LES DÉMOCRATES n'ont pas flanché. Soumis à d'énormes pressions de la Maison-Blanche, montée au créneau presque quotidiennement contre leur « manque de patriotisme », les nouveaux maîtres du Congrès sont sur le point d'envoyer à George W. Bush une loi à laquelle il a promis d'opposer son veto : elle lie la poursuite du financement de la guerre en Irak au retrait des troupes à compter du 1er octobre, avec l'objectif d'un départ complet d'ici à mars 2008. Ce texte, débattu depuis des semaines par les deux assemblées, a été adopté mercredi soir par la Chambre des représentants à une courte majorité (218 voix contre 208). Hier, il devait être également entériné par le Sénat, préalable à son transfert au président en début de semaine prochaine. La date correspondra au quatrième anniversaire de la proclamation par George Bush de « la fin des opérations majeures de combat » en Irak. Des mouvements anti-guerre ont prévu d'exploiter la corrélation dans des publicités affirmant : « Il avait tort à l'époque, il a tort aujourd'hui. » Dans le camp adverse, un site Internet conservateur a lancé une pétition pour dire « non à la capitulation. » C'est le thème qu'exploite la Maison-Blanche pour justifier son veto : soulignant que 80 jours ont passé depuis que Bush a demandé un « financement d'urgence » pour les troupes, un communiqué officiel a dénoncé « une loi décevante qui insiste sur une date de reddition, lie les mains de nos généraux et contient des millions de dollars de dépenses sans rapport avec la guerre ». Sur les 124 milliards de dollars alloués par le Congrès, 25 milliards concernent les agriculteurs ou les victimes de l'ouragan Katrina. Vers la poursuite du bras de fer Des solutions se dessinent déjà pour l'après-veto, permettant à la fois de ne pas abandonner les GI sans moyens en Irak et de maintenir la pression sur la Maison-Blanche. Une nouvelle mouture pourrait assortir les crédits de « jalons » visant à mesurer les progrès sur le terrain, avec obligation pour Bush d'en rendre compte. Le calendrier pourrait, lui, se retrouver dans une loi générale sur la politique de défense qui doit être débattue le mois prochain, ou dans le texte portant financement annuel du Pentagone. L'enjeu, à court terme, est de poursuivre le bras de fer sans affecter les rotations de troupes ou leur équipement. Le bras de fer a pris une forme personnelle mercredi lorsque la Commission de surveillance de la Chambre a adressé une injonction à comparaître au secrétaire d'État, Condoleezza Rice, pour l'obliger à témoigner sur la nature des renseignements dont disposait la Maison-Blanche avant d'envahir l'Irak. L'Administration semble prête à lutter contre cette assignation, arguant que les proches conseillers du président en sont généralement dispensés afin de garantir la sincérité de leurs recommandations. Mais le Congrès est en train de déployer un véritable siège autour de l'équipe Bush, dont plusieurs membres font l'objet d'enquêtes ou de convocations, notamment l'assistante de Karl Rove, l'éminence grise du président. Monica Goodling, ancienne collaboratrice du ministre de la Justice Alberto Gonzales, s'est vu accorder un statut d'immunité pour témoigner contre son ancien patron dans l'affaire des licenciements à relents politiques de huit procureurs généraux. Gonzales doit être entendu le 10 mai par une commission de la Chambre et il vient de recevoir une lettre de sénateurs démocrates et républicains lui demandant de combler les trous dans sa mémoire des événements. La semaine dernière, lors de son audition au Sénat, il avait dit plus de 70 fois : « Je ne me rappelle pas. »