Ils sont rentrés. Au grand soulagement de toute la Grande-Bretagne, les 15 marins britanniques capturés par les Iraniens dans les eaux du Golfe sont arrivés jeudi à Londres, au lendemain de leur très théâtrale libération, orchestrée la veille à Téhéran par Mahmoud Ahmadinejad en personne. Ainsi se dénoue une crise qui aura duré près de deux semaines. Saluant ce retour, le Premier ministre Tony Blair a tenu à réaffirmer jeudi, au cours d'une brève allocution devant le 10, Downing Street, que cette libération était intervenue "sans aucune négociation, et sans aucun accord d'une quelconque nature que ce soit": "Nous avons dit clairement dès le début que nous ne le ferions pas, et nous avons maintenu fermement cette position tout du long." A peine arrivés à l'aéroport de Heathrow, juste le temps de quelques photos sur le tarmac, et les 15 sont repartis en hélicoptère pour la base des Royal Marines à Chivenor, à 335km au sud-ouest de Londres, où les attendaient leurs familles et un débriefing. L'équipage britannique, les bras chargés de cadeaux offerts par le président iranien, avait quitté l'aéroport Mehrabad de Téhéran dans la matinée à bord d'un vol commercial de British Airways. A bord, après avoir sablé le champagne de la liberté, les 14 jeunes hommes et Faye Turney, devenue la plus célèbre des Anglaises, ont ré-endossé l'uniforme, quittant costumes civils à l'iranienne -et foulard pour Faye Turney- arborés lors de leur adieux médiatiques à l'Iran. Cette crise, qui aura fait s'envoler les cours du pétrole et escalader la tension dans cette région déjà ultra-tendue du Golfe, sur fond de bras de fer autour du nucléaire iranien, prend donc fin après 13 jours de confrontation. C'est la diplomatie discrète qui aura permis de sortir de l'impasse, dans laquelle la Syrie aurait joué un rôle important. Tony Blair a réaffirmé qu'il n'y avait aucun lien avec la libération, à Bagdad, d'un diplomate iranien enlevé dans des circonstances mystérieuses. Il a aussi noté qu'à la faveur de cette crise, "des canaux de communication se sont ouverts qui n'étaient pas à notre disposition auparavant". Tout en appelant la communauté internationale à ne pas relâcher la pression sur Téhéran, tant dans le dossier du nucléaire que pour le rôle joué par l'Iran dans la guerre d'Irak. L'Iran n'aura au bout du compte pas obtenu d'excuses publiques, Ahmadinejad jugeant que Londres n'a pas été "assez courageuse" pour reconnaître que ses marins se trouvaient dans les eaux iraniennes lors de leur arraisonnement le 23 mars par une unité de garde-côtes des Gardiens de la révolution (Pasdaran), l'armée d'élite de la république islamique. Mercredi, au cours d'une conférence de presse très théâtrale, Ahmadinejad a annoncé au bout d'une demi-heure son "cadeau" surprise au peuple britannique, la "grâce" accordée aux marins... Suivi d'une parade à la mise en scène élaborée, au cours de laquelle les Britanniques libérés ont défilé pour saluer et bavarder avec un Ahmadinejad tous sourires. Selon nombre d'observateurs, c'est le chef suprême du régime des mollahs, l'Ayatollah Ali Khamenei, l'homme qui a le dernier mot à Téhéran, qui a décidé que la crise avait assez duré. Car si Ahmadinejad a joué le premier rôle en public, ce n'est "pas lui qui a pris la décision", soutient James Dobbins, expert de la RAND Corporation, prestigieux centre de réflexion américain, soulignant la complexité des luttes d'influence entre factions au sein du régime iranien. La presse britannique attribuait le mérite de la sortie de crise à Ali Larijani, le négociateur en chef en matière de politique étrangère, homme des tractations nucléaires, considéré comme un pragmatique. Ancien officier pasdaran, Larijani est très proche de Khamenei, tout en étant l'un des principaux rivaux du populiste Ahmadinejad, et l'allié de l'ancien président conservateur Ali Akbar Hachémi Rafsandjani. Ce qui pousse certains à voir dans cette libération une victoire de l'aile pragmatique conservatrice sur l'aile extrémiste du régime. Même si la prestation d'Ahmadinejad montre qu'il est loin d'être totalement écarté. Mais si les pressions contraires ont peut-être permis un dénouement rapide de la crise des marins, cela ne signifie pas forcément qu'il faille espérer d'autres compromis de la part de Téhéran, notent ces observateurs. Sur le dossier du nucléaire, les factions iraniennes continuent de montrer un front plus qu'uni.