Les islamistes palestiniens du Hamas, engagés depuis samedi dans de violents combats contre les partisans du président Mahmoud Abbas, ont crié victoire et salué la "libération" de Gaza des "collaborateurs", après la chute du quartier général de la Force préventive du Fatah. Les combats de la journée ont fait au moins 20 morts, 18 membres du Fatah tués à Gaza et deux militants du Hamas à Rafah, près de la frontière égyptienne, a-t-on appris de source médicale. Depuis samedi, ces affrontements fratricides ont fait près de 90 morts. Les forces loyales au président de l'Autorité palestinienne tiennent toujours deux bases importantes - le siège de la présidence à Gaza et un autre bâtiment -, mais le sort des armes a été favorable au Hamas, a affirmé un responsable du mouvement islamiste. "Ce qui s'est passé aujourd'hui au quartier général de la Force de sécurité préventive, c'est la deuxième libération de la bande de Gaza", a dit à Reuters Sami Abou Zouhri, faisant allusion à la première "libération" - le retrait du territoire des colons et de l'armée de l'Etat juif en 2005. "Cette fois-ci, Gaza a été libéré de la horde des collaborateurs", a-t-il ajouté à propos des membres du Fatah. Il a affirmé que le Hamas était disposé au dialogue mais a estimé que les institutions palestiniennes qu'Abbas consultait dans l'après-midi à Ramallah, en Cisjordanie, étaient "illégales", la légitimité palestinienne devant selon lui revenir au gouvernement du Premier ministre Ismaïl Haniyeh. Abou Zouhri a précisé que le projet prêté à Abbas de dissoudre ce gouvernement, formé en mars dernier, n'aurait aucune base légale. Après de violents combats, les miliciens du Hamas ont hissé dans la matinée le drapeau vert du mouvement islamiste sur les toits du siège de la Force de sécurité préventive. Certains défenseurs ont pu prendre la fuite, d'autres ont accepté de se rendre en échange de la promesse de pouvoir rentrer chez eux sans être inquiétés, a précisé la radio du Hamas. On les a vus sortir du bâtiment, torse nu, bras levés, encadrés par leurs vainqueurs. Pour fêter leur victoire, les islamistes ont tiré des coups de feu en l'air et offert des chocolats à la population. Le siège des services de renseignement d'Abbas est également tombé. LA FIN DU GOUVERNEMENT D'UNION ? Les forces du Hamas continuaient dans l'après-midi à pilonner au mortier les bâtiments de la présidence palestinienne, qui avec une autre base reste sous le contrôle du Fatah. Les islamistes occupent apparemment toutes les autres installations du mouvement d'Abbas dans la bande de Gaza, notamment à Rafah, et la radio du Fatah a cessé d'émettre en dehors de la ville même de Gaza. Ces succès du Hamas à Gaza ont entraîné des représailles du Fatah en Cisjordanie, où un membre du mouvement islamiste a été blessé par balle près de Ramallah et plusieurs autres ont été arrêtés à Djénine et Naplouse. Des bureaux du Hamas ont été saccagés dans cette dernière ville. Le président de l'Autorité palestinienne doit faire dans les heures qui viennent une "annonce importante" sur l'avenir du gouvernement d'union nationale que, selon un responsable du Fatah, il aurait l'intention de dissoudre. Le Fatah ayant menacé mardi de quitter la coalition, le président pourrait être amené à gouverner par décret, même si l'effusion de sang témoigne des limites de son autorité. Confronté à la perspective d'un passage du territoire sous l'autorité du Hamas, le Premier ministre israélien Ehud Olmert a proposé le déploiement d'une force internationale à la frontière entre Gaza et l'Egypte. Le Hamas, qui, comme d'autres groupes d'activistes fait venir des armes en contrebande par des tunnels creusés sous la frontière, a rejeté cette idée, estimant qu'il ne s'agirait rien d'autre que d'une "force d'occupation". L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a également fait savoir qu'elle ne voyait pas l'utilité d'une telle force. A Bruxelles, la Commission européenne a suspendu son aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza en raison des combats "suicidaires" entre factions et ne la rétablira que lorsque les violences auront cessé, a annoncé le commissaire européen à l'Aide et au Développement. "La situation humanitaire est catastrophique, nous avons dû retirer nos employés", a déclaré à Reuters Louis Michel. "C'est dramatique et c'est inacceptable." Le commissaire belge a ajouté que "les belligérants comprendre que c'est suicidaire". A Washington, la Maison blanche a fait état de sa "profonde inquiétude" devant la détérioration de la situation et a dénoncé les "actes de terreur" commis par le Hamas contre la population palestinienne.