56 enfants sont décédés du virus du Sida. Les cinq infirmières et le médecin avaient déjà été condamnés à la peine capitale en 2004, en décembre dernier, et le verdict avait été confirmé le 11 juillet dernier. Et ce malgré les témoignages et les preuves médicales montrant que le VIH sévissait à l'hôpital de Benghazi avant même leur arrivée. Les six accusés ont notamment reçu le soutien de deux des chercheurs les plus éminents sur le virus, les spécialistes français Luc Montagnier et italien Vittorio Colizzi, pour qui la contamination résultait des mauvaises conditions d'hygiène de l'hôpital.