Les démocrates, enhardis par leur récente victoire au Congrès, se préparent à se livrer à des primaires avant les présidentielles de 2008 alors que la fidélité des républicains au leadership de George Bush commence à se fissurer. Il semble vraiment loin le temps où, quand un membre éminent du Congrès américain ou une personnalité médiatique en vue osait faire des allusions implicites à la nécessité d'un retrait des forces américaines d'Irak, il se faisait scalper sur place par les porte-flingues de tous ces néoconservateurs autour du vice-président Dick Cheney qui avaient convaincu George-Bush de tenter l'aventure militaire irakienne. Traité de tous les maux allant de la lâcheté jusqu'à une complicité objective avec les réseaux terroristes, le suspicieux devait faire amende honorable en montrant une repentance qui le lave de tout sentiment antipatriotique. Aujourd'hui, signe des temps, la balance des charges est inversée. Le retrait des forces américaines d'Irak est sur toutes les lèvres. Il est presque invoqué par des personnalités dont le palmarès et la longue carrière militaire indiquent le courage et la dignité comme l'unique sortie de crise du bourbier irakien. Des démocrates enhardis par leur récente victoire au Congrès, se préparent à se livrer à des primaires avant les présidentielles de 2008, jusqu'aux républicains divisés dont la fidélité au leadership de George W. Bush commence à se fissurer. Tout cela sur fond de désaffection de l'opinion publique américaine dont les résultats d'un sondage Gallup diffusé cette semaine par le quotidien USA Today. L'indice de confiance du président W. Bush tombe à son plus bas niveau, 29% d'opinions positives contre 33% il y a un mois. Plus de sept Américains sur dix se déclarent désormais favorables au retrait de la quasi-totalité des militaires déployés en Irak d'ici avril prochain. Ils sont par ailleurs 62% à juger que les Etats-Unis ont commis une erreur en envoyant des troupes en Irak. L'opinion américaine est travaillée par l'absence de résultats et de perspectives de cet engagement militaire en Irak. En plus des pertes humaines de plus en plus lourdes à supporter, l'Irak s'est révélé être un gouffre financier pour les Américains. Une étude indépendante de l'organisme de recherches du Congrès (Congressional Research Service) a montré que les Etats-Unis ont dépensé plus de 500 milliards de dollars dans les guerres en Irak et en Afghanistan et chaque mois, ces conflits coûtent 12 milliards de dollars. Surfant sur cette vague de frustration sourde généralisée, l'influent «New York Times» a commis cette semaine un éditorial d'une rare violence à l'encontre du président W. Bush intitulé «The road home» (Le chemin du retour) où il espère que l'indispensable retrait sera mieux préparé que l'invasion. Le journal new-yorkais dénonce l'absence d'idées et de solutions à la Maison-Blanche : «Il est effroyablement clair que le projet de M. Bush est de rester sur place aussi longtemps qu'il sera président et ensuite de transmettre le fardeau à son successeur. Quelle que soit la cause qui l'a guidé, elle est perdue». Sentant une pression de plus en plus forte sur l'administration Bush de céder aux sirènes séduisantes du retrait, le gouvernement irakien est monté au créneau pour livrer des contre-arguments censés refroidir l'enthousiasme. Le ministre des Affaires étrangères irakien, Hoshyar Zebari, se donne dans la prévision optimiste quand il affirme : «Nous avons discuté avec des délégations du Congrès et expliqué les dangers d'un retrait rapide, qui laisserait un vide du point de vue de la sécurité (...) Ce retrait pourrait conduire à une guerre civile, à une division (du pays) ou à une guerre régionale». La réponse de George W. Bush à tous ceux, y compris dans son propre camp qui l'incitent à revoir sa stratégie en Irak, demeure encore évasive, enveloppée dans un vague discours conditionnel sur le degré de préparation des forces irakiennes à assumer pleinement des tâches de sécurité. Mais cette ligne de défense qui a permis au président américain de tenir jusqu'à présent aura du mal à résister à la grogne des décideurs américains que ne manquera pas de provoquer le rapport d'étape qu'attend le Congrès ce 15 juillet sur le premier bilan de l'augmentation des troupes américaines en Irak. George W. Bush avait bâti de grands espoirs de cette augmentation des forces américains destinées à sécuriser Bagdad et à affaiblir considérablement la rébellion. Les informations quotidiennes en provenance d'Irak, relatant le chaos et les bains de sang, lui disent le contraire.